La responsabilité du fait des produits défectueux est codifiée, depuis la réforme opérée par l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, aux articles 1245 et suivants du Code civil.
Ces articles sont issus d’une loi du 19 mai 1998 qui a transposé en droit interne une directive du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.
La responsabilité du fait des produits défectueux peut se définir comme l’obligation pesant sur le producteur ou le fabricant d’un bien n’offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre de réparer le dommage causé par celui-ci.
Il s’agit d’une responsabilité qui ignore la distinction entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle. Ainsi, la responsabilité du fait des produits défectueux sera applicable au producteur, que ce dernier soit lié ou non par un contrat avec la victime (article 1245 du Code civil).
Voyons d’abord le champ d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux, avant de nous intéresser à son régime juridique.
La responsabilité du fait des produits défectueux : champ d’application
Le champ d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux est spécifique, tant d’un point de vue temporel, que personnel et matériel.
Le champ d’application temporel
La responsabilité du fait des produits défectueux ne s’applique qu’aux produits mis en circulation après la date d’entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998, soit le 21 mai 1998.
Pour les produits mis en circulation avant le 21 mai 1998, il faut distinguer deux cas :
- Pour les produits mis en circulation avant le 30 juillet 1988 (date à laquelle aurait dû être transposée en droit interne la directive du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux) : c’est le droit commun interne (anciens articles 1382 et 1147 du Code civil) qui est applicable.
- Pour les produits mis en circulation entre le 30 juillet 1988 et le 21 mai 1998 : le droit commun reste applicable, mais il doit être interprété conformément à la directive du 25 juillet 1985.
Le champ d’application personnel
La responsabilité du fait des produits défectueux s’applique au producteur du produit défectueux (article 1245 du Code civil).
Le producteur peut se définir comme, « lorsqu’il agit à titre professionnel, le fabricant d’un produit fini, le producteur d’une matière première, le fabricant d’une partie composante » (article 1245-5 du Code civil).
Par exemple, si vous subissiez un dommage du fait d’un défaut de votre smartphone, vous pourriez engager la responsabilité du producteur de votre smartphone. Admettons qu’il s’agisse d’un Iphone, vous pourriez alors agir en responsabilité contre Apple en tant que fabricant du produit fini.
Toutefois, un certain nombre de matières premières de l’Iphone proviennent d’Afrique ou de Chine. La responsabilité du fait des produits défectueux pourrait donc également s’appliquer à ces producteurs africains ou chinois en tant que producteurs d’une matière première.
Enfin, avant d’être assemblées dans les usines de Foxconn en Chine, les différentes pièces de l’Iphone sont produites un peu partout dans le monde, et notamment en Europe, en Asie de l’Est et en Amérique du Nord. Vous pourriez donc aussi engager la responsabilité des fabricants de ces parties composantes au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Le champ d’application matériel
En ce qui concerne les dommages : la responsabilité du fait des produits défectueux s’applique aussi bien aux dommages aux personnes qu’aux dommages aux biens. Un produit défectueux peut en effet causer un dommage tant à une personne qu’à un bien.
Toutefois, elle ne s’applique qu’aux biens qui ont subi un dommage dont le montant est supérieur à 500 euros (décret du 11 février 2005). Sont donc exclus les petits dommages aux biens !
Par ailleurs, elle ne s’applique pas non plus aux dommages que les produits défectueux causent à eux-mêmes (article 1245-1 du Code civil).
En ce qui concerne les produits : la responsabilité du fait des produits défectueux s’applique aux dommages causés par les produits défectueux mis en circulation.
Un produit s’entend de « tout bien meuble, même s’il est incorporé dans un immeuble » (article 1245-2 du Code civil).
En outre, le produit doit être mis en circulation, dans le sens où le producteur doit s’en être dessaisi volontairement (article 1245-4 du Code civil). La mise en circulation correspond à la mise sur le marché du produit, à sa commercialisation.
Enfin, le produit doit être défectueux. Un produit est considéré comme défectueux « lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » (article 1245-3 al. 1 du Code civil).
La défectuosité du produit est donc appréciée in abstracto, en prenant pour référence le public en général.
La défectuosité est également appréciée en tenant compte de toutes les circonstances et notamment de :
- la présentation du produit. Par exemple, si les informations et mises en garde relatives à l’utilisation du produit sont insuffisantes, le produit pourra être considéré comme défectueux (Cass. Civ. 1ère, 7 nov. 2006).
- l’usage qui peut en être raisonnablement attendu. Par exemple, si les risques inhérents au produit sont trop importants par rapport aux bénéfices, alors le produit est défectueux (Cass. Civ. 1ère, 24 janv. 2006).
- le moment de sa mise en circulation (article 1245-3 al. 2 du Code civil).
La responsabilité du fait des produits défectueux : régime juridique
Les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux
Trois conditions sont exigées pour engager la responsabilité du producteur du fait d’un produit défectueux :
- Un dommage
- Un défaut du produit
- Un lien de causalité entre le défaut et le dommage
Les effets de la responsabilité du fait des produits défectueux
La responsabilité du fait des produits défectueux est une responsabilité de plein droit, sans exigence de faute. Le producteur ne pourra donc s’exonérer que dans certaines hypothèses.
Ces hypothèses d’exonération peuvent être divisées en deux catégories.
Certaines sont spécifiques à la responsabilité du fait des produits défectueux et énumérées à l’article 1245-10 du Code civil. Ainsi le producteur peut s’exonérer en prouvant que :
- le produit n’était pas mis en circulation
- le défaut est né postérieurement à la mise en circulation du produit
- le produit n’était pas destiné à être vendu ou distribué
- l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où le produit a été mis en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut. A noter que ce défaut de connaissances s’apprécie objectivement, et non par rapport aux connaissances du producteur.
- le défaut est dû au respect de normes impératives
Il existe également d’autres hypothèses d’exonération, fondées sur le droit commun. Il s’agit de :
- la faute de la victime (article 1245-12 du Code civil). Si le dommage qu’a subi la victime est due à sa faute, alors le producteur ne peut pas être tenu responsable. Par exemple, si vous vous brûlez avec votre fer à repasser, vous ne pourrez pas engager la responsabilité du producteur du fer à repasser, car le dommage que vous avez subi est dû à une faute de maladresse de votre part.
- le fait de la nature. Une catastrophe naturelle par exemple.
A noter que le fait du tiers n’est pas une cause d’exonération en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (article 1245-13 du Code civil). Ainsi, même si un tiers a concouru à la réalisation du dommage, le producteur reste pleinement responsable (Cass. Civ. 1ère, 28 nov. 2018, n° 17-14.356).
La prescription applicable en matière de responsabilité du fait des produits défectueux
L’action de la victime à l’encontre du producteur est encadrée par deux délais.
D’abord, la victime ne peut plus agir contre le producteur après l’écoulement d’un délai de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit (article 1245-15 du Code civil). Ainsi, si le produit a été commercialisé il y a plus de 10 ans, il n’est plus possible d’agir contre le producteur.
Ensuite, si le dommage survient dans le délai de 10 ans susvisé, alors l’action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur (article 1245-16 du Code civil).
merci pour vos articles « produits défectueux » clairs et précis
Vos mails me sont précieux.
Merci pour ce que vous faites, il ne sert pas qu’aux étudiants mais l’ensemble des juristes et beaucoup plus aux professionnels.
Merci
Je vous remercie de tout cœur pour votre aide.
Néanmoins je ne suis pas doué dans la rédaction d’un commentaire en DO ainsi qu’en DA
Merci Maxime pour votre blog complet sur la responsabilité du fait des produits défectueux. Je rencontre les meme problème que vous que lorsque vous avez débuté le droit, j’essaie de faire des efforts c’est pas facile.