L’autorité de la chose jugée (article 1355 du Code civil)

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

autorité de la chose jugée

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L'autorité de la chose jugée : définition

L'autorité de la chose jugée désigne l’autorité octroyée à un jugement qui interdit de le remettre en cause en dehors des voies de recours prévues par la loi.

Concrètement, l'autorité de la chose jugée interdit de soumettre de nouveau à un juge une demande qui a déjà été tranchée au cours d'une précédente instance (sauf en utilisant les voies de recours prévues par la loi).

L'autorité de la chose jugée doit être distinguée de la force de chose jugée. En effet, le jugement qui a force de chose jugée est celui qui n’est pas ou plus susceptible de faire l’objet d’une voie de recours ordinaire (les voies de recours ordinaires sont l'opposition et l'appel). En revanche, l'autorité de la chose jugée s'attache automatiquement au jugement dès le moment où il a été rendu, et ce, indépendamment de la possibilité d'exercer des recours. Ainsi, un jugement est doté de l'autorité de la chose jugée mais n'est pas encore passé en force de chose jugée tant qu'il peut faire l'objet d'une voie de recours ordinaire. Une fois les délais de recours expirés, il acquiert force de chose jugée (article 500 du Code de procédure civile).


Les jugements ayant autorité de la chose jugée

Les jugements définitifs (c'est-à-dire les jugements qui statuent sur le fond ou qui tranchent un incident, comme une exception de procédure ou une fin de non-recevoiront autorité de la chose jugée.

A contrarioles jugements provisoires n'ont pas autorité de la chose jugée au principal. Les jugements provisoires sont ceux qui :

  • ne statuent pas sur le fond, mais sur un chef urgent de la demande (il s’agit des ordonnances de référé et sur requête) ; ou
  • interviennent au cours du procès pour ordonner une mesure provisoire ou une mesure d’instruction (on appelle ces jugements les jugements avant dire droit).

Enfin, les jugements mixtes (c'est-à-dire les jugements qui tranchent une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire) ont autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'ils tranchent.

De même, les jugements partiels (c'est-à-dire les jugements qui tranchent les seules prétentions ayant fait l'objet d'une césure du procès) ont autorité de la chose jugée relativement aux prétentions qu'ils tranchent.

A noter : La césure du procès est un mécanisme qui a été créé par le décret du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire. Concrètement, devant le tribunal judiciaire, les parties peuvent identifier, au sein de leur litige, une ou plusieurs prétentions pour lesquelles elles sollicitent un jugement partiel (qui ne tranchera que ces prétentions). Une fois le jugement partiel rendu, les parties peuvent en tirer les conséquences sur leurs autres prétentions, notamment en recourant à une médiation ou une conciliation de justice.


L’étendue de l'autorité de la chose jugée

La question qui se pose ici est celle de savoir si l'autorité de la chose jugée concerne seulement le dispositif d'un jugement (c’est-à-dire ce qui a été réellement et expressément jugé) ou si elle peut également s'étendre aux motifs de ce jugement (c'est-à-dire à la justification en fait et en droit).

Pendant longtemps, la jurisprudence n'a pas été unanime sur cette question, certains arrêts ne conférant l'autorité de la chose jugée qu'au dispositif, tandis que d'autres reconnaissaient également l'autorité de la chose jugée aux motifs décisoires, c'est-à-dire aux motifs qui, par une erreur de rédaction, tranchaient le fond du droit.

Aujourd'hui, ce débat n'existe plus. L'Assemblée Plénière de la Cour de cassation y a mis fin en énonçant clairement que seul le dispositif du jugement a l'autorité de la chose jugée, à l’exclusion des motifs : "l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif" (Cass. Ass. Plén. 13 mars 2009).

 

Les conditions de mise en œuvre de l'autorité de la chose jugée

L'article 1355 du Code civil dispose que "l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité".

La mise en œuvre de l'autorité de la chose jugée est donc subordonnée à une triple identité entre la demande soumise au juge et celle qui a déjà fait l'objet d'un jugement. On dit qu'il doit y avoir triple identité de parties, d’objet et de cause. Ainsi :

  • la chose demandée doit être la même. C'est l'identité d'objet.
  • la demande doit être fondée sur la même cause, c’est-à-dire sur les mêmes éléments de fait. Ainsi, seule l’intervention d’un fait nouveau constitue un changement de cause et fait obstacle à l'autorité de la chose jugée attachée à une décision antérieure. A l'inverse, la présentation d'un nouveau moyen de droit ne constitue pas un changement de cause et ne remet pas en cause l'autorité de la chose jugée. Cela résulte d'un arrêt Césaréo du 7 juillet 2006 dans lequel l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation, après avoir consacré un principe de concentration des moyens qui impose au demandeur de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens de droit qui sont de nature à fonder sa demande, a affirmé que si toutefois le demandeur présentait un nouveau moyen de droit dans le cadre d'une instance ultérieure, alors cette seconde demande resterait fondée sur la même cause et se heurterait à l'autorité de la chose jugée.  
  • la demande doit être entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.


Les effets de l'autorité de la chose jugée

A l’égard des parties

Lorsque l'une des parties au jugement entend le remettre en cause en formant devant un juge une demande identique (en dehors des voies de recours prévues par la loi), son adversaire peut s'opposer à cette seconde demande en invoquant une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée (article 122 du Code de procédure civile).

En outre, le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée (article 125 alinéa 2 du Code de procédure civile).

A noter : Il s'agit d'une possibilité qui est offerte au juge ; il n'en a pas l'obligation.

Toutefois, le juge est tenu de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à une décision précédemment rendue dans la même instance. Ainsi, le tribunal judiciaire, saisi d'une exception de procédure déjà tranchée par le juge de la mise en état, est tenu de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance de ce juge (Cass. Civ. 2ème, 14 janvier 2021, n° 19-17.758).

Par ailleurs, l’autorité de la chose jugée ne confère pas en elle-même force exécutoire au jugement. C'est la force de chose jugée qui, une fois les délais de recours expirés, rend le jugement exécutoire, à moins que ce dernier ne bénéficie de l'exécution provisoire (l'exécution provisoire permet de faire exécuter le jugement dès sa signification, sans attendre qu'il passe en force de chose jugée).

Toutefois, depuis le décret du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement (article 514 du Code de procédure civile). En pratique, de nombreux jugements ont donc force exécutoire mais pas encore force de chose jugée.

A l’égard des tiers

Le jugement ne crée pas de droits ou d’obligations à l’égard des tiers. C'est pourquoi on dit que l'autorité de la chose jugée est relative.

Cependant, si le jugement ne peut produire d’effets et n’a autorité que vis-à-vis des parties, il n'en demeure pas moins qu'il entraîne des modifications de la situation juridique des parties que les tiers ne sauraient nier. A ce titre, ces modifications sont opposables aux tiers.


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  • Daouda Sidibé dit :

    Merci Maxime. L’article est clair et précis. Il m’a appris beaucoup de choses sur l’autorité de la chose jugée.

  • GUY LEGRAND dit :

    Ci je comprend bien une femme violé pose une plainte, le violeur
    est condamné a une peine de prison. A la sortie de prison il reviol la même femme, d’aprés l »article la femme ne peut plus deposer une autre plainte

    • cécilia LASNE dit :

      vous avez mal compris… il ne faut pas confondre procédure pénale et procédure civile. l’article traite de a procédure civile et non pénale.
      votre violeur est en état de récidive et pourra être condamnée

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