La force obligatoire du contrat (article 1103 du Code civil)

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

Force obligatoire du contrat

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Depuis l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, le principe de la force obligatoire du contrat trouve son siège à l’article 1103 du Code civil, qui figure dans les dispositions liminaires du sous-titre relatif au contrat. Reprenant en substance la célèbre formule de l’ancien article 1134 selon laquelle « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui lui sont faites », l’article 1103 du Code civil énonce que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Un seul terme a donc été modifié par la réforme : c’est le « contrat » qui est visé et non la « convention », dans la mesure où la définition du contrat se confond avec la convention.

Mais que signifie le principe de force obligatoire du contrat ? Que doit-on entendre par la formule « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » ?

 

La force obligatoire du contrat : définition

La force obligatoire du contrat est la force attachée par la loi aux contrats légalement formés, en vertu de laquelle ce que les parties ont voulu dans le contrat s’impose à elles. Parce que le contrat est pourvu de la force obligatoire, il s’impose donc aux parties qui n’ont d’autre choix que de l’exécuter.

A noter que pour être « légalement formé », un contrat doit respecter trois conditions (article 1128 du Code civil) :

  • un consentement libre et éclairé de la part des parties
  • leur capacité de contracter
  • un contenu licite et certain

Dès lors que ces conditions sont respectées, le contrat est légalement formé et est pourvu de la force obligatoire.

Si vous voulez en savoir plus sur les conditions de validité du contrat, vous pouvez consulter mon article spécifiquement dédié à ce sujet.

 

Les fondements du principe de la force obligatoire du contrat

Ce principe de la force obligatoire du contrat se justifie facilement, que ce soit d’un point de vue philosophique, moral ou économique.

D’abord, d’un point de vue philosophique, la force obligatoire du contrat se justifie par la théorie de l’autonomie de la volonté. Selon cette théorie, l’Homme étant libre, il ne saurait s’obliger qu’en vertu de sa propre volonté. Autrement dit, seule la volonté serait source d’obligations. Dès lors, la force obligatoire du contrat repose sur la volonté des parties ; c’est parce qu’il a été voulu par les parties que le contrat est obligatoire.

Ensuite, sur le plan moral, la force obligatoire du contrat se justifie par l’idée que la parole donnée doit être respectée (« pacta sunt servanda »).

Enfin, d’un point de vue économique, la société ne pourrait prospérer en l’absence de force obligatoire des contrats. En effet, les personnes concluent des contrats (et donc des relations économiques) parce qu’il existe une certitude dans leur réalisation. Sans cette certitude, les contrats perdraient leur raison d’être et les rapports économiques seraient inévitablement perturbés.

 

La force obligatoire du contrat à l’égard des parties

 

La force obligatoire du contrat a d’abord pour corollaire la possibilité de pouvoir recourir à l’exécution forcée en cas d’inexécution du contrat. En outre, la force obligatoire a pour corollaire l’intangibilité du contrat, c’est-à-dire la constance, la fixité du contrat. En d’autres termes, tant la révocation que la modification du contrat ne peuvent résulter que d’un accord conjoint des parties. Voyons ça plus en détails.

 

L’exécution forcée du contrat

Parce que les contrats sont pourvus de la force obligatoire, lorsqu’une partie qui s’est engagée à fournir une prestation ou une chose ne s’exécute pas, elle doit pouvoir y être contrainte. Dès lors, le créancier a un droit à l’exécution forcée en nature qui lui permet de contraindre son débiteur à exécuter les obligations du contrat (article 1221 du Code civil).

Cette exécution forcée en nature suppose la réunion de plusieurs conditions pour être mise en œuvre :

  • la créance doit être constatée par un titre exécutoire, c’est-à-dire un acte notarié ou une décision de justice (article L111-2 du Code des procédures civiles d’exécution)
  • avant de pouvoir mettre en œuvre l’exécution forcée en nature, le créancier doit préalablement mettre en demeure le débiteur, afin de lui laisser une dernière chance de s’exécuter

 

La révocation du contrat

Il est impossible de rompre le contrat à l’initiative d’une seule partie ; le consentement mutuel des parties est nécessaire pour rompre le contrat (article 1193 du Code civil).

Ce principe d’irrévocabilité du contrat comporte toutefois des exceptions.

D’abord, la loi peut prévoir une possibilité de révocation unilatérale du contrat. Par exemple, lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable (article 1211 du Code civil). De même, la loi prévoit une faculté de résiliation unilatérale pour certains contrats à durée déterminée particuliers :

Ensuite, les parties peuvent prévoir dans le contrat une clause de résiliation unilatérale. Ces clauses ne présentent pas d’intérêt si le contrat est à durée indéterminée, sauf si la clause fixe les modalités de résiliation. Dans le sens inverse ces clauses sont intéressantes dans les contrats à durée déterminée.

 

La modification du contrat

Pas plus que le contrat ne peut en principe être révoqué unilatéralement par une partie, sa modification ne saurait être décidée unilatéralement. Ainsi, seul le consentement mutuel des parties permet de modifier le contrat (article 1193 du Code civil).

Ce consentement mutuel se manifeste par la signature d’un nouveau contrat qui va modifier les termes initiaux (on appelle cela un « avenant »). A noter que la conclusion d’un avenant peut avoir été précédée d’une procédure prévue dans le contrat par une clause de renégociation. Ces clauses obligent les parties à renégocier le contrat lorsque survient un événement déterminé. Elles précisent souvent la procédure et les modalités de la renégociation, ainsi que les suites à donner en cas d’accord ou de désaccord.

Mais plutôt que de soumettre la modification du contrat à un nouvel accord, les parties peuvent décider, dès l’origine, de stipuler une clause de révision. Ces clauses peuvent être de différents types :

  • certaines sont d’application automatique. Exemple : la clause d’indexation, qui fait varier le prix en fonction d’un indice de référence désigné dans le contrat.
  • d’autres laissent à l’une des parties le soin de modifier unilatéralement certains éléments du contrat. Exemple : la faculté offerte de fixer unilatéralement le prix en cours d’exécution d’un contrat-cadre (article 1164 du Code civil).

 

La force obligatoire du contrat à l’égard du juge

De même qu’il s’impose aux parties, le contrat s’impose au juge. En principe, le juge ne peut pas, sous prétexte d’équité ou pour toute autre raison, modifier le contenu du contrat. Il ne saurait dénaturer la volonté des parties exprimée dans le contrat.

Sur ce fondement, la Cour de cassation a longtemps refusé l’application de la théorie de l’imprévision en droit des contrats ; il était impossible pour le juge de modifier le contrat, même lorsque ce dernier était devenu déséquilibré suite à un changement de circonstances imprévisible au moment de la conclusion du contrat (Cass. Civ., 6 mars 1876, Canal de Craponne).

Que signifie concrètement cet arrêt Canal de Craponne ? Très simplement, un contrat peut au fil du temps devenir déséquilibré ; des circonstances nouvelles, qui n’étaient pas nécessairement prévisibles lors de la conclusion du contrat, peuvent rompre l’équilibre des prestations originellement prévu dans le contrat (une partie se retrouve à devoir exécuter un contrat dont l’exécution est devenue pour elle beaucoup plus onéreuse que prévue). Des considérations d’équité pourraient alors justifier que le juge modifie le contrat. Toutefois, dans son arrêt Canal de Craponne, la Cour de cassation adopte une solution contraire, affirmant que « dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse apparaître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants ». C’est une conception rigide de la force obligatoire du contrat.

Par la suite, la Cour de cassation est venue apporter des assouplissements à cet arrêt Canal de Craponne. En particulier, dans un arrêt Huard du 3 novembre 1992, elle a obligé les parties, sur le fondement de la bonne foi, à renégocier un contrat devenu déséquilibré en raison d’un changement de circonstances. Cependant, il ne s’agit pas pour autant d’une consécration de la théorie de l’imprévision en matière contractuelle ; dans cet arrêt Huard, la Cour de cassation n’octroie pas au juge la possibilité de réviser le contrat pour imprévision. Elle ne fait que reconnaître une obligation de renégociation du contrat, fondée sur la bonne foi, pour l’un des contractants.

Finalement, la possibilité de réviser le contrat pour imprévision a été consacrée par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats à l’article 1195 du Code civil, qui dispose aujourd’hui que :

« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

 En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »

Ainsi, une partie peut obtenir la révision du contrat si trois conditions sont réunies :

  • il faut un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat
  • il faut que le changement de circonstances rende l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour la partie
  • il faut que cette partie n’ait pas accepté d’en assumer le risque

Les parties doivent d’abord tenter de renégocier le contrat sans recourir au juge. Si elles n’y parviennent pas, elles peuvent opter pour la résolution du contrat ou saisir le juge d’un commun accord aux fins de procéder à son adaptation. En l’absence d’accord dans un délai raisonnable, une seule partie peut saisir le juge pour obtenir la révision du contrat.

C’est la consécration de la théorie de l’imprévision en matière contractuelle. La jurisprudence Canal de Craponne est abandonnée ; aujourd’hui, le juge a la possibilité de réviser le contrat si ce dernier est devenu déséquilibré du fait d’un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat.

 

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