Les pourparlers : définition et régime juridique

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

pourparlers

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Les pourparlers, également appelés négociations précontractuelles, désignent les échanges (écrits ou oraux) qui interviennent parfois entre les parties avant qu’elles ne concluent le contrat.

On sait en effet qu’un contrat est formé par la rencontre de deux volontés (au moins), c’est-à-dire par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager (article 1113 du Code civil).

Cependant, certains contrats particulièrement importants d’un point de vue financier ou économique nécessitent, avant leur conclusion, une phase de négociations plus ou moins longue pendant laquelle les parties vont discuter des conditions du contrat qu’elles envisagent de conclure.

Cette période précontractuelle est caractérisée par un principe de liberté. Toutefois, ce principe comporte des limites.

Les parties doivent également respecter certaines obligations pendant les pourparlers, à savoir l’obligation d’information et l’obligation de confidentialité.

 

La liberté dans les pourparlers

La phase de pourparlers se caractérise par le principe de liberté (c’est un aspect de la liberté contractuelle) : liberté d’engager des négociations, et liberté de les rompre. Celui qui négocie n’est jamais contraint d’aller jusqu’à la conclusion d’un contrat ; il n’y a aucune obligation pour les parties en pourparlers de conclure le contrat.

La liberté de rompre les pourparlers étant le principe, la rupture de ces pourparlers ne peut pas, a priori, permettre d’engager la responsabilité de son auteur.

Cependant, ce principe de liberté est tempéré par les exigences de la bonne foi, qui gouvernent les négociations. L’article 1104 du Code civil dispose en effet que les contrats doivent être négociés de bonne foi.

Ainsi, une faute durant les pourparlers pourra engager la responsabilité de son auteur. Il s’agira alors, non pas d’une responsabilité contractuelle, mais d’une responsabilité extra-contractuelle / délictuelle (puisque le contrat n’est pas encore conclu), dont la sanction consistera par conséquent en l’octroi de dommages et intérêts.

Une faute pendant la phase des pourparlers peut par exemple consister en :

  • la fourniture de renseignements inexacts en connaissance de cause
  • un brusque changement d’avis après de longues négociations, une rupture brutale et inattendue des pourparlers

Ainsi, si le principe est la liberté de rompre les pourparlers, celui qui négocie engage néanmoins sa responsabilité lorsque la rupture est abusive.

La réparation du préjudice, en cas de faute commise dans les pourparlers, est limitée à ce que la victime aurait pu éviter si les pourparlers n’avaient pas été entrepris (exemples : perte de temps ou d’argent en démarches inutiles, possibilité d’avoir raté une autre négociation…).

En revanche, elle ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu (article 1112 alinéa 2 du Code civil). C’est dire que les avantages attendus du contrat ne peuvent pas constituer un préjudice indemnisable.

Elle ne peut pas non plus avoir pour objet de compenser « la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat » (Cass. Com., 26 nov. 2003, Manoukian). Ainsi, la perte de chance, c’est-à-dire la privation d’une probabilité raisonnable d’obtenir les gains espérés de la conclusion du contrat, ne constitue pas non plus un préjudice indemnisable.

La loi du 20 avril 2018 de ratification de l’ordonnance de 2016 portant réforme du droit des contrats a consacré la jurisprudence Manoukian précitée en prévoyant à l’article 1112 alinéa 2 du Code civil qu’en cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages. Cette disposition, de nature interprétative, est applicable à tous les contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.

En sus de l’impératif de bonne foi, ceux qui négocient sont également soumis à certaines obligations dans le cadre de la phase précontractuelle.

 

L’obligation d’information dans les pourparlers

Pendant les pourparlers, le principe est que la partie qui possède une information dont l‘importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant (article 1112-1 du Code civil).

Mais qu’est-ce qu’une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre partie ?

De manière négative, le devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation. Chacun doit ainsi se renseigner sur la valeur du bien ou du service objet du contrat. Autrement dit, ceux qui négocient n’ont pas à s’informer mutuellement d’un éventuel déséquilibre économique du contrat. Par exemple, un acheteur n’a pas à informer le vendeur sur la valeur du bien vendu (Cass. Civ. 1ère, 3 mai 2000, Baldus ; Cass. Civ. 3ème, 17 janv. 2007, n° 06-10.442). Ainsi, si une personne vous propose de vous vendre son smartphone à 200 euros, vous n’êtes pas obligé de lui dire que son modèle de smartphone se vend actuellement trois fois plus cher sur Internet. C’est au contraire à elle de se renseigner sur ce point.

De manière positive, le devoir d’information concerne les informations dont la connaissance par l’autre partie est de nature à conduire celle-ci à modifier son comportement, soit qu’elle renonce à son intention de conclure le contrat, soit qu’elle souhaite en modifier les conditions. L’article 1112-1 alinéa 3 du Code civil dispose ainsi qu’« ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ».

Mais pour que le devoir d’information s’applique, il faut que l’autre partie ignore légitimement l’information en question, ou fasse légitimement confiance à son cocontractant (article 1112-1 alinéa 1 du Code civil). On comprend donc que dans certains cas, l’ignorance du contractant sera illégitime : cela vise les hypothèses où il doit lui-même se renseigner, sans attendre que son cocontractant lui révèle des informations qu’il était coupable d’ignorer. Au contraire, l’ignorance sera légitime lorsque le contractant avait de sérieuses difficultés pour découvrir par lui-même l’information en question alors que l’autre partie y avait accès.

A noter que l’obligation d’information dans la phase précontractuelle est d’ordre public : les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir (article 1112-1 alinéa 5 du Code civil).

En ce qui concerne la preuve du manquement à l’obligation d’information, c’est à celui qui prétend qu’une information lui était due de le prouver, à charge pour le débiteur de l’obligation d’information de prouver qu’il l’a fournie (article 1112-1 alinéa 4 du Code civil). Ainsi, si celui qui prétend qu’une information lui était due parvient à rapporter la preuve que l’autre partie la lui devait, alors, à ce moment-là, le débiteur de l’obligation d’information pourra se libérer / s’exonérer en prouvant qu’il a bien fourni l’information en question.

Enfin, les sanctions d’un manquement à l’obligation précontractuelle d’information sont les suivantes :

  • la mise en jeu de la responsabilité du débiteur de l’obligation d’information, permettant à l’autre partie d’obtenir des dommages et intérêts
  • l’annulation du contrat (sur le fondement de l’erreur ou du dol) si l’absence d’information a eu pour effet de vicier le consentement du contractant

 

L’obligation de confidentialité dans les pourparlers

Dans le cadre des pourparlers, ceux qui négocient peuvent avoir accès à des informations considérées comme confidentielles (en raison de leur caractère secret par exemple).

Or ces informations, en ce qu’elles sont de nature sensible, méritent une protection.

C’est pourquoi le principe est que ceux qui négocient ne peuvent pas utiliser ou divulguer sans autorisation ces informations de nature confidentielle (article 1112-2 du Code civil).

L’auteur d’un manquement à l’obligation de confidentialité dans les pourparlers engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun.

 

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