L'uti possidetis juris : définition
L'uti possidetis juris peut être défini comme le principe selon lequel les frontières établies sous l'empire d'un système disparu doivent être respectées et maintenues par les nouveaux États.
Autrement dit, au moment de la création de nouveaux Etats, ces derniers héritent des frontières ou limites administratives imposées par leurs prédécesseurs.
Il est toutefois possible de déroger à ce principe par accord entre les Etats frontaliers. Concrètement, un tel accord peut permettre de modifier la délimitation qui avait été tracée dans l'ancien système.
A noter : La Cour internationale de justice a affirmé que l'uti possidetis juris est un principe général du droit international (CIJ, 1992, Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime).
L'application du principe de l'uti possidetis juris
Le principe de l’uti possidetis juris a d'abord été appliqué dans le cadre de la décolonisation, afin de faire respecter l’intangibilité des frontières coloniales lors de l’accès à l’indépendance des nouveaux États.
Ainsi, il est apparu lors de la décolonisation en Amérique latine au XIXe siècle. En application de l'uti possidetis juris, les Etats nouvellement créés en Amérique latine héritent des territoires qui appartenaient à l’ancienne puissance colonisatrice espagnole, dans les limites administratives établies par celle-ci (les frontières des nouveaux Etats correspondent aux frontières des provinces espagnoles auxquelles ils se substituent).
Le principe de l’uti possidetis juris a ensuite été repris un siècle et demi plus tard pour la décolonisation de l’Afrique. En effet, les nouveaux Etats africains choisissent de respecter l’assiette territoriale des anciennes colonies ; ils adoptent comme frontières les frontières internationales préexistantes ou bien les limites administratives internes pour les colonies d’une même métropole.
C'est d'ailleurs à propos de l'Afrique que la Cour internationale de justice a consacré le principe de l’uti possidetis juris lors de l'affaire du Différend frontalier en 1986 entre le Mali et le Burkina Faso en déclarant : « Il constitue un principe général, logiquement lié au phénomène de l'accession à l'indépendance où qu'il se manifeste. Son but évident est d'éviter que l'indépendance et la stabilité des nouveaux États ne soient mis en danger » (CIJ, 22 décembre 1986, Différend frontalier). Le principe acquiert ainsi une valeur universelle, au-delà de la décolonisation.
Plus tard, l’uti possidetis juris a finalement étendu son champ d’application aux dissolutions d’États fédéraux, notamment lors des dissolutions de l’URSS, de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie. Ainsi :
- lors de la dissolution de l'URSS, les Etats nouvellement créés, anciennes Républiques soviétiques, décident dans les Accords de Minsk et d’Alma-Ata signés les 8 décembre et 21 décembre 1991 de conserver les limites administratives existantes au temps de l’URSS, qui se muent par conséquent en frontières internationales. Les nouveaux Etats reprennent donc le principe de l’uti possidetis juris, sans toutefois le nommer.
- lors de la dissolution de la Yougoslavie, le principe de l’uti possidetis juris a également été utilisé pour déterminer les frontières des États nouvellement indépendants, conformément aux recommandations de la Commission d'arbitrage de la Conférence pour la Paix, qui avait affirmé que « le droit à l’autodétermination ne peut entraîner une modification des frontières existant au moment des indépendances (uti possidetis juris) sauf en cas d’accord contraire de la part des Etats concernés » (avis n°2 du 11 janvier 1992), et qu'à défaut d'un tel accord « les limites antérieures acquièrent le caractère de frontières protégées par le droit international » (avis n°3 du 11 janvier 1992).
- lors de la dissolution de la Tchécoslovaquie en 1993, la République Tchèque et la Slovaquie ont également eu recours à la transformation des limites administratives en frontières internationales par accord.