L’article 2276 du Code civil : en fait de meubles, la possession vaut titre

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

article 2276 du Code civil

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L’article 2276 du Code civil dispose en son premier alinéa que : « En fait de meubles, la possession vaut titre ».

Cela signifie que la possession d’un meuble équivaut à un titre de propriété. En principe, celui qui possède un meuble en devient instantanément le propriétaire.

Mais pour bien comprendre la signification et la portée de cet article, il importe de définir ce qu’est la possession, quels en sont les éléments constitutifs et les conditions.

Nous verrons ensuite que si le principe est l’acquisition instantanée des meubles par la possession utile et de bonne foi, il existe tout de même une exception : les meubles perdus ou volés.

 

Les éléments constitutifs et les conditions de la possession

 

La possession est une situation de fait. Elle correspond au pouvoir de fait exercé par une personne sur une chose (à l’inverse, la propriété est l’exercice d’un pouvoir de droit sur la chose).

Généralement, la possession coïncide avec la propriété, mais pas toujours. Concrètement, celui qui a la possession se comporte comme le propriétaire de la chose. Il exerce les prérogatives du droit de propriété sur la chose. Cela entraîne des conséquences juridiques. En particulier, si une personne possède un bien immeuble pendant un certain délai, le droit considère qu’elle en devient propriétaire. Pour ce qui est des meubles, en application de l’article 2276 du Code civil, celui qui a la possession devient instantanément propriétaire de la chose.

Pour produire ses effets, la possession doit :

  • Être constituée dans ses 2 éléments ; et
  • Être utile (ou non viciée), c’est-à-dire réunir 4 conditions.

 

Les éléments constitutifs de la possession

On peut décomposer la possession en 2 éléments :

  • un élément matériel : le corpus
  • un élément psychologique : l’animus

L’élément matériel : le corpus

C’est la maîtrise de la chose. Le possesseur doit exercer sur la chose les mêmes actes matériels que ceux que pourrait exercer le propriétaire. Exemples : habiter un appartement, s’emparer d’un meuble…

Il faut toutefois noter que le corpus peut être exercé par une autre personne que le possesseur. C’est ce qu’on appelle la possession corpore alieno : le bien est détenu matériellement par un tiers, qui possède pour le compte d’autrui (article 2255 du Code civil). Exemple : le locataire d’un appartement exerce le corpus pour le compte de son bailleur, qui a la qualité de possesseur corpore alieno.

L’élément psychologique : l’animus

C’est l’intention de se comporter comme le véritable propriétaire du bien.

L’animus ne doit pas être confondu avec la bonne foi. Est de bonne foi celui qui croit être le véritable propriétaire. A l’inverse, l’animus suppose simplement l’intention de se comporter comme le véritable propriétaire. Ainsi, un voleur peut avoir l’animus alors qu’il est de mauvaise foi.

L’animus est présumé exister : « on est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s’il n’est prouvé qu’on a commencé à posséder pour un autre » (article 2256 du Code civil). Ainsi, celui qui se prétend possesseur doit être considéré comme tel.

Il s’agit cependant d’une présomption simple, dont la preuve contraire peut être rapportée par tout moyen. Concrètement, il faut prouver que celui qui a la chose entre les mains n’a jamais eu la volonté d’en être le propriétaire, et n’est donc qu’un simple détenteur précaire.

L’animus permet donc de distinguer le possesseur du simple détenteur précaire (qui n’a pas l’animus). La détention précaire désigne le fait de détenir une chose pour le compte d’autrui. A la différence de la possession, elle ne permet jamais d’acquérir la propriété de la chose détenue.

En principe, le détenteur précaire exerce non seulement un pouvoir de fait sur la chose, mais également un pouvoir de droit. Ce pouvoir de droit résulte du contrat en vertu duquel la chose lui a été confiée (exemples : un contrat de bail, un contrat de prêt, un contrat de dépôt), à charge pour lui de la restituer à son propriétaire. Ce contrat constitue un aveu du droit de propriété d’autrui. Exemple : le locataire est un détenteur précaire.

Le détenteur peut toutefois devenir possesseur s’il prouve une interversion de titre (il n’est plus un simple détenteur mais a désormais la volonté de se comporter comme le véritable propriétaire). L’interversion de titre se réalise dans 2 cas :

  • L’interversion de titre par le fait d’un tiers : Il s’agit du cas où le détenteur, de bonne foi, acquiert la propriété d’un tiers qui se fait passer pour le véritable propriétaire et, par conséquent, se considère comme le nouveau propriétaire. Exemple : le locataire qui croit avoir acquis le bien de son propriétaire et arrête donc de payer les loyers.
  • L’interversion de titre par contradiction opposée au droit du propriétaire : Il s’agit du cas où le détenteur ne reconnaît plus le propriétaire comme propriétaire. Cette contradiction doit s’exprimer par un acte explicite (exemple : le locataire qui entreprend de gros travaux dans l’appartement). En cas d’absence de contestation du propriétaire, le détenteur devient possesseur.

 

Les conditions de la possession utile

La possession produira ses effets si elle est utile, c’est-à-dire si elle réunit 4 conditions : elle doit être continue, paisible, publique et non équivoque.

Le caractère continu de la possession

La possession est continue lorsque le possesseur a fait des actes matériels sur la chose de façon régulière et sans interruption prolongée.

Cela ne signifie pas une occupation permanente de la chose. Il faut simplement qu’il n’y ait pas d’intervalles anormaux entre chaque acte. Exemple : Posséder une résidence secondaire ne signifie pas l’habiter tout le temps.

Le vice de discontinuité est un vice absolu (toute personne peut l’invoquer) et temporaire (la possession pourra reprendre après avoir été interrompue).

Le caractère paisible de la possession

On considère qu’une possession est paisible lorsque le corpus n’a pas été acquis d’une façon violente, et que le possesseur n’a pas usé de violences pour se maintenir en possession.

La violence peut aussi bien être physique que morale. Exemple : des menaces.

Le vice de violence est un vice relatif (seule la victime peut l’invoquer) et temporaire.

Le caractère public de la possession

La possession doit se manifester par des actes apparents et s’exercer à la vue de tous.

Le vice de clandestinité est un vice relatif et temporaire.

Le caractère non équivoque de la possession

Le possesseur doit agir comme un véritable propriétaire. Il faut que les tiers soient convaincus que les actes réalisés par le possesseur sur la chose le sont en qualité de propriétaire. Si les actes sur la chose sont ambigus et ne révèlent pas clairement l’animus, alors la possession sera considérée comme équivoque.

Le vice d’équivoque se retrouve principalement dans 2 situations :

  • La communauté de vie : Lorsque deux personnes cohabitent, les biens compris dans l’habitation peuvent faire l’objet d’une possession équivoque.
  • Les droits concurrents sur une chose : Lorsque des actes matériels sont exercés sur une même chose à plusieurs titres, ces actes matériels peuvent être considérés comme équivoques. Exemple : En cas d’indivision, si un propriétaire indivis réalise un certain nombre d’actes sur la chose, on pourrait penser qu’il les réalise parce qu’il se considère propriétaire exclusif, et pas seulement propriétaire indivis.

Le vice d’équivoque est une limite à la présomption d’animus. L’animus étant présumé, la possession existe. En revanche, elle n’est pas utile.

Le vice d’équivoque est un vice absolu et temporaire.

 

Maintenant que nous avons bien cerné la notion de possession, ses éléments constitutifs et ses conditions, nous pouvons analyser plus en détails l’article 2276 du Code civil, et notamment le principe de l’acquisition instantanée de la propriété des meubles par la possession utile et de bonne foi.

 

L’article 2276 du Code civil : le principe de l’acquisition instantanée des meubles par la possession utile et de bonne foi

« En fait de meubles, la possession vaut titre ». C’est ce qu’affirme l’article 2276 alinéa 1 du Code civil. Ainsi, le principe est que la possession d’un meuble emporte acquisition instantanée de sa propriété.

En réalité, trois conditions doivent être réunies pour que l’acquisition instantanée d’un meuble ait lieu :

  • Une possession utile et de bonne foi :
    • La possession du meuble doit d’abord être constituée dans ses 2 éléments (corpus et animus) et être utile (en particulier publique et non équivoque).
    • La possession doit également être de bonne foi : le possesseur doit penser qu’il est le propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices (article 550 du Code civil). La bonne foi du possesseur est présumée et appréciée au moment de l’acquisition du bien. Ainsi, si le possesseur découvre après l’acquisition du bien qu’il n’a pas traité avec le véritable propriétaire, sa bonne foi ne sera pas remise en cause.
    • A l’inverse, si le possesseur savait qu’il ne traitait pas avec le véritable propriétaire, il sera considéré comme de mauvaise foi. Dans ce cas, l’acquisition de la propriété du meuble ne sera pas instantanée. En l’absence de dispositions légales et de positions jurisprudentielles, on considère que le possesseur de mauvaise foi devient propriétaire après un délai de 30 ans.
  • Un meuble corporel : L’acquisition instantanée ne peut s’appliquer :
    • aux immeubles
    • aux meubles incorporels (Cass. Civ. 1ère, 6 mai 1997)
    • aux meubles soumis à un régime de publicité spécifique qui les rapproche des immeubles (exemples : les aéronefs, bateaux et navires)
  • Un meuble dont le propriétaire s’est volontairement dessaisi : Au final, l’acquisition instantanée d’un meuble ne peut avoir lieu que dans le cas où le propriétaire a remis la détention du meuble à un tiers (exemples : par un contrat de bail, un contrat de prêt, un contrat de dépôt…) qui l’a ensuite vendu à un tiers de bonne foi. Ce n’est que dans ce cas-là que le tiers de bonne foi peut penser être le véritable propriétaire, alors qu’il ne l’est pas en réalité. Si en effet il avait acquis son bien en traitant directement avec le propriétaire, il serait devenu propriétaire à son tour.

Le propriétaire pourra exercer une action en revendication de la propriété à l’encontre de celui qui a la possession de son bien et refuse de le restituer. Cette action a pour but de faire reconnaître le droit de propriété et d’obliger le possesseur à restituer au propriétaire la possession du bien. Pour ce faire, le propriétaire devra prouver son droit de propriété sur le bien.

Mais en ce qui concerne les fruits produits par le bien, que se passe-t-il en cas de revendication du bien par le véritable propriétaire ? Le possesseur doit-il restituer, en plus du meuble, les fruits qu’il a perçus ? Il faut distinguer deux cas :

  • Si le possesseur est de bonne foi : Il n’a pas à restituer les fruits perçus.
  • Si le possesseur est de mauvaise foi : Il doit restituer les fruits (article 549 du Code civil). La restitution peut avoir lieu en nature ou en valeur au jour du remboursement.

 

L’article 2276 du Code civil : le cas des meubles perdus ou volés

Après avoir énoncé le principe selon lequel en fait de meubles, la possession vaut titre, l’article 2276 du Code civil affirme en son deuxième alinéa :

« Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. »

En d’autres termes, le possesseur de bonne foi d’un meuble n’en devient propriétaire qu’au bout de trois ans si ce meuble a été perdu ou volé. Les meubles perdus ou volés constituent donc une exception au principe de l’article 2276 alinéa 1 du Code civil.

Le possesseur de bonne foi qui se voit privé du bien par la revendication du propriétaire dispose de deux recours :

  • Dans tous les cas, il dispose d’un recours contre celui qui lui a vendu le bien (article 2276 alinéa 2 du Code civil).
  • Si les circonstances dans lesquelles il a acquis le meuble ne lui permettaient pas d’imaginer que le meuble ait pu être volé à son propriétaire initial (exemples : achat dans une foire, dans un marché, dans une vente publique…), ce dernier devra lui rembourser le prix s’il revendique le meuble (article 2277 alinéa 1 du Code civil). Si le propriétaire initial rachète le meuble, il pourra ensuite exercer un recours contre le marchand sur le fondement de l’article 1240 du Code civil. Il faudra donc prouver la faute du marchand.

 

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Je m’appelle Maxime Bizeau, et je suis avocat de formation, diplômé de l’école d’avocats du Barreau de Paris.

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