Le vice de forme : définition, conditions et régime

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

vice de forme

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Le vice de forme : définition

Le vice de forme n’est pas explicitement défini par le Code de procédure civile. Toutefois, dans l’esprit des rédacteurs du code, il désigne le non-respect du formalisme de l’acte de procédure.

En effet, pour être valables, les actes de procédure supposent le respect de certaines formalités, aussi bien concernant leur rédaction que leur notification. Le vice de forme vient justement sanctionner le défaut d’accomplissement ou le mauvais accomplissement d’une de ces formalités.

Ainsi, selon G. Cornu, le vice de forme désigne « l’irrégularité résultant de l’inobservation d’une formalité requise dans la conclusion ou la rédaction d’un acte [convocation préalable, lecture, mention, etc.] ».

Cette définition est confirmée par l’article 114 du Code de procédure civile, qui définit indirectement le vice de forme comme l’ « inobservation d’une formalité ».

Les vices de forme s’opposent donc aux vices de fond énumérés à l’article 117 du Code de procédure civile. Cet article dispose en effet que :

« Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :

Le défaut de capacité d’ester en justice ;

Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;

Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice ».

On voit bien qu’à la différence des vices de forme, aucun vice de fond ne consiste en l’inobservation d’une formalité.

 

Exemples de vices de forme

Les vices de forme sont aujourd’hui nombreux. Puisque l’article 117 du Code de procédure civile énumère les vices de fond de manière limitative, la jurisprudence place presque toutes les irrégularités non prévues par ce texte dans la catégorie des vices de forme.

Ainsi, constituent par exemple des vices de forme :

  • le défaut ou caractère erroné d’une mention obligatoire. Exemples :
    • l’erreur dans l’indication du nom du demandeur (Cass. Civ. 2ème, 4 février 2021, n° 20-10.685)
    • l’absence de mention de la profession, de la nationalité, des date et lieu de naissance de l’appelante dans la déclaration d’appel (Cass. Civ. 2ème, 13 novembre 2008, n° 08-10.411)
  • le défaut ou caractère illisible d’une signature. Exemple : l’absence de signature de l’acte d’appel (Cass. Civ. 2ème, 28 mai 2015, n° 13-19.599).
  • l’utilisation d’un autre support formel que celui prévu par la loi. Exemple : le dépôt au greffe d’une requête aux fins de saisine du bâtonnier au lieu de la lettre recommandée avec demande d’accusé de réception exigée par la loi (Cass. Civ. 1ère, 17 janvier 2008, n° 06-14.380).
  • la méconnaissance des règles de notification. Exemples : l’huissier qui se trompe sur le lieu de signification (Cass. Civ. 2ème, 4 novembre 2021, n° 20-13.568) ou l’identité du destinataire (Cass. Civ. 3ème, 23 mars 2011, n° 10-13.540).

La sanction du vice de forme est la nullité de l’acte de procédure (c’est-à-dire son anéantissement rétroactif), si certaines conditions sont remplies. C’est ce que nous allons voir maintenant.

 

Les conditions de la nullité pour vice de forme

 

Pour que la nullité d’un acte soit prononcée pour vice de forme, trois conditions doivent être réunies. Il faut :

  • un vice grave
  • un grief
  • une absence de régularisation

 

Un vice grave

Si le vice de forme n’est pas suffisamment grave, le juge ne peut pas prononcer la nullité de l’acte.

C’est le sens de l’article 114 alinéa 1 du Code de procédure civile, qui dispose que :

« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. »

Ainsi, en principe, le vice de forme est sanctionné par la nullité de l’acte si cette sanction a été prévue par la loi. Cet article 114 énonce donc le fameux principe « pas de nullité sans texte ».

Mais ce n’est pas tout. L’article 114 pose également deux exceptions au principe « pas de nullité sans texte » :

  • les formalités substantielles
  • les formalités d’ordre public

L’inobservation de ces formalités peut entraîner la nullité de l’acte, même en l’absence de texte de loi prévoyant la nullité.

Au final, la nullité d’un acte entaché d’un vice de forme ne doit être prononcée que si le vice de forme est grave, la gravité étant soit prévue par la loi, soit découverte par le juge (pour les formalités substantielles ou d’ordre public).

La nullité prévue par un texte

En application du principe « pas de nullité sans texte », un acte de procédure ne peut être déclaré nul que si la règle de forme méconnue a été expressément prévue par la loi à peine de nullité.

Par exemple, l’article 56 du Code de procédure civile dispose que :

« L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire. »

Ainsi, l’omission d’une de ces mentions obligatoires constitue un vice de forme qui peut être sanctionné par la nullité. C’est pourquoi l’absence de motivation en droit de l’assignation est une cause de nullité (Cass. Civ. 2ème, 6 avril 2006, n° 04-11.737).

La nullité sans texte (formalités substantielles ou d’ordre public)

Les formalités substantielles ou d’ordre public sont celles qui ont trait à la nature même de l’acte, à son caractère. Elles tiennent à sa raison d’être et lui sont indispensables pour remplir son objet (Cass. Civ. 2ème, 3 mars 1955).

Elles sont assez rares. En effet, de nombreux textes du Code de procédure civile prévoient expressément l’accomplissement de formalités à peine de nullité.

On peut toutefois citer les formalités relatives aux mesures d’instruction (c’est-à-dire les mesures ordonnées par le juge afin d’apporter la preuve de faits dont dépend la solution du litige). En effet, l’article 175 du Code de procédure civile dispose que :

« La nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure. »

Ainsi, en application de l’article 114 alinéa 1 du Code de procédure civile, une mesure d’instruction peut être déclarée nulle pour vice de forme si la nullité est expressément prévue par la loi, ou en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Or aucun des textes relatifs aux mesures d’instruction ne prévoit l’accomplissement de formalités à peine de nullité. Ainsi, pour les mesures d’instruction, « seule la violation d’une formalité considérée comme substantielle peut constituer une cause de nullité » (H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. 3, Procédure de première instance : Sirey, 1991, n° 775).

Par exemple, en guise de mesure d’instruction, le juge peut décider de nommer un expert. Or l’article 242 du Code de procédure civile dispose que :

« Le technicien peut recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leurs nom, prénoms, demeure et profession ainsi que, s’il y a lieu, leur lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles. »

Il a été jugé que l’omission de l’identité des personnes dont l’expert avait recueilli les informations constituait un vice de forme substantiel pouvant entraîner la nullité de la mesure d’instruction (Cass. Civ. 2ème, 5 février 1975).

 

Un grief

Pour que la nullité d’un acte soit prononcée pour vice de forme, il faut également que la partie qui l’invoque prouve “le grief que lui cause l’irrégularité” (article 114 alinéa 2 du Code de procédure civile).

En effet, il ne faut pas permettre à un plaideur de mauvaise foi de retarder l’issue du procès, voire de la gagner, alors que le vice de forme ne lui cause aucun préjudice. Les formalités ont pour but la protection des parties. Et la nullité pour vice de forme vise donc à protéger les parties. En cela, il est légitime que la partie qui ne subit pas de préjudice ne puisse pas obtenir la nullité de l’acte.

Cette règle peut être résumée par le principe « pas de nullité sans grief ».

Elle concerne tous les vices de forme, y compris les formalités substantielles ou d’ordre public (article 114 alinéa 2 du Code de procédure civile).

Le grief est constitué par le tort causé à la partie qui invoque la nullité en l’empêchant de défendre correctement ses droits. Ainsi, le vice de forme fait grief s’il désorganise la défense de la partie qui l’invoque.

En outre, le grief est apprécié de manière souveraine par les juges du fond, en fonction des circonstances. Il s’agit d’une appréciation in concreto (Cass. Civ. 2ème, 27 juin 2013, n° 12-20.929).

 

Une absence de régularisation

L’article 115 du Code de procédure civile dispose que :

« La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. »

Ainsi, l’auteur d’un acte entaché de vice de forme peut toujours le régulariser. La régularisation agit de manière rétroactive ; elle valide l’acte au jour où il a été réalisé. Dans ce cas, la nullité ne peut plus être prononcée.

A la lecture de l’article 115 du Code de procédure civile, on comprend toutefois qu’il faut trois conditions pour que la régularisation ait lieu :

  • la rectification de l’acte, afin de faire disparaître le vice.
  • l’absence de forclusion entre l’acte vicié et la régularisation. Mais depuis la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription, la demande en justice interrompt les délais de prescription et de forclusion, même “lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure” (article 2241 du Code civil). Ainsi, si l’acte vicié interrompt lui-même le délai de forclusion, la régularisation peut intervenir sans limite de temps (Cass. Civ. 2ème, 1er juin 2017, n° 16-14.300).
  • qu’il ne subsiste aucun grief.

 

Le régime de la nullité pour vice de forme

D’abord, seule la partie à qui l’acte est destiné et qui subit un grief du fait de l’irrégularité de l’acte peut invoquer la nullité pour vice de forme. Ainsi, la Cour de cassation a jugé qu’ « un acte de procédure ne peut être annulé pour vice de forme que sur la demande de la partie intéressée » (Cass. Civ. 2ème, 21 juillet 1986).

Cela explique pourquoi la nullité pour vice de forme ne peut pas être invoquée par l’auteur de l’acte irrégulier (Cass. req., 19 janv. 1897).

En outre, la partie recevable à soulever le vice de forme peut tout à fait décider de ne pas le faire ; il s’agit d’une faculté. Et le juge ne peut relever d’office une nullité pour vice de forme.

Enfin, contrairement aux vices de fond qui peuvent être invoqués en tout état de cause (c’est-à-dire à tout moment de la procédure), les vices de forme doivent être soulevés simultanément et in limine litis (c’est-à-dire avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir). Cela résulte de :

  • l’article 112 du Code de procédure civile, qui dispose que « la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité » ; et
  • l’article 113 du Code de procédure civile, qui dispose que « tous les moyens de nullité contre des actes de procédure déjà faits doivent être invoqués simultanément à peine d’irrecevabilité de ceux qui ne l’auraient pas été ».

 

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