Le principe de l’effet relatif des contrats
Les contrats ont un effet relatif : ils « ne créent d’obligations qu’entre les parties » (article 1199 du Code civil). Cet effet relatif signifie que les tiers, qui n’ont pas consenti au contrat, ne peuvent pas se voir imposer des obligations ou se voir reconnaître des droits au titre du contrat. Ainsi :
- une des parties ne peut pas demander à un tiers l’exécution du contrat
- un tiers ne peut pas demander l’exécution du contrat à une des parties
On entend par tiers les personnes qui ne sont pas parties au contrat.
Dans certains cas néanmoins, un tiers peut devenir partie au contrat. On peut citer comme exemples :
- les ayants cause universels et à titre universel (héritiers ou légataires recevant l’ensemble ou une partie du patrimoine du défunt) : ils continuent la personne du défunt et deviennent donc parties au contrat, excepté s’ils renoncent à la succession ou si le contrat a été conclu intuitu personae (le contrat prend alors fin au moment du décès).
- les ayants cause à titre particulier (personnes recevant un ou des droits d’une autre personne) : ils peuvent devenir parties au contrat en lieu et place de leur auteur. Par exemple, en cas de vente de l’entreprise, les contrats de travail subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise (article L. 1224-1 du Code du travail).
- les cessionnaires du contrat : la cession de contrat est la cession de sa qualité de partie au contrat par le cédant ; le cessionnaire devient donc partie au contrat cédé.
Malgré leur effet relatif, les contrats restent opposables en ce qu’ils sont créateurs de droits et d’obligations et modifient l’ordre juridique.
Ainsi, une partie peut opposer son contrat à un tiers. Le contrat crée en effet une situation juridique que les tiers ne peuvent pas ignorer et qu’ils doivent même respecter en tant que fait juridique (article 1200 alinéa 1 du Code civil).
Par exemple, l’acheteur d’un bien meuble peut opposer le contrat de vente aux créanciers du vendeur qui veulent saisir le bien objet de la vente. De même, le créancier peut agir en responsabilité délictuelle envers le tiers complice de la violation du contrat par le débiteur (cas de la vente d’un bien à un tiers alors même que ce bien est l’objet d’une promesse unilatérale de vente ou d’un pacte de préférence).
En outre, un tiers peut opposer le contrat à une partie. Un tiers peut en effet se prévaloir du contrat pour :
- apporter la preuve d’un fait (article 1200 alinéa 2 du Code civil).
- « invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage » (Cass. Ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255 ; Cass. Ass. plén., 13 janv. 2020, n° 17-19.963).
Les exceptions au principe de l’effet relatif des contrats
Le principe de l’effet relatif des contrats comporte un certain nombre d’exceptions. Il existe en effet des cas où un ou plusieurs tiers se voient reconnaître des droits ou imposer des obligations au titre du contrat. On peut citer les exemples suivants :
- l’exercice d’actions contractuelles par un tiers
- la promesse de porte-fort (on verra toutefois dans la suite de cet article qu’il ne s’agit pas d’une véritable exception au principe de l’effet relatif des contrats)
- la stipulation pour autrui
- la simulation
L’exercice d’actions contractuelles par un tiers
D’abord, certains créanciers peuvent agir en paiement directement contre le débiteur de leur débiteur (article 1341-3 du Code civil). Par exemple, le sous-traitant qui n’a pas été payé par son débiteur, l’entrepreneur principal, peut agir en paiement directement à l’encontre du maître de l’ouvrage, débiteur de l’entrepreneur principal.
Ensuite, dans le cadre d’une chaîne de contrat, le sous-acquéreur peut exercer tous les droits et actions qui appartenaient au premier acquéreur directement à l’encontre du vendeur initial (Cass. Civ. 1ère, 9 oct. 1979, n°78-12.502). Exemples : les actions en responsabilité contractuelle, en résolution ou en garantie des vices cachés.
La promesse de porte-fort
La promesse de porte-fort est l’opération par laquelle une personne (le promettant ou porte-fort) s’engage au profit d’une autre (le bénéficiaire) à ce qu’une troisième (le tiers) ratifie ou exécute un engagement.
On distingue 2 types de promesses de porte-fort :
- Le porte-fort de ratification :
- Une personne conclut un contrat pour le compte d’un tiers et promet au cocontractant que le tiers ratifiera le contrat et s’engagera donc bien envers le cocontractant. A noter que le tiers reste libre de ratifier ou non l’engagement déterminé par la promesse de porte-fort. C’est en cela que la promesse de porte-fort n’est pas une véritable exception au principe de l’effet relatif des contrats.
- Cela permet à une personne de conclure un contrat qu’elle n’a pas le pouvoir de conclure, ou pas le pouvoir de conclure seule, en se portant fort que le tiers qui détient ce pouvoir s’engagera par la suite. Par exemple, en cas d’indivision, l’accord de tous les indivisaires est nécessaire pour vendre le bien indivis. Un seul d’entre eux ne peut procéder à la vente. Il pourra cependant s’engager, par une promesse de porte-fort, à ce que les coïndivisaires ratifient ultérieurement l’acte de vente.
- Le porte-fort d’exécution :
- Une personne promet qu’un contractant exécutera ses obligations vis-à-vis de son cocontractant.
- Il s’agit en réalité d’une garantie. Par exemple, dans une cession de contrat, le cédant promet au cédé que le cessionnaire exécutera correctement le contrat.
L’obligation du porte-fort est donc :
- Une obligation de faire : Le porte-fort s’engage à faire en sorte que le tiers ratifie ou exécute le contrat.
- Une obligation de résultat : Le porte-fort s’engage à ce que le tiers ratifie ou exécute le contrat, et non pas simplement à faire ses meilleurs efforts pour atteindre ce résultat (Cass. Civ. 1ère, 25 janv. 2005).
Concernant les conséquences relatives à la promesse de porte-fort, il convient de distinguer selon que la promesse a été exécutée ou non :
- Les conséquences de l’exécution de la promesse de porte-fort :
- On considère que la promesse de porte-fort est exécutée quand le tiers ratifie ou exécute le contrat (selon les cas).
- En ce qui concerne le porte-fort, il est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis (article 1204 alinéa 2 du Code civil).
- En ce qui concerne le tiers, s’il ratifie l’engagement, la ratification opère de manière rétroactive : il sera engagé à compter du jour de la promesse de porte-fort (article 1204 alinéa 3 du Code civil). A noter que cela ne vaut que pour le porte-fort de ratification.
- Les conséquences de l’inexécution de la promesse de porte-fort :
- En ce qui concerne le tiers, puisqu’il est libre de ratifier ou non le contrat conclu pour son compte par le porte-fort, aucune responsabilité n’est mise à sa charge en cas d’inexécution de la promesse.
- En ce qui concerne le porte-fort, sa responsabilité contractuelle sera engagée ; le bénéficiaire de la promesse de porte-fort pourra réclamer réparation de son préjudice causé par l’inexécution.
La stipulation pour autrui
La stipulation pour autrui est l’opération par laquelle une personne (le stipulant) conclut un contrat avec une autre personne (le promettant) par lequel ce dernier s’engage à accomplir une prestation au profit d’une troisième personne (le tiers bénéficiaire).
Le tiers bénéficiaire devient créancier du promettant sans avoir été partie au contrat. La stipulation pour autrui est donc bien une exception au principe de l’effet relatif des contrats.
Un exemple parlant est l’assurance-vie : la compagnie d’assurances s’engage (moyennant le paiement par l’assuré de primes) à verser un capital à un tiers bénéficiaire en cas de décès de l’assuré.
Le stipulant peut librement révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée (article 1206 alinéa 2 du Code civil). Mais l’acceptation de la stipulation par le bénéficiaire rend la stipulation irrévocable, au moment où l’acceptation parvient au stipulant ou au promettant (article 1206 alinéa 3 du Code civil).
La simulation
La simulation est l’opération par laquelle des personnes concluent un contrat apparent tout en en modifiant ou supprimant les effets par un autre contrat occulte (la contre-lettre).
La contre-lettre ne produit ses effets qu’entre les parties ; elle n’est pas opposable aux tiers (article 1201 du Code civil).
Les tiers peuvent toutefois se prévaloir de la contre-lettre (article 1201 du Code civil) ; ils ont donc le choix entre invoquer le contrat apparent ou la contre-lettre.
Bonjour,
J’ai vendu mon fonds de commerce de Carrosserie au mois de novembre 2021 j’avais conclu avec un organisme de chiffrage pour les réparations un contrat avec cette dernière que j’ai cédé le jour de la vente de mon fonds de commerce et il y avait bien une mention dans les engagements dans l’acte!!! Aujourd’hui le cessionnaire ne veut pas poursuivre ce contrat et la société en question se retourne contre moi et a donc fait une opposition à la vente du fonds de commerce. Ma question est: est-ce que la société a le droit de s’opposer et de bloquer les fonds à mon encontre alors que le jour de la session le cessionnaire a signé l’acte et a pris connaissance de ce fameux contrat de chiffrage je ne comprends pas donc pourquoi ma responsabilité est engagée.
Auriez-vous s’il vous plaît la gentillesse de bien vouloir m’éclairer sur ce dossier.
Je vous remercie infiniment.
Émile
Merci infiniment, car vos explications sont très explicites 👏🏾❤️
Super. Merci beaucoup