La théorie du fait du prince : définition
On sait qu’en cas de contrat conclu entre l’administration et un cocontractant, l’administration a certes des prérogatives (pouvoir de direction et de contrôle, pouvoir de sanction, pouvoir de modification unilatérale du contrat), mais le cocontractant a également certains droits.
Parmi ces droits, le cocontractant a bien sûr droit au paiement du prix en contrepartie de sa prestation.
Mais ce n’est pas tout. Le cocontractant a également droit à l’équilibre financier du contrat.
En particulier, la théorie du fait du prince permet au cocontractant, lorsque l’exécution du contrat est affectée par une mesure prise par l’administration contractante mais agissant à un autre titre que celui de partie au contrat (exemples : en tant qu’autorité réglementaire, en tant qu’autorité de police…), d’obtenir une indemnité si la mesure le touche spécifiquement, ou si la mesure a une portée générale mais remet substantiellement en cause l’économie du contrat.
Ainsi, il n’y a fait du prince que si l’administration contractante prend une mesure à titre extra-contractuel. Si en effet l’administration utilise le pouvoir de modification unilatérale ou le pouvoir de direction et de contrôle dont elle dispose en tant que partie au contrat, la théorie du fait du prince n’a pas vocation à s’appliquer.
De plus, si la mesure émane d’une personne publique autre que celle qui a conclu le contrat, la théorie du fait du prince ne pourra pas non plus s’appliquer.
Enfin, le fait du prince peut résulter aussi bien d’actes particuliers (qui visent spécifiquement le cocontractant) que d’actes généraux (qui ne visent pas spécifiquement le cocontractant mais qui ont tout de même un impact substantiel sur sa situation). Il faut simplement que l’acte affecte l’exécution du contrat en défaveur du cocontractant.
Prenons quelques exemples pour mieux comprendre.
Les exemples de faits du prince
Le fait du prince peut résulter de mesures de toute nature qui produisent un effet sur le contrat : actes de police, mesures fiscales ou sociales, etc…
Ainsi, un fait du prince peut être constitué par un arrêté de police réglementant la circulation, si cet arrêté affecte les conditions d’exécution d’un contrat (CE, Sect., 22 oct. 1937, Compagnie générale des Iles).
De même, l’application à un concessionnaire de service public, d’un texte à valeur législative instituant un prélèvement de 10 % sur toutes les dépenses publiques, est constitutive d’un fait du prince (CE, 28 avril 1939, Compagnie des chemins de fer de l’Ouest).
Les conditions d’application de la théorie du fait du prince
La théorie du fait du prince trouve rarement à s’appliquer, en raison de ses conditions d’application très strictes. Ces conditions sont les suivantes :
- Comme expliqué précédemment, il faut d’abord que la mesure alléguée émane de l’administration contractante elle-même.
- Il faut ensuite que son édiction ou le préjudice qu’elle cause au cocontractant soit imprévisible. Il a ainsi été jugé à plusieurs reprises que pour permettre une indemnisation, le fait du prince doit avoir été imprévisible au moment de la conclusion du contrat (CE, 19 novembre 1909, Compagnie générale transatlantique ; CE, 14 mai 1926, Pouillard ; CE, 25 février 1949, Ville de Melun). Par exemple, dans l’affaire « Compagnie générale transatlantique », le changement de réglementation a été considéré par les juges comme raisonnablement prévisible. Dès lors, la théorie du fait du prince ne pouvait pas s’appliquer.
- Il faut, enfin, que la mesure affecte spécifiquement le cocontractant ou affecte le contrat dans l’un de ses éléments essentiels. Cette dernière condition n’est que rarement considérée comme remplie.
Les conséquences de l’application de la théorie du fait du prince
Lorsque les conditions d’application de la théorie du fait du prince sont réunies, le cocontractant de l’administration est en droit d’obtenir une réparation intégrale de son préjudice.
Pourquoi une réparation intégrale du préjudice ? Très simplement, l’exécution du contrat par le cocontractant est devenue plus difficile ou plus onéreuse du fait de la mesure prise par l’administration. Le cocontractant a donc droit à une indemnisation intégrale des charges supplémentaires.
Sur ce point, la théorie du fait du prince se distingue de la théorie de l’imprévision, qui n’impose pas une indemnisation intégrale du cocontractant de la part de l’administration.
Pour rappel, la théorie de l’imprévision a vocation à s’appliquer lorsque l’exécution du contrat se trouve totalement bouleversée (exemple : accroissement considérable des charges pour le cocontractant) par un événement imprévisible et étranger à la volonté des parties (CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux).
Ainsi, la théorie du fait du prince et la théorie de l’imprévision se distinguent sur un autre point : le caractère étranger ou non à la volonté des parties de l’événement à l’origine du changement dans le contrat. Si l’événement est étranger à la volonté des parties (et donc à la volonté de l’administration contractante), c’est la théorie de l’imprévision, et non la théorie du fait du prince, qui pourra s’appliquer. Inversement, si l’événement est le fait de l’administration contractante elle-même, alors c’est la théorie du fait du prince qui aura vocation à jouer.
J’aimerais connaitre la meilleure manière de bosser les cours de droit. Parce ce que celle que j’emploie actuellement me donne des moyennes déplaisantes
Cette théorie est elle toujours d’actualité ?