La force majeure en droit des contrats : définition, conditions et effets

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

 

Définition de la force majeure

La force majeure est définie à l'article 1218 du Code civil : « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».

Ainsi, le cas de force majeure peut se définir comme un évènement extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible, qui l'a empêché d'exécuter son obligation.

 

Exemple de cas de force majeure

Le plus simple pour comprendre la notion est de prendre un exemple.

Admettons que vous soyez actuellement en stage dans un cabinet d'avocats. Vous vous levez un matin, prêt à aller au travail, mais vous constatez qu'il y a une violente tempête de neige (alors qu'hier encore la météo prévoyait un ciel dégagé) qui vous met dans l'impossibilité absolue de vous rendre au cabinet : routes impraticables, plus de circulation possible. Il s'agit bien d'un cas de force majeure : vous n'y êtes pour rien, vous ne pouviez pas vous en douter, et vous ne pouvez rien faire. Si le cabinet venait à vous reprocher votre absence, vous pourriez vous exonérer de toute responsabilité en apportant la preuve d'un cas de force majeure.

tempête de neige

Imaginons maintenant que plutôt qu'une tempête de neige, vous faites face à de simples intempéries, qui rendent plus difficile l'exécution de votre obligation d'aller au travail, mais pas impossible. Alors il ne s'agit pas d'un cas de force majeure. L'évènement ne vous empêche pas réellement d'aller au travail ; la condition d'irrésistibilité n'est donc pas remplie. Vous ne pourrez pas vous exonérer de votre responsabilité si vous décidez de rester au lit !

De même, si vous avez une panne de réveil, il ne s'agit pas non plus d'un cas de force majeure ! Certes vous ne pouviez pas le prévoir. Certes vous êtes dans l'impossibilité d'arriver à l'heure au travail. Mais cette panne de réveil est de votre faute ; la condition d'extériorité n'est donc pas remplie.

Maintenant qu'on a bien cerné cette notion de force majeure, on peut expliquer plus en détails ses conditions d'application.

 

Les conditions de la force majeure

Comme on l'a vu, trois critères sont exigés pour l’application de la force majeure en matière contractuelle : un critère d’extériorité, un critère d’irrésistibilité et un critère d’imprévisibilité.

L’extériorité

Pour qu'il y ait force majeure, la jurisprudence exigeait traditionnellement que l'évènement soit « extérieur » au débiteur. Mais l'article 1218 du Code civil issu de la réforme du droit des contrats de 2016 énonce que l’évènement doit échapper au contrôle du débiteur. Cela signifie que le débiteur ne doit être pour rien dans la survenance de la situation derrière laquelle il se retranche, qu’il s’agit de circonstances qu’il ne peut pas maîtriser.

Le fait de faire référence non pas à l'extériorité mais à l'évènement échappant au contrôle du débiteur permet de prendre en compte certains évènements qui ne sont pas extérieurs à la personne du débiteur. On comprend que peut échapper au contrôle du débiteur aussi bien un évènement qui lui est extérieur, qu’un évènement qu’il fait naître lui-même indépendamment de sa volonté. On cite souvent l'exemple de la maladie. Si j'ai 40 de fièvre un lundi matin, je ne peux pas aller au cours de droit des obligations à la fac à 9 heures ; il s'agit bien d'un cas de force majeure. Certes l'évènement n'est pas extérieur à ma personne, mais il est apparu indépendamment de ma volonté.

A contrario, on peut penser qu'une partie ne peut donc invoquer la force majeure si elle suscite par imprudence/négligence l’apparition de l’évènement qui la met dans l’impossibilité d’exécuter son obligation, puisque l’évènement était alors dans sa sphère de contrôle. Si j'ai 40 de fièvre un lundi matin, mais que j'ai passé tout le week-end dehors torse nu alors qu'il faisait -10 degrés, l'évènement est apparu du fait de ma volonté. Il était dans ma sphère de contrôle ; la condition d'extériorité ne sera donc pas remplie.

L’irrésistibilité

L'irrésistibilité s'entend de l'impossibilité absolue pour le débiteur d'exécuter son obligation. Le fait que l'exécution de son obligation par le débiteur soit simplement devenue plus difficile n'est pas suffisant pour satisfaire au critère d'irrésistibilité (Cass. Civ. 3ème, 15 juin 2023, n° 21-10.119). Il faut une impossibilité absolue, totale !

Mais l'article 1218 du Code civil fait référence à un évènement dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées. Ainsi, l’irrésistibilité s’entend à la fois de l’évènement et de ses conséquences. Autrement dit, si le débiteur, sans toutefois pouvoir influer sur la survenance de l’évènement, avait la possibilité d’en éviter les conséquences néfastes, alors il ne peut invoquer avec succès la force majeure. Concrètement, il s’agit de rechercher si des mesures appropriées auraient pu permettre au débiteur, nonobstant l’évènement considéré, d'exécuter son obligation. Une certaine diligence est attendue du débiteur.

L’imprévisibilité

L'article 1218 du Code civil affirme que l’évènement constitutif de force majeure ne devait pas pouvoir être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat. L’imprévisibilité ne doit donc pas être entendue dans l’absolu comme un évènement totalement inconcevable, mais de manière relative et raisonnable. Ce qui importe est l’imprévisibilité pour un homme clairvoyant, avisé.

Ainsi, l’imprévisibilité doit être appréciée in abstracto : il s’agit d’établir si, eu égard aux connaissances communes et aux circonstances de l’espèce, mais sans tenir compte de la perception que pouvait en avoir le défendeur, l’évènement pouvait véritablement être anticipé. Il s’agit donc d’un caractère très malléable dans les mains des juges du fond.

La jurisprudence opère traditionnellement une analyse de l’évènement et de la probabilité de sa réalisation. Elle s'intéresse à l'anormalité, la soudaineté et la rareté de l'évènement. Lorsque les circonstances de l’espèce rendent la réalisation de l'évènement suffisamment probable, l’imprévisibilité de l’évènement, et partant la force majeure, ne peut être retenue. Par exemple, une grève ne constituera pas un cas de force majeure, à moins qu'il s'agisse d'une grève tout à fait inattendue et soudaine.

 

Les effets de la force majeure

En principe, lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation, le créancier peut engager sa responsabilité contractuelle afin d'obtenir la réparation du préjudice subi.

Mais en présence d'un cas de force majeure qui l'a empêché d’exécuter son obligation, le débiteur est totalement exonéré de sa responsabilité. Il faut néanmoins apporter des précisions à cette solution.

L'article 1218 du Code civil énonce en effet qu’en cas d’empêchement temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue pendant la période d’impossibilité à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. 

Par exemple, dans le cas d'une maladie, l'impossibilité pour le débiteur d'exécuter son obligation est seulement temporaire. Ainsi, le contrat ne sera pas annulé mais simplement suspendu, si son exécution tardive présente encore un intérêt pour le créancier (Cass. Civ. 3ème, 22 févr. 2006). Le débiteur devra de nouveau exécuter son obligation une fois que l'évènement constitutif du cas de force majeure aura pris fin.

En revanche, en cas d'empêchement définitif, le contrat est annulé. L'article 1218 du Code civil nous explique qu'il est résolu de plein droit. Le débiteur se trouve ainsi libéré de son obligation sans que sa responsabilité ne puisse être engagée (il n'aura donc pas à verser des dommages et intérêts au créancier).

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