Les ordonnances (article 38 de la Constitution)

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris


Les ordonnances : définition

Une ordonnance est un texte normatif adopté par le Gouvernement dans un domaine qui relève normalement de la loi.

En effet, « le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi » (article 38 de la Constitution).

Il faut savoir que la Constitution distingue le domaine de la loi, qui relève du Parlement, et le domaine règlementaire, qui relève du Gouvernement. Le domaine de la loi est limité à une liste de thèmes déterminés à l’article 34 de la Constitution. Tous les thèmes qui ne sont pas cités à l'article 34 appartiennent au domaine règlementaire, en vertu de l'article 37 de la Constitution.

Ainsi, en principe, seul le Parlement peut prendre des mesures dans les domaines cités à l'article 34 de la Constitution. Et inversement, le Gouvernement ne peut prendre des mesures que dans les domaines qui ne sont pas cités à l'article 34.

Mais l'article 38 de la Constitution permet justement au Gouvernement, sur autorisation du Parlement, de prendre par ordonnances des mesures dans les domaines cités à l'article 34 de la Constitution.

Cela permet d'éviter de passer par la procédure législative ordinaire (examen du texte par l'Assemblée nationale et le Sénat, navette parlementaire, etc.).


La procédure d'adoption des ordonnances

Avant de pouvoir prendre des mesures par ordonnances, le Gouvernement doit recevoir une autorisation du Parlement.

L’autorisation du Parlement résulte du vote d’un projet de loi d’habilitation déposé par le Gouvernement et adopté selon la procédure législative ordinaire. La loi d’habilitation précise :

  • l’objet de l’habilitation. 
  • le délai d’habilitation, c’est-à-dire la durée pendant laquelle le Gouvernement peut prendre des mesures par ordonnances.
  • le délai dont dispose le Gouvernement pour déposer un projet de loi de ratification des ordonnances (ce délai est en général d'un à trois mois à compter de l'expiration de l'habilitation).

Une fois la loi d’habilitation votée, les ordonnances sont adoptées en Conseil des ministres (c’est donc le président de la République qui signe les ordonnances). 

Ensuite, un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans le délai prévu par la loi d'habilitation. Si le Gouvernement ne dépose pas un projet de loi de ratification dans le délai prévu, l'ordonnance devient caduque, et l'état du droit antérieur est rétabli. 

La ratification de l’ordonnance est le moment où celle-ci cesse d’être un acte règlementaire et acquiert une valeur législative, puisque c’est l’acte par lequel le Parlement approuve de manière expresse les mesures adoptées par le Gouvernement pendant le délai d’habilitation.


La valeur juridique des ordonnances

Pendant le délai d’habilitation, les ordonnances ont une valeur réglementaire.

A noter : Elles sont donc susceptibles d'un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat. 

Ensuite, les ordonnances se voient conférer valeur législative dès le dépôt du projet de loi de ratification (et non plus à partir de leur ratification par le Parlement).

En effet, auparavant, si malgré le dépôt d’un projet de loi de ratification dans le délai imparti, celui-ci n’était jamais inscrit à l’ordre du jour et qu’ainsi le Parlement ne se prononçait pas sur cette ratification, l’ordonnance non ratifiée conservait une valeur règlementaire.

Mais depuis une décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2020 (Cons. const., 28 mai 2020, n° 2020-843 QPC), une ordonnance non ratifiée acquiert rétroactivement valeur législative à compter de la fin du délai d'habilitation, à condition que le projet de loi de ratification ait été déposé dans le délai imparti.

Ainsi, le seul dépôt du projet de loi de ratification dans le délai prévu par la loi d’habilitation donne désormais valeur législative à une ordonnance.

Considérées comme des dispositions législatives, les ordonnances non ratifiées sont susceptibles de faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

Ce revirement de jurisprudence mettait à mal la jurisprudence constante du Conseil d’Etat selon laquelle les ordonnances non ratifiées sont des actes règlementaires susceptibles de recours devant lui.

Dans une décision du 16 décembre 2020, le Conseil d'Etat a tiré les conséquences du revirement de jurisprudence opéré par le Conseil constitutionnel, concédant que « lorsque le délai d’habilitation est expiré, la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, des dispositions d’une ordonnance relevant du domaine de la loi n’est recevable qu’au travers d’une question prioritaire de constitutionnalité »

Toutefois, le Conseil d'Etat poursuit en affirmant que « la circonstance qu’une question prioritaire de constitutionnalité puisse, dans une telle hypothèse, être soulevée, ne saurait cependant faire obstacle à ce que le juge annule l’ordonnance dont il est saisi par voie d’action ou écarte son application au litige dont il est saisi, si elle est illégale pour d’autres motifs, y compris du fait de sa contrariété avec d’autres règles de valeur constitutionnelle que les droits et libertés que la Constitution garantit »

Ainsi, le Conseil d’Etat considère que la possibilité de soulever une QPC contre les ordonnances non ratifiées ne fait pas obstacle à ce qu’elles puissent aussi être contrôlées, en tant qu’actes réglementaires, par le juge administratif.

En effet, alors que dans le cadre de la QPC le Conseil constitutionnel peut seulement vérifier si la disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le contrôle du juge administratif est plus large, lui permettant de contrôler la conformité de l’ordonnance aux autres règles et principes de valeur constitutionnelle, aux engagements internationaux de la France et aux principes généraux du droit, ainsi qu’à des règles de compétence, de forme et de procédure. Le Conseil d'Etat pourra ainsi annuler l'ordonnance si elle est illégale pour l’un de ces motifs, quel que soit le sort réservé par le Conseil constitutionnel à une QPC qui lui aura été transmise.

En définitive, l'ordonnance non ratifiée est un acte mixte, pouvant être considérée comme une disposition à valeur législative susceptible de faire l’objet d’une QPC, ou comme un acte réglementaire susceptible d’annulation pour excès de pouvoir.


Les ordonnances en vidéo

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