L’immunité de juridiction

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

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L’immunité de juridiction est un privilège permettant aux sujets du droit international (Etats et organisations internationales) et leurs agents respectifs d’échapper aux juridictions nationales d’un Etat.

L’immunité de juridiction constitue donc une exception à la souveraineté territoriale d’un Etat.

A noter : L'immunité de juridiction ne doit pas être confondue avec l'immunité d'exécution, qui empêche les procédures d’exécution forcée à l’égard des biens de ses bénéficiaires.

Le fondement et l'étendue de l'immunité de juridiction diffèrent selon ses bénéficiaires. C'est pourquoi dans la suite de cet article nous distinguerons entre l'immunité des Etats et organisations internationales, et l'immunité des agents.

 

L'immunité de juridiction des Etats et organisations internationales

 

L'immunité de juridiction des Etats

L'immunité de juridiction des États relève du droit international coutumier, et ce malgré l’adoption de la Convention des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs biens du 2 décembre 2004. Cette convention n’est en effet pas encore entrée en vigueur, faute du nombre suffisant de ratifications.

En ce qui concerne son étendue, l'immunité de juridiction des Etats est relative en fonction de l’activité en cause de l’Etat. On distingue :

  • les activités de jure imperii, c’est-à-dire qui relèvent des compétences souveraines de l’Etat : ces activités bénéficient de l'immunité.
  • les activités de jure gestionis, lorsque l’Etat agit comme une personne privée (industrielle ou commerçante) : ces activités ne bénéficient pas de l’immunité.

Par exemple, constituent des activités couvertes par le bénéfice de l'immunité de juridiction :

  • les marchés publics, tels qu'un marché de fourniture et d'installations d'un système de protection de gazoducs (Cass. Civ. 1ère, 2 mai 1990, n° 88-14.363, Sté nationale iranienne du gaz c/ Sté Pipeline service et a.)
  • les marchés de travaux (Cass. Civ. 1ère, 8 déc. 1964)
  • les activités militaires (Cass. Civ. 1ère, 27 avr. 2004, n° 01-12.442, Cotigny et Fédération française de Parachutisme c/ Suarez et États-Unis d'Amérique)

Inversement, l'immunité de juridiction n'est pas accordée lorsque le contrat en cause crée un rapport de droit privé, qu'il est passé dans la forme, selon les modes et suivant les données du droit privé (Cass. Civ. 1ère, 7 oct. 1969, Sté nationale des tabacs et allumettes c/ Chaussois et a.) ou encore lorsque les rapports en cause sont « de pur droit privé » (Cass. Civ. 1ère, 7 déc. 1977, Caisse d'assurance vieillesse des non-salariés c/ Caisse nationale des barreaux français).

Enfin, même s’ils bénéficient de l'immunité de juridiction, les États peuvent y renoncer.

Cette renonciation ne se présume pas. En revanche, elle peut être tacite.

 

L'immunité de juridiction des organisations internationales

L'immunité de juridiction est accordée aux organisations internationales pour leur permettre de fonctionner d'une manière indépendante et vise à exclure toute interférence étatique dans l'accomplissement de leur mission.

A la différence de l'immunité de juridiction des Etats dont le principe est ancré dans la coutume internationale, le fondement juridique de l'immunité de juridiction des organisations internationales réside principalement dans des traités, que ce soient les actes constitutifs de ces organisations, les accords de siège entre ces organisations et l’État hôte ou des textes spécifiques comme la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies du 13 février 1946 ou la Convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées du 21 novembre 1947.

A noter : Ayant un fondement conventionnel, l'immunité de juridiction d'une organisation internationale n'est en principe opposable qu'à ses États membres. Ainsi, un État tiers à l'égard de l'organisation n'a aucune obligation de lui reconnaître une immunité de juridiction.

L'étendue de l'immunité de juridiction d'une organisation internationale dépend des termes de l'instrument conventionnel qui la prévoit. En pratique, cette immunité est généralement conçue en des termes très larges, voire absolus. C'est pourquoi la distinction entre les activités de jure gestionis et de jure imperii n'est pas applicable aux organisations internationales, à moins de pouvoir être dégagée de l'instrument conventionnel en question.

Enfin, de même que les Etats, les organisations internationales peuvent renoncer à l'immunité de juridiction. Là encore, cette renonciation ne se présume pas, mais peut être tacite.

 

L'immunité de juridiction des agents

 

Comme pour les sujets du droit international pour le compte desquels ils agissent, on distingue les agents étatiques et les agents d’organisations internationales.

 

L'immunité de juridiction des agents étatiques

Au sein des agents étatiques, on distingue :

  • les agents diplomatiques et consulaires
  • les chefs d’État et les membres de gouvernement

L'immunité de juridiction des agents diplomatiques et consulaires

A noter : 

  • Les agents diplomatiques sont les agents envoyés dans un pays étranger pour y représenter les intérêts de leur pays, sous l’autorité de l’ambassadeur.
  • Les agents consulaires sont eux aussi envoyés dans un pays étranger. Toutefois, leur mission consiste à fournir des services et une assistance administrative aux ressortissants de leur pays se trouvant à l'étranger. Ils travaillent au sein d'un consulat et sont dirigés par un consul.

D’origine coutumière, l'immunité de juridiction des agents diplomatiques et consulaires a été codifiée par la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques et la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires.

En ce qui concerne les agents diplomatiques, ils bénéficient, pour pouvoir remplir efficacement leurs missions, d'une immunité de juridiction absolue qui couvre aussi bien les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions que les actes privés. Dès lors, il n’est pas possible d'introduire une action en justice, civile ou pénale, à l’encontre des agents diplomatiques ou de leur famille devant les juridictions de l’Etat où ils exercent leurs fonctions.

En revanche, les agents consulaires bénéficient d'une immunité de juridiction moins étendue. En effet, celle-ci est limitée aux actes accomplis dans l'exercice des fonctions, à l’exclusion des actes privés. On parle d'immunité ratione materiae.

L'immunité de juridiction des chefs d’État et membres de gouvernement

Contrairement à l'immunité de juridiction des agents diplomatiques et consulaires, l'immunité de juridiction des chefs d’État et membres de gouvernement n'a pas été codifiée. Ainsi, elle relève du droit international coutumier.

En premier lieu, les chefs d’Etat, de gouvernement et les autres membres de gouvernement bénéficient d'une immunité de juridiction ratione materiae qui les protège pour tous les actes qui ont été accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.

A noter : Cette immunité continue de jouer après la fin de ces fonctions.

En second lieu, certains de ces agents étatiques bénéficient d'une double immunité. En effet, outre l'immunité de juridiction ratione materiae susmentionnée, les chefs d’Etat et de gouvernement et les ministres des affaires étrangères bénéficient également d'une immunité de juridiction ratione personae qui couvre tous les actes, y compris les actes privés accomplis hors de l’exercice de leurs fonctions.

A noter : Cette immunité cesse lorsque l'agent quitte ses fonctions. Ainsi, ce dernier pourra à la fin de ses fonctions être poursuivi pour les actes privés qu’il a commis durant son mandat.


L'immunité de juridiction des agents d’organisations internationales

Les agents des organisations internationales sont les personnes par qui les organisations internationales agissent. Parmi ceux-ci, on trouve les fonctionnaires internationaux, comme par exemple l’ensemble des officiels et experts de l’ONU, et notamment le Secrétaire général des Nations Unies et tous ses assistants.

Les agents des organisations internationales bénéficient d’une immunité de juridiction ratione materiae. A ce titre, ils ne peuvent pas être poursuivis par des juridictions nationales pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.

En outre, le Secrétaire général des Nations Unies (et les Secrétaires généraux adjoints) bénéficie d’une immunité de juridiction ratione personae qui couvre tous les actes, y compris les actes privés.


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