L’exception d’inexécution : définition, conditions et effets

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

Exception d'inexécution

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L’exception d’inexécution : définition

L’exception d’inexécution est le droit qu’a chaque partie, dans un contrat synallagmatique, de suspendre l’exécution de son obligation tant que l’autre partie n’exécute pas la sienne.

L’idée derrière ce mécanisme est simple : en refusant d’exécuter son obligation, le créancier fait en quelque sorte pression sur le débiteur afin de l’inciter à exécuter sa propre obligation.

Depuis la réforme du droit des contrats opérée par l’ordonnance du 10 février 2016, l’exception d’inexécution est régie par l’article 1219 du Code civil.

Avant la réforme, elle n’était expressément consacrée par le législateur que pour certains contrats, comme par exemple le contrat de vente (article 1612 du Code civil). Mais la jurisprudence l’avait étendu à l’ensemble des contrats synallagmatiques.

Toutefois, la réforme du droit des contrats ne s’est pas contentée de reprendre les solutions dégagées par la jurisprudence. Elle a innové en prévoyant à l’article 1220 du Code civil une véritable exception pour risque d’inexécution, qui permet à une partie de suspendre l’exécution de son obligation en cas de risque manifeste d’inexécution de la part du débiteur. Autrement dit : ce mécanisme permet au créancier d’exercer l’exception d’inexécution par anticipation, avant même que l’inexécution du débiteur ne survienne. Ainsi, le créancier qui craint que son débiteur ne s’exécute pas à l’échéance a la possibilité de limiter le préjudice qu’il pourrait subir.

Nous en reparlerons dans la suite de cet article, en nous intéressant aux conditions de l’exception d’inexécution, puis à ses effets.

 

Les conditions de l’exception d’inexécution

 

En ce qu’elle permet en quelque sorte à une partie de se faire justice soi-même, l’exception d’inexécution peut se révéler dangereuse. En effet, une partie pourrait faire un usage abusif de l’exception afin de se soustraire à ses obligations contractuelles.

C’est pourquoi l’exception d’inexécution ne doit pouvoir être utilisée que si elle est moralement souhaitable. Le Code civil la soumet donc fort logiquement à des conditions, qui diffèrent selon que l’inexécution du débiteur est avérée ou est simplement à venir. Dans le second cas, on parle d’exception pour risque d’inexécution, comme on l’a dit précédemment dans cet article.

 

Les conditions de l’exception pour inexécution

Il faut d’abord remarquer qu’aucune formalité n’est exigée pour l’exercice de l’exception d’inexécution. En particulier :

  • la loi n’oblige pas le créancier à saisir le juge afin que ce dernier constate l’inexécution du débiteur.
  • elle ne l’oblige pas non plus à mettre en demeure le débiteur, alors que cette formalité est exigée pour les sanctions générales de l’inexécution du contrat que sont l’exécution forcée en nature, la réduction du prix, la résolution et l’action en responsabilité contractuelle. Mais cela s’explique logiquement si l’on considère que l’exception d’inexécution n’est pas une sanction à proprement parler, mais plutôt un moyen de pression pour inciter le débiteur à exécuter son obligation.

En revanche, l’exercice de l’exception d’inexécution est effectivement soumis à des conditions.

En premier lieu, le contrat qui lie les parties doit être un contrat synallagmatique. Pour rappel, un contrat synallagmatique est un contrat qui crée des obligations réciproques et interdépendantes à la charge des deux parties. Dans un tel contrat, chaque partie est à la fois débitrice et créancière de l’autre partie. Or l’exception d’inexécution ne se conçoit que si le créancier peut exercer un moyen de pression à l’encontre de son débiteur ; il faut que le créancier soit lui-même débiteur d’une obligation pour pouvoir suspendre cette obligation. C’est pourquoi l’exception d’inexécution ne peut jouer que dans le cadre de contrats synallagmatiques.

En second lieu, l’obligation inexécutée doit être exigible, ce qui signifie que son exécution doit pouvoir être réclamée. Ainsi, s’il y a un délai, ce dernier doit être expiré. Dans le cas contraire, le créancier ne serait en effet pas fondé à réclamer l’exécution de l’obligation, et ne pourrait donc pas utiliser l’exception d’inexécution. Toutefois, l’exception pour risque d’inexécution (qui est l’autre possibilité offerte au créancier, dont nous reparlerons dans la suite de cet article) contrevient à cette exigence d’exigibilité de l’obligation du débiteur puisqu’elle permet précisément au créancier de suspendre l’exécution de son obligation avant toute inexécution du débiteur, et donc avant que l’obligation du débiteur ne devienne exigible.

En troisième et dernier lieu, pour que l’exception d’inexécution puisse être utilisée par le créancier, l’inexécution doit être « suffisamment grave » (article 1219 du Code civil).

A la lecture de l’article 1219 du Code civil, on comprend que l’inexécution doit être importante, dans le sens où elle doit compromettre l’équilibre du contrat en affectant une obligation essentielle, et qu’une inexécution insignifiante ou mineure ne saurait justifier une exception d’inexécution.

En réalité, il est possible d’y voir également une exigence de proportionnalité entre la gravité du manquement et la riposte utilisée par le créancier (l’exception d’inexécution est effectivement susceptible de degrés, le créancier pouvant suspendre l’exécution de ses obligations de manière totale ou partielle, par exemple en ne décidant d’exécuter que certaines de ses obligations ou bien qu’une partie d’une obligation). A ce titre, la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats avait exigé que la suspension soit proportionnée à la gravité de l‘inexécution de l’obligation du débiteur (Cass. Civ. 1ère, 12 mai 2016, n° 15-20.834). En outre, le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 indique que l’exception d’inexécution ne peut être utilisée « comme moyen de pression sur le débiteur que de façon proportionnée ». Cela laisse penser que la gravité du manquement doit être appréciée de manière relative par rapport à l’importance de l’obligation dont le créancier suspend l’exécution.

 

Les conditions de l’exception pour risque d’inexécution

Comme expliqué précédemment, l’exception pour risque d’inexécution peut être utilisée alors que l’obligation du débiteur n’est pas encore exigible. Elle est donc encadrée de manière plus stricte que l’exception d’inexécution classique.

D’une part, alors que l’exception d’inexécution classique ne nécessite pas que le créancier mette en demeure le débiteur, l’article 1220 du Code civil impose, en cas d’exception pour risque d’inexécution, que la suspension de l’exécution soit « notifiée dans les meilleurs délais ». A noter que :

  • cette notification n’a pas à respecter un formalisme particulier. Il faut toutefois être en mesure d’apporter la preuve de son contenu et de sa date en cas de contestation ultérieure.
  • l’article 1220 du Code civil ne précise pas non plus le contenu de cette notification. Dès lors, le créancier n’est pas tenu de motiver sa décision de recourir à la notification.

D’autre part, en dehors de cette notification, l’exception pour risque d’inexécution suppose que des conditions de fond soient réunies.

D’abord, comme pour l’exception d’inexécution classique, l’exception pour risque d’inexécution ne peut jouer que dans le cadre d’un contrat synallagmatique.

Ensuite, selon l’article 1220 du Code civil, il faut un risque « manifeste » d’inexécution. Il ne peut donc s’agir d’un simple soupçon d’inexécution ; la réalisation de ce risque doit être fortement probable. Autrement dit, en cas de contestation, le créancier devra être en mesure de démontrer, par un faisceau d’indices, le risque quasi-certain d’inexécution de la part du débiteur.

Enfin, les conséquences susceptibles de résulter de l’inexécution doivent être « suffisamment graves » (article 1220 du Code civil). Cette condition diffère de celle requise pour l’exception d‘inexécution classique, à savoir que l’inexécution soit « suffisamment grave » (article 1219 du Code civil). Dans le cadre de l’article 1219, c’est la gravité de l‘inexécution en elle-même qui est appréciée, alors que dans le cadre de l’article 1220, ce sont bien les conséquences de l‘inexécution à venir qui doivent être suffisamment graves. Ces conséquences correspondent au préjudice subi par le créancier, qui peut se traduire par une perte ou un gain manqué.

 

Les effets de l’exception d’inexécution

L’exception d’inexécution (qu’il s’agisse de l’exception d’inexécution classique ou de l’exception pour risque d’inexécution) suspend l’exécution de l’obligation du créancier tant que le débiteur n’a pas exécuté la sienne.

Ainsi, le créancier met obstacle à toute mesure d’exécution à son encontre. Il ne peut donc être contraint d’exécuter son obligation. Mais cette situation ne dure que tant que le débiteur ne s’est pas exécuté.

Pendant cette période, le contrat est en effet maintenu et demeure valable. Aussi, dès que le débiteur a exécuté son obligation, le créancier qui a utilisé l’exception d’inexécution doit à nouveau exécuter la sienne.

 

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