La possession d’état : définition et rôle dans la filiation

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

possession d'état

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La possession d’état : définition

La possession d’état désigne l’exercice en fait de l’état d’enfant ; un individu se comporte comme l’enfant d’une personne et est considéré comme tel par cette personne, même si juridiquement ces personnes ne sont pas liées par un lien de filiation.

De manière plus précise, l’article 311-1 du Code civil dispose que : « la possession d’état s’établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. Les principaux de ces faits sont :

1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu’elle-même les a traités comme son ou ses parents ;

2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ;

3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ;

4° Qu’elle est considérée comme telle par l’autorité publique ;

5° Qu’elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue. »

On peut déduire de cet article les trois éléments constitutifs de la possession d’état.

 

Les éléments constitutifs de la possession d’état

Les éléments constitutifs de la possession d’état sont donc :

  • Le traitement, ou tractatus : La personne est traitée comme l’enfant par la ou les personnes dont elle est dite issue, et elle les traite comme ses parents. Les personnes dont elle serait issue ont pris en charge son entretien et son éducation.
  • La réputation, ou fama : Cette personne est considérée comme leur enfant par leur alentour et l’autorité publique.
  • Le nom, ou nomen : Elle porte le nom de la ou des personnes dont elle est dite issue.

 

Les caractères de la possession d’état

Selon l’article 311-2 du Code civil« la possession d’état doit être continue, paisible, publique et non équivoque » :

  • Continue : Il doit y avoir un comportement habituel et la relation doit s’établir dans la durée (Cass. Civ. 1ère, 24 mars 1993).
  • Paisible : La possession d’état ne peut être entachée de fraude ou de violence.
  • Publique : Elle doit être notoire, connue de tous.
  • Non équivoque : Elle ne peut être établie qu’avec une seule personne, et sera donc considérée comme équivoque s’il existe deux possessions d’état contradictoires.

 

L’établissement de la filiation par la possession d’état

Maintenant que nous avons bien cerné la notion de possession d’état, il importe d’en comprendre l’utilité.

La possession d’état est un mode légal d’établissement de la filiation. En effet, la filiation peut être légalement établie dans 3 cas : par l’effet de la loi, par reconnaissance volontaire ou par la possession d’état (article 310-1 du Code civil).

A ce propos, la possession d’état joue un rôle dans le cadre de l’établissement de la filiation par l’effet de la loi à l’égard du père.

En effet, on sait que la présomption de paternité bénéficiera au mari si l’enfant a été conçu ou est né pendant le mariage (article 312 du Code civil). Mais la présomption de paternité est écartée lorsque l’acte de naissance de l’enfant ne désigne pas le mari en qualité de père ou encore lorsque l’enfant a été conçu pendant une période de séparation légale (article 313 du Code civil). Dans ce cas, la présomption de paternité pourra être rétablie de plein droit si l’enfant, avec qui aucune autre filiation paternelle n’a été établie, a la possession d’état à l’égard du mari (article 314 du Code civil).

Point important : le mari devra également faire constater la possession d’état par acte de notoriété ou par jugement.

Effectivement, pour établir la filiation, la possession d’état doit être constatée soit par un jugement, soit par un acte de notoriété (article 310-1 du Code civil).

La constatation de la possession d’état par acte de notoriété

L’acte de notoriété peut être demandé à un notaire par les parents ou par l’enfant et est établi sur la foi des déclarations d’au moins trois témoins et de tout autre document produit qui attestent une réunion suffisante de faits au sens de l’article 311-1 du Code civil. Il est signé par le notaire et par les témoins (article 317 alinéas 1 et 2 du Code civil).

La demande doit être faite dans un délai de cinq ans à compter de la cessation de la possession d’état alléguée ou à compter du décès du parent prétendu, y compris lorsque celui-ci est décédé avant la déclaration de naissance (article 317 alinéa 3 du Code civil).

La constatation de la possession d’état par jugement

Pour établir la filiation, la possession d’état peut également être constatée par un jugement. Il faudra exercer une action en constatation de la possession d’état.

Cette action est ouverte à toute personne qui a un intérêt à agir. Elle doit être intentée dans un délai de dix ans à compter de la cessation de la possession d’état alléguée ou à compter du décès du parent prétendu (article 330 du Code civil). C’est donc la seule action envisageable pour faire constater la possession d’état après la péremption du délai de cinq ans pour faire dresser l’acte de notoriété.

La preuve de la possession d’état pourra être rapportée par tous moyens, et notamment en ayant recours (sous certaines conditions) à l’expertise biologique.

Le jugement aura un effet déclaratif : il reconnaîtra l’existence de la possession d’état depuis la naissance de l’enfant, et ses effets seront donc rétroactifs.

 

Mais au-delà de l’établissement de la filiation, la possession d’état joue également un rôle dans la contestation de la filiation.

 

Le rôle de la possession d’état dans la contestation de la filiation

D’abord, en quoi consiste la contestation de la filiation ?

Très simplement, la filiation paternelle ou maternelle d’un enfant peut être contestée devant le juge par certaines personnes, par une action en contestation de la filiation.

En particulier, la maternité peut être contestée en rapportant la preuve que la mère n’a pas accouché de l’enfant. La paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père (article 332 du Code civil).

La possession d’état joue un rôle dans la contestation de la filiation car les personnes recevables à exercer l’action en contestation dépendent de l’existence ou non d’une possession d’état conforme au titre.

Pour bien comprendre de quoi il s’agit, prenons l’exemple d’une action en contestation de la filiation paternelle. Une possession d’état conforme au titre signifie qu’il existe une possession d’état (l’enfant se comporte bien comme l’enfant du père qui le traite comme tel et assume son entretien et son éducation + l’enfant est considéré en société comme l’enfant du père + l’enfant porte le nom du père) qui est confirmée par ce qui est indiqué dans l’acte de naissance (ici, l’acte de naissance mentionne bien le père précité comme père de l’enfant). Dans ce cas, seuls peuvent agir en contestation de la filiation l’enfant, l’un de ses parents ou celui qui se prétend le parent véritable. L’action se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d’état a cessé. (article 333 alinéa 1 du Code civil). De plus, nul ne peut contester la filiation lorsque la possession d’état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement (article 333 alinéa 2 du Code civil).

Inversement, une possession d’état non conforme au titre signifie qu’il existe bien une possession d’état mais que celle-ci n’est pas confirmée par ce que dit l’acte de naissance (une personne se comporte comme le père de l’enfant mais son nom n’est pas indiqué dans l’acte de naissance). Dans ce cas, l’action en contestation de la filiation pourra être exercée par tout intéressé (article 334 du Code civil). Le délai pour agir est de dix ans à compter de la majorité de l’enfant (article 321 du Code civil).

Enfin, il faut envisager le cas de la contestation de la filiation établie par la possession d’état constatée par un acte de notoriété. Celle-ci peut être contestée par tout intéressé, dans le délai de dix ans à compter de la délivrance de l’acte (article 335 du Code civil). L’intéressé devra prouver soit qu’il y a défaut dans l’existence même de la possession d’état, soit que cette dernière est affectée d’un vice.

 

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