L’usucapion (ou prescription acquisitive) : définition, conditions et effets

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

usucapion

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Contrairement aux meubles, la possession d’un immeuble ne permet pas l’acquisition instantanée de sa propriété. Il faut qu’un certain délai s’écoule pour que la possession permette d’acquérir la propriété d’un immeuble. C’est ce qu’on appelle la prescription acquisitive, ou usucapion.

Nous analyserons dans un premier temps les conditions qui doivent être réunies pour que l’usucapion puisse jouer. Nous exposerons ensuite les effets qui découlent de l’usucapion.

 

Les conditions de l’usucapion

L’usucapion suppose d’abord la possession du bien. Comme pour les meubles, cette possession doit :

  • être constituée dans ses 2 éléments. En d’autres termes, le possesseur doit avoir le corpus (la maîtrise de la chose) et l’animus (l’intention de se comporter comme le véritable propriétaire).
  • être utile, c’est-à-dire exempte de vices. Ainsi, la possession doit être continue, paisible, publique et non équivoque.

C’est ensuite l’écoulement d’un certain délai de possession qui va entraîner l’acquisition de la propriété de l’immeuble.

En principe, la propriété d’un immeuble s’acquiert après une possession de 30 ans (article 2272 alinéa 1 du Code civil).

Toutefois, le possesseur peut acquérir la propriété de l’immeuble au bout d’un délai abrégé de 10 ans s’il remplit deux conditions (article 2272 alinéa 2 du Code civil) :

  • être de bonne foi : le possesseur doit croire qu’il a traité avec le véritable propriétaire et qu’il est aujourd’hui le véritable propriétaire. A noter que la bonne foi du possesseur est présumée et appréciée au moment de l’acquisition du bien. Ainsi, si le possesseur découvre après l’acquisition du bien qu’il n’a pas traité avec le véritable propriétaire, sa bonne foi ne sera pas remise en cause.
  • avoir un juste titre : autrement dit, il doit posséder en vertu d’un acte juridique qui lui aurait valablement transféré la propriété de l’immeuble s’il avait émané du véritable propriétaire. Il doit donc s’agir d’un titre :
    • réel : il ne doit pas être putatif, c’est-à-dire exister uniquement dans l’esprit du possesseur.
    • apparemment valable : il doit être exempt de vice de forme et d’une cause de nullité absolue.
    • translatif par nature. Exemples : une vente, un échange, une donation…
    • émanant d’une personne qui n’est pas le véritable propriétaire.

 

Le calcul du délai de la prescription acquisitive

Maintenant que nous avons exposé les conditions qui doivent être réunies pour que l’usucapion ait lieu, il importe de bien comprendre comment est calculé le délai de prescription.

La computation du délai de prescription

La prescription se calcule en jours, sans tenir compte du jour de départ, et est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli (articles 2228 et 2229 du Code civil).

L’interruption de la prescription

L’interruption annule le temps de possession antérieurement écoulé. Celui-ci ne comptera pas si une nouvelle prescription recommence.

L’interruption peut être naturelle (exemple : perte du corpus de la possession) ou civile (exemple : le véritable propriétaire peut contester la prescription acquisitive en l’interrompant par une action en justice).

La suspension de la prescription

La suspension n’annule pas le temps de possession antérieurement écoulé. Celui-ci comptera si une nouvelle prescription recommence. On enlèvera simplement le temps de l’interruption.

La suspension peut :

  • être légale. Exemples : si le véritable propriétaire est mineur ou est un majeur sous tutelle, la prescription est suspendue.
  • avoir lieu contre celui qui ne peut pas valablement agir : si la personne contre laquelle la prescription court n’est pas en mesure de faire valoir ses droits, la prescription est suspendue (article 2234 du Code civil). Exemple : en cas de force majeure.

La jonction des possessions

En principe, pour compléter la prescription, un possesseur peut joindre à sa possession la durée de la possession de la personne dont il tient le bien (article 2265 du Code civil). Mais il faut opérer une distinction entre les ayants cause à titre universel et les ayants cause à titre particulier :

  • Si le possesseur est un ayant cause à titre universel : il ne fait que continuer la personne du défunt et sa possession. Ainsi, la durée de la prescription sera de 10 ans si le défunt était de bonne foi et avait un juste titre, et de 30 ans dans le cas contraire. Il n’y a donc pas de jonction des possessions, puisqu’il n’y a qu’une seule possession qui se prolonge.
  • Si le possesseur est un ayant cause à titre particulier : il commence une nouvelle possession, distincte de la précédente. Mais la jonction des possessions est parfois possible. Il faut distinguer plusieurs cas :
    • Si les possessions sont de même qualité : Il s’agit soit du cas où le premier possesseur et l’ayant cause ont un juste titre et sont de bonne foi, soit du cas où, à l’inverse, le premier possesseur et l’ayant cause sont tous deux de mauvaise foi ou n’ont pas de juste titre. Dans ces deux cas, il y a jonction des possessions pour atteindre, selon les cas, la prescription trentenaire ou la prescription abrégée.
    • Si les possessions sont de qualité différente : Il peut y avoir jonction des possessions, mais seulement pour atteindre une prescription trentenaire. Exemples :
      • Si le premier possesseur était de bonne foi et avait un juste titre, mais que l’ayant cause n’est pas de bonne foi, ce dernier ne peut prescrire que par 30 ans mais peut joindre à sa possession la durée de possession du premier possesseur. Ainsi, si le premier possesseur avait prescrit pendant 9 ans, il restera seulement 21 ans de prescription à l’ayant cause.
      • Si le premier possesseur était de mauvaise foi, mais que l’ayant cause est de bonne foi et a un juste titre, ce dernier dispose d’une option : il peut soit prescrire par 10 ans sans joindre à sa possession celle du premier possesseur, soit décider de prescrire par 30 ans en joignant à sa possession celle du premier possesseur. Cela aura un intérêt lorsque le délai restant de prescription est inférieur à 10 ans (si le premier possesseur a prescrit pendant 22 ans par exemple).

 

Les effets de l’usucapion

D’abord, l’usucapion n’entraîne pas l’acquisition automatique de la propriété de l’immeuble une fois le délai de prescription atteint. Le possesseur doit invoquer la prescription acquisitive en justice (article 2247 du Code civil).

Ensuite, il est important de noter que le possesseur peut également renoncer à la prescription acquisitive (article 2251 du Code civil).

Enfin, l’usucapion a un effet rétroactif. Si la prescription acquisitive s’applique, le droit de propriété remonte jusqu’au premier jour de la possession ; tous les actes accomplis par le possesseur (devenu propriétaire) avant l’expiration du délai de prescription sont validés.

 

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