Le principe de non-ingérence en droit international

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

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Le principe de non-ingérence : définition

Le principe de non-ingérence, ou principe de non-intervention dans les affaires intérieures, est un principe du droit international qui interdit à tout Etat de s'immiscer dans les affaires intérieures d'un autre Etat.

Il est contenu à l'article 2 § 7 de la Charte des Nations Unies qui affirme que : "Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État ni n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII."

Le principe de non-ingérence englobe différents aspects. D'abord, il interdit le recours à la menace ou à la force armée à l’encontre d’un Etat tiers. Mais outre la menace ou l'emploi de la force, le principe de non-ingérence vise plus largement tout type d’immixtion dans les affaires d’un autre Etat. Cela inclut donc les moyens de pression politiques ou économiques, qui peuvent être utilisés par un Etat afin de faire en sorte que les affaires d'un autre Etat se déroulent de la manière qu'il désire, à son profit ou au profit de ses ressortissants.

A noter : L'interdiction d'avoir recours à la force armée à l'encontre d'un autre Etat, qui implique une action comportant une dimension matérielle et physique, est parfois distinguée de la non-ingérence et appelée "principe de non-intervention".

Le principe de non-ingérence relève du droit international coutumier (CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, 1986).

Il constitue :

  • le corollaire du principe de l’égalité souveraine des Etats : l’Etat ayant le pouvoir de s’opposer aux agissements des Etats tiers sur son territoire, il doit lui-même s’abstenir de s’immiscer dans les affaires des Etats tiers.
  • le corollaire du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ce dernier ne signifiant pas seulement qu'un Etat qui gouverne un territoire qui n'est pas le sien doit en permettre l'indépendance, mais impliquant également qu'un Etat, une fois qu'il a obtenu l'indépendance, doit être laissé libre de s'organiser comme il le souhaite.

 

Exemples de violations du principe de non-ingérence

Un bon exemple de violation du principe de non-ingérence est l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua de 1986, opposant le Nicaragua aux États-Unis. Ces derniers sont condamnés, notamment, pour violation du principe de non-ingérence, en l'occurrence en raison de l'aide apportée aux Contras (groupes armés en guerre contre le gouvernement du Nicaragua), des attaques directes perpétrées contre le territoire nicaraguayen, de son survol et de la pose de mines dans ses ports (CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, 1986). Dans cet arrêt, la Cour internationale de justice (CIJ) affirme que le principe de non-ingérence est une coutume internationale dont le non-respect entraîne l'engagement de la responsabilité de l'État fautif (en l'espèce les États-Unis).

Un autre exemple de violation du principe de non-ingérence est l’affaire du Rainbow Warrior, navire de Greenpeace militant contre les essais nucléaires de la France et sabordé en 1985 par des agents secrets français en Nouvelle-Zélande. Dans le cadre de cette affaire, la France a fait l'objet d'une condamnation par sentence arbitrale ; elle a été contrainte de présenter des excuses à la Nouvelle-Zélande et de l’indemniser (Sentence arbitrale, Affaire du Rainbow Warrior, 1990).

 

Les exceptions au principe de non-ingérence

La question s'est posée de savoir si dans certaines situations, on ne pouvait pas accepter une exception au principe de non-ingérence, prenant la forme d’un droit d’ingérence humanitaire. Ce concept est apparu dans les années 1980 sous l’impulsion de la France. Il prônait l’existence d’un droit (voire d’un devoir) pour les États et les organisations non gouvernementales à apporter une aide humanitaire aux populations civiles en détresse, même sans autorisation de l’État en question.

Sur ce fondement, l’Assemblée générale de l'ONU a adopté quelques résolutions mettant en œuvre ce droit d'ingérence humanitaire. Mais dans ces résolutions, le droit d'ingérence était circonscrit au consentement de l’État en question.

En outre, ce concept était très controversé, les pays en développement soupçonnant, derrière un prétexte humanitaire, que son usage réponde à des motivations politiques. En 2000, dans le cadre du sommet du « Groupe des 77 » (groupe constitué aux Nations unies par 77 pays en développement), est ainsi affirmé le rejet du « soi-disant “droit” d’intervention humanitaire, qui n’a aucun fondement juridique dans la Charte des Nations unies et dans les principes généraux du droit international ».

Par la suite, le concept de droit d'ingérence a été recadré dans celui de « responsabilité de protéger ». La notion de responsabilité de protéger affirme que la souveraineté de l'Etat n’est pas seulement une protection contre l’ingérence extérieure ; il s’agit aussi, pour chaque État, d'un devoir de protection de sa population. Toutefois, une responsabilité résiduelle incombe également à la communauté des États dans son ensemble, qui est activée lorsqu'un État est manifestement incapable ou peu désireux d’accomplir sa responsabilité de protéger, ou est lui-même l’auteur des crimes en question.

La notion de responsabilité de protéger est finalement entérinée par l'ONU en 2005 dans le Document final du Sommet mondial. En effet, aux paragraphes 138 et 139, les chefs d’État et de gouvernement ont affirmé leur responsabilité de protéger leurs propres populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité et ont accepté la responsabilité collective de s’aider mutuellement à respecter cet engagement. Ils se sont également déclarés prêts à mener le cas échéant une action collective lorsque les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leurs populations.

Dès lors, est reconnue à la communauté internationale une compétence en cas de défaillance manifeste d’un État à protéger sa population contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité. Cette responsabilité subsidiaire peut prendre la forme d’une intervention militaire, ou bien de mesures pacifiques, diplomatiques ou humanitaires.

Toutefois, l'action de la communauté internationale au titre de la responsabilité de protéger nécessite l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Or au Conseil de sécurité, toute décision est rejetée dès lors qu'un des cinq membres permanents (la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie) émet un veto. La mise en œuvre de cette responsabilité de protéger est donc pour le moins difficile.

 

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