L’article 34 de la Constitution : la définition du domaine de la loi

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

article 34 de la Constitution

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La définition du domaine de la loi par l’article 34 de la Constitution

La Constitution de la Vème République donne une définition du domaine de la loi dans son article 34. Tout ce qui ne relève pas de la loi relève du domaine du règlement (article 37 de la Constitution).

Autrement dit, le Parlement ne peut prendre des mesures que dans un certain nombre de domaines délimités par l’article 34 de la Constitution. Pour tous les autres domaines, il revient au pouvoir exécutif d’édicter des mesures, par le biais de règlements.

À la lecture de l’article 34 de la Constitution, on remarque une distinction entre deux catégories :

  • D’une part « la loi fixe les règles concernant » certaines matières et « fixe également les règles concernant » d’autres matières.
  • D’autre part « la loi détermine les principes fondamentaux » dans un certain nombre de matières.

Il faut donc distinguer entre les domaines pour lesquels la loi fixe les règles et les domaines pour lesquels la loi détermine les principes fondamentaux. Dans le premier cas, la loi détermine les règles dans le détail. Dans le second cas, elle ne détermine que les grands principes, le détail étant renvoyé à des règlements d’application. Cette distinction apparaît toutefois relativement floue.

Ainsi, selon l’article 34 de la Constitution, la loi fixe l’ensemble des règles pour :

-les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ; les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;

-la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;

-la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l’amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;

-l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d’émission de la monnaie ;

-le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ;

-la création de catégories d’établissements publics ;

-les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’Etat ;

-les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé.

Dans le cas des matières précitées, les lois qui sont prises doivent être complètes et précises ; elles ne doivent pas nécessiter plus de détails pour être correctement interprétées. En effet, il ne faut pas laisser à des règlements pris par le gouvernement le soin de fixer des dispositions qui doivent être fixées par la loi.

L’article 34 de la Constitution ajoute ensuite que :

La loi détermine les principes fondamentaux :

-de l’organisation générale de la Défense nationale ;

-de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;

-de l’enseignement ;

-de la préservation de l’environnement ;

-du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;

-du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.

Ainsi, pour ces matières, les lois n’ont pas à être complètes et précises. Elles peuvent nécessiter plus de détails et en conséquence être complétées par des règlements d’application.

Enfin, l’article 34 de la Constitution énonce, dans son dernier alinéa, que :

Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique.

Ainsi, le domaine de la loi peut être « précisé » et « complété » par une simple loi organique.

Les lois organiques sont des lois qui ont pour objet de préciser et compléter la Constitution. Elles sont édictées selon une procédure particulière. En effet, elles ne peuvent être promulguées qu’après avoir été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel (article 46 alinéa 5 de la Constitution).

La procédure d’élaboration des lois organiques est donc différente de celle utilisée pour élaborer les lois ordinaires. Le contrôle effectué par le Conseil constitutionnel rend leur promulgation plus difficile.

Pour autant, une révision de la Constitution doit normalement être approuvée ou bien par référendum, ou bien à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en Congrès.

Ainsi, les modalités de révision de l’article 34 de la Constitution constituent une exception à la procédure classique de révision de la Constitution.

 

La révolution opérée par l’article 34 de la Constitution

Jusqu’en 1958, le domaine de la loi était illimité.

En effet, sous la IIIème République et la IVème République, la loi désignait tout acte voté par le Parlement. Le domaine de la loi était déterminé par le Parlement lui-même qui fixait la limite entre la loi, qui relevait de sa compétence, et le règlement, qui relevait de la compétence de l’exécutif. Ainsi, une loi pouvait être prise dans n’importe quelle matière.

Le gouvernement n’édictait des règlements que pour exécuter des lois. La différence entre la loi et le règlement ne résidait pas dans leurs domaines, mais au niveau de leur forme ; la loi était un acte voté par le Parlement, tandis que le règlement était un acte pris par le pouvoir exécutif.

En définissant le domaine de la loi, c’est donc une véritable révolution qu’opère l’article 34 de la Constitution de 1958 ! Le Parlement n’a plus la compétence de ses compétences. Il ne détermine plus quels domaines relèvent de la loi et, a fortiori, quels domaines relèvent du règlement.

Sans doute le constituant a-t-il voulu mettre fin aux excès du parlementarisme constatés sous la IIIème République et la IVème République.

 

L’extension du domaine de la loi

La révolution opérée par l’article 34 de la Constitution à travers la définition du domaine de la loi doit toutefois être relativisée.

D’abord, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’article 34 de la Constitution n’est pas exhaustif au regard du domaine de la loi.

Ainsi, le Conseil constitutionnel considère que la compétence du Parlement ne résulte pas seulement de l’article 34 de la Constitution, mais également d’autres articles de la Constitution, comme par exemple :

  • l’article 3 pour le droit électoral
  • l’article 35 pour la déclaration de guerre
  • l’article 36 pour la prorogation de l’état de siège
  • l’article 53 pour l’autorisation de ratifier ou d’approuver certains traités

Mais ce n’est pas tout. La compétence du Parlement peut également résulter du Préambule de la Constitution de 1958 et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui fait référence à l’intervention de la loi dans plusieurs de ses articles (Cons. const., 28 novembre 1973, Mesures privatives de liberté).

Ensuite, il est fréquent que le Premier ministre dépose un projet de loi alors même que le gouvernement aurait pu prendre un règlement pour faire passer la mesure. Cette pratique a été validée par le Conseil constitutionnel en 1982 dans sa décision « Blocage des prix et des revenus ». Selon le Conseil, « par les articles 34 et 37, alinéa 1er, la Constitution n’a pas entendu frapper d’inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi, mais a voulu, à côté du domaine réservé à la loi, reconnaître à l’autorité réglementaire un domaine propre et conférer au Gouvernement, par la mise en oeuvre des procédures spécifiques des articles 37, alinéa 2, et 41, le pouvoir d’en assurer la protection contre d’éventuels empiétements de la loi » (CC, 30 juillet 1982, Blocage des prix et des revenus).

Autrement dit, une loi peut contenir des dispositions de nature réglementaire si le gouvernement ne s’y oppose pas. Ainsi, puisque le domaine du règlement a été institué au profit du gouvernement, ce dernier peut renoncer à s’en prévaloir. Il peut accepter un empiétement de son pouvoir.

Cela contribue à renforcer le domaine de la loi.

 

L’extension du pouvoir réglementaire

La portée de l’article 34 de la Constitution doit également être nuancée en raison de l’extension du pouvoir réglementaire.

A priori, le gouvernement ne peut prendre des mesures que dans les matières qui ne sont pas citées par l’article 34.

Mais en vertu de l’article 38 de la Constitution, le gouvernement peut, sur autorisation du Parlement, prendre par ordonnances des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi.

Les ordonnances ont d’abord une valeur réglementaire, puis, après ratification par le Parlement, une valeur législative.

L’autorisation du Parlement résulte du vote d’un projet de loi d’habilitation déposé par le gouvernement et adopté selon la procédure législative ordinaire. La loi d’habilitation mentionne la durée et l’objet de l’habilitation.

Après avis du Conseil d’Etat, les ordonnances sont adoptées en Conseil des ministres. C’est donc le président de la République qui signe les ordonnances.

Enfin, la loi de ratification permet de donner valeur législative aux ordonnances. Le vote du projet de loi de ratification n’est toutefois pas obligatoire. Ainsi, un certain nombre d’ordonnances n’ont jamais été ratifiées. Ce type d’ordonnances a simplement valeur réglementaire.

On voit donc bien que des règlements ont pu être pris dans des domaines normalement réservés à la loi par l’article 34 de la Constitution.

 

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