L’application de la loi pénale dans le temps

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

application de la loi pénale dans le temps

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Dans cet article, nous allons voir comment a lieu l’application de la loi pénale dans le temps.

En effet, comme toute loi, la loi pénale s’applique aux faits commis après son entrée en vigueur et jusqu’à son abrogation.

Mais que se passe-t-il dans le cas de faits commis avant l’entrée en vigueur d’une loi nouvelle, mais qui n’ont pas été jugés avant cette entrée en vigueur ? Au moment du jugement, faut-il appliquer la loi ancienne ou la loi nouvelle ?

Prenons un exemple : une infraction a été commise en 2021. En 2022, une loi nouvelle modifiant le droit applicable a été promulguée. Admettons que le jugement a lieu en 2023. Faut-il appliquer la loi ancienne ou la loi nouvelle promulguée en 2022 ?

Nous allons répondre à cette question dans cet article.

En réalité, l’application de la loi pénale dans le temps ne sera pas la même selon qu’il s’agit d’une loi de fond ou d’une loi de procédure

 

L’application dans le temps des lois pénales de fond

 

L’application de la loi pénale dans le temps est déterminée par deux principes :

  • le principe de non-rétroactivité de la loi pénale ; et
  • le principe de la rétroactivité in mitius.

 

Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale

Très simplement, le principe est que la loi nouvelle ne peut pas s’appliquer à des faits qui se sont produits avant son entrée en vigueur. Elle ne dispose que pour l’avenir et n’a pas d’effet rétroactif.

On ne peut donc pas être puni pour des faits qui ne constituaient pas une infraction à la date à laquelle ils ont été commis. De même, on ne peut pas se voir infliger une peine qui n’était pas encourue au moment des faits (article 112-1 alinéas 1 et 2 du Code pénal).

Ce principe a valeur constitutionnelle puisqu’il est consacré à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Mais il ne s’applique en réalité que si la loi nouvelle est plus sévère ; la loi nouvelle plus douce, quant à elle, est soumise au principe de la rétroactivité in mitius.

 

Le principe de la rétroactivité in mitius

Dans le cas d’une loi nouvelle plus douce (qui supprime une incrimination ou qui prévoit une peine moins lourde), le principe ne sera pas celui de la non-rétroactivité.

En effet, une loi nouvelle plus douce que celle en vigueur précédemment, s’appliquera aux faits commis avant son entrée en vigueur (article 112-1 alinéa 3 du Code pénal). C’est ce qu’on appelle la rétroactivité in mitius.

Il faut noter que tout comme le principe de non-rétroactivité de la loi pénale, ce principe de la rétroactivité in mitius a également valeur constitutionnelle (Cons. Const., 20 janv. 1981, n° 80-127 DC).

Un bon exemple de rétroactivité in mitius est la loi du 9 octobre 1981 abolissant la peine de mort. Il s’agit bien d’une loi plus douce puisqu’elle supprime une peine. Par conséquent, elle a pu s’appliquer aux crimes commis avant son entrée en vigueur mais non encore jugés. Ainsi, pour ces crimes, la peine de mort a été remplacée par une peine de réclusion criminelle à perpétuité.

Au final, l’application de la loi pénale dans le temps est totalement différente selon que la loi nouvelle est plus douce ou plus sévère.

Pour bien comprendre l’idée, rien de tel que des schémas explicatifs :

 

application de la loi pénale plus sévère

 

Comme vous pouvez le voir sur le schéma ci-dessus, une loi pénale plus sévère ne s’applique pas aux faits commis avant son entrée en vigueur. A l’inverse, une loi pénale plus douce pourra s’appliquer aux faits commis avant son entrée en vigueur (voir schéma ci-dessous).

 

application de la loi pénale plus douce

 

Les limites

Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale et le principe de la rétroactivité in mitius ne sont pas absolus ; ils comportent des limites.

En ce qui concerne les limites au principe de non-rétroactivité de la loi pénale, on peut citer :

  • Les lois interprétatives : Une loi interprétative est une loi qui interprète et clarifie une loi déjà en vigueur. En ce qu’elles ne changent pas le fond du droit mais se bornent à interpréter le droit existant, les lois interprétatives sont rétroactives par nature, et s’appliquent donc aux faits commis avant leur promulgation pourvu qu’ils aient été commis après la promulgation de la loi interprétée (Cass. crim., 15 novembre 2017, n° 17-85.272).
  • Les mesures de sûreté : Une mesure de sûreté est une mesure préventive (privative ou restrictive de liberté ou de droits) qui n’est pas fondée sur la commission d’une infraction mais uniquement sur la constatation de la dangerosité supposée d’un individu. Les mesures de sûreté ne sont donc pas des peines. Elles peuvent être appliquées à l’auteur de faits commis avant leur entrée en vigueur. Exemple : Le placement sous surveillance judiciaire peut s’appliquer rétroactivement (Cons. Const., 8 décembre 2005, n° 2005-527 DC).

Mais le principe de la rétroactivité in mitius fait également l’objet de limites. Il s’agit :

  • Des dispositions expresses : Si la loi nouvelle plus douce prévoit son application aux seuls faits commis après son entrée en vigueur, la rétroactivité in mitius ne s’appliquera pas.
  • Des règlements d’application : Il s’agit de l’hypothèse où ce n’est pas la loi qui a changé, mais seulement les règlements d’application pris pour cette loi (le règlement est remplacé par un nouveau règlement plus doux). Dans un tel cas, le nouveau règlement plus doux ne s’applique pas rétroactivement ; les faits restent punissables selon le règlement en vigueur à la date à laquelle ils ont été commis.

 

Les règles exposées ci-dessus concernent les lois pénales de fond. Il en va différemment pour les lois de procédure.

 

L’application dans le temps des lois pénales de procédure

L’application de la loi pénale dans le temps fait l’objet de règles particulières si la loi nouvelle est une loi de procédure.

En effet, les lois de procédure nouvelles sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur (article 112-2 alinéa 1 du Code pénal), et donc aux procédures en cours.

Ce principe d’application immédiate concerne :

  • les lois de compétence et d’organisation judiciaire, tant qu’un jugement au fond n’a pas été rendu en première instance (article 112-2, 1° du Code pénal). Exemple : une loi qui modifie la compétence d’une juridiction.
  • les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure (article 112-2, 2° du Code pénal). Exemple : une loi qui modifie le déroulement de l’instruction.
  • les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines (article 112-2, 3° du Code pénal). Exemple : une loi qui modifie le calcul des réductions de peines. A noter toutefois que ces lois, lorsqu’elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur.
  • les lois relatives à la prescription de l’action publique et à la prescription des peines, lorsque les prescriptions ne sont pas acquises (article 112-2, 4° du Code pénal). Exemple : La loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale est d’application immédiate, et s’applique donc aux infractions commises avant son entrée en vigueur, tant que le délai de prescription ancien n’était pas écoulé à cette date.
  • les règles de forme relatives aux voies de recours, même si le recours est exercé contre une décision prononcée avant leur entrée en vigueur (article 112-3 du Code pénal). En revanche, les lois relatives à la nature et aux cas d’ouverture des voies de recours ainsi qu’aux délais dans lesquels elles doivent être exercées et à la qualité des personnes admises à se pourvoir ne sont applicables qu’aux recours formés contre les décisions prononcées après leur entrée en vigueur.

 

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  • DEASSAL Abel dit :

    Très intéressant, merci beaucoup

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