Le dol : définition, éléments constitutifs, preuve et sanctions

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

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Le dol : définition

De manière générale, on peut définir le dol comme un comportement malhonnête, une tromperie qui amène l’autre partie à conclure le contrat sur la base d’une croyance erronée. Par exemple, il y a dol dans le cas d’un commerçant qui simule dans sa comptabilité des bénéfices exagérés pour vendre plus cher son fonds de commerce.

Avant la réforme du droit des contrats par l’ordonnance du 10 février 2016, seul l’ancien article 1116 du Code civil traitait du dol. Cet article disposait que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. »

Mais depuis la réforme du droit des contrats, l’article précité n’existe plus. Désormais, le dol est défini à l’article 1137 du Code civil : « Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. »

On comprend donc que le dol est un vice du consentement (au même titre que l’erreur ou la violence) : c’est en raison du dol, de la tromperie, que le cocontractant a conclu le contrat. Son consentement a été vicié par le dol.

Ainsi, si l’on reprend l’exemple précité du commerçant qui simule des bénéfices exagérés pour vendre plus cher son fonds de commerce, il faut bien comprendre que l’acheteur du fonds l’achète en se fondant sur les bons résultats financiers que lui présente le vendeur. Mais si l’acheteur avait eu connaissance des véritables informations comptables du fonds de commerce, alors il ne l’aurait pas acheté. On voit donc que les mensonges, la tromperie du vendeur, ont déterminé le consentement de l’acheteur, et c’est pour cela qu’il y a dol.

Maintenant que la définition du dol a été posée, nous pouvons nous intéresser à ses éléments constitutifs.

 

Le dol : les éléments constitutifs

 

Le dol est un acte de déloyauté (c’est l’aspect délictuel du dol) dont il résulte une erreur du cocontractant l’ayant déterminé à conclure le contrat (c’est l’aspect psychologique du dol).

 

L’aspect délictuel du dol

Le dol suppose la réunion de deux éléments : un élément matériel et un élément intentionnel.

L’élément matériel

L’élément matériel peut désigner :

  • les manoeuvres, c’est-à-dire les actes positifs par lesquels une partie crée chez son cocontractant une fausse apparence de la réalité. Il s’agit donc de mises en scène, d’artifices, de stratagèmes… 
  • les mensonges, c’est-à-dire la fausse affirmation sur un élément du contrat
  • et même le simple silence. C’est ce que l’on appelle le dol par réticence, ou réticence dolosive (c’est ce que vise l’article 1137 du Code civil quand il évoque la « dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie »). Ainsi la Cour de cassation juge que « le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter » (Cass. Civ. 3ème, 15 janv. 1971 ; Cass. Com., 20 juin 1995). Il faut donc comprendre qu’il y a dol lorsqu’un contractant sait qu’il tait à son cocontractant une information si importante que si ce dernier en avait connaissance, alors il ne contracterait pas.

 

dol manoeuvres mensonge

 

 

 

 

 

Cette solution avait été, semble-t-il, remise en cause par la jurisprudence. En effet, plusieurs arrêts avaient considéré qu’il ne pouvait y avoir réticence dolosive que s’il y avait violation d’une obligation pré-contractuelle d’information (Cass. Com., 28 janv. 2014 ; Cass. Civ. 3ème, 16 sept. 2015). A titre d’exemple, on peut citer le célèbre arrêt Baldus (Cass. Civ. 1ère, 3 mai 2000) qui nous explique que dans un contrat de vente, l’acquéreur non professionnel n’a pas l’obligation d’informer le vendeur sur la valeur du bien vendu et qu’il n’y a donc pas réticence dolosive en cas de silence de l’acquéreur sur cette valeur. Pas d’obligation pré-contractuelle d’information, pas de réticence dolosive !

Toutefois, on peut remarquer que l’ordonnance du 10 février 2016 n’a pas consacré ce courant jurisprudentiel. L’article 1137 du Code civil issu de la réforme est clair : il suffit maintenant, pour caractériser la réticence dolosive, d’établir que l’un des contractants a dissimulé intentionnellement une information dont il connaissait le caractère déterminant pour l’autre partie. Ainsi, la réticence dolosive ne suppose pas l’existence d’une obligation pré-contractuelle d’information.

A la suite de la réforme de 2016, cet article 1137 du Code civil pouvait cependant être interprété comme une remise en cause de la jurisprudence Baldus, selon laquelle l’acquéreur ne commet pas de réticence dolosive en dissimulant la valeur du bien vendu.

La loi de ratification du 20 avril 2018 est venue clarifier les choses en modifiant l’article 1137 du Code civil. Celui-ci dispose désormais en son troisième alinéa que ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation”.

L’élément intentionnel

En ce qui concerne maintenant l’élément intentionnel, il s’agit de la volonté de tromper le cocontractant. Il faut que le contractant ait agi en connaissance de cause, en sachant pertinemment que ses manoeuvres, ses mensonges ou son silence, sont déterminants pour la conclusion du contrat et que sans ces éléments, l’autre partie n’aurait pas conclu le contrat. Sans élément intentionnel, pas de dol !

 

L’aspect psychologique du dol

L’aspect délictuel ne suffit pas pour caractériser le dol. En effet le dol comporte également un aspect psychologique : il faut que les manoeuvres, les mensonges ou le silence du contractant aient provoqué chez l’autre partie une erreur qui l’a déterminé à conclure le contrat. Retenez bien que l’erreur provoquée par le dol doit avoir été déterminante du consentement de la victime : sans cette erreur, la victime n’aurait pas contracté.

IMPORTANT : en matière de dol, toutes les erreurs sont admises. Ainsi :

  • l’erreur sur la valeur n’est pas, en principe, une cause de nullité du contrat. Toutefois, une erreur sur la valeur provoquée par un dol est bien une cause de nullité de la convention.
  • une erreur sur les motifs provoquée par un dol est également une cause de nullité du contrat
  • les erreurs qui sont traditionnellement considérées comme inexcusables deviennent toujours excusables lorsqu’elles sont provoquées par un dol (Cass. Civ. 3ème, 21 févr. 2001).

 

Le dol : la preuve et les sanctions

Le dol doit être prouvé par la victime. Cette preuve peut se rapporter par tous moyens puisqu’il s’agit d’un fait juridique.

La sanction du dol est d’abord la nullité du contrat. Il s’agit d’une nullité relative. Par conséquent, seule la victime du dol peut agir en nullité du contrat à défaut de toute autre personne. L’action en nullité pour dol se prescrit par 5 ans à compter du jour de la découverte du dol (art. 1144 du Code civil).

Mais le dol constitue également une faute. La victime peut donc demander, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (ancien article 1382 du Code civil), des dommages et intérêts pour réparer le préjudice qu’elle a subi. Malgré l’existence d’un contrat, la responsabilité est délictuelle, et non pas contractuelle, puisque la faute est antérieure à la conclusion du contrat.

A noter que la victime d’un dol peut simplement se contenter de demander des dommages et intérêts sans demander la nullité du contrat (Cass. Com. 15 janv. 2002).

 

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    • MaximeBizeau dit :

      Merci beaucoup pour ton retour 🙂

  • BOKENDZA Didier Christ dit :

    Hors mis le Dol, existe t il un autre ou d’autres moyens pour prononcer la nullité d’un contrat ?

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