Définition du parlementarisme rationalisé
Le parlementarisme rationalisé est un ensemble de mécanismes d'organisation du régime parlementaire destinés à éviter la domination du Parlement sur le gouvernement et à favoriser la stabilité gouvernementale.
L'idée est d'encadrer les pouvoirs du Parlement afin de permettre au gouvernement de pouvoir mettre en œuvre sa politique.
Les raisons de l'apparition du parlementarisme rationalisé
En France, le parlementarisme rationalisé est apparu pour mettre fin aux excès du parlementarisme constatés sous la IIIème République et la IVème République.
En effet, le régime de la IIIème République était particulièrement déséquilibré au profit du Parlement, ce qui a donné lieu à une instabilité gouvernementale chronique : pas moins de 104 gouvernements se sont succédé entre 1871 et 1940 ! Cette situation s'explique principalement pour deux raisons :
- d'une part, les trois lois constitutionnelles de 1875 avaient seulement prévu que le gouvernement était « responsable devant les chambres », sans déterminer les modalités d'engagement de cette responsabilité politique du gouvernement. Aucune procédure, aucun délai, aucune condition de majorité n'étaient prévues ! En conséquence, le gouvernement avait pour habitude de démissionner dès lors qu'il était mis en minorité par l'une ou l'autre des chambres, même s'il s'agissait d'une question d'importance mineure.
- d'autre part, en prévoyant que le gouvernement était « responsable devant les chambres », les lois constitutionnelles de 1875 avaient institué une responsabilité politique du gouvernement non seulement devant la Chambre des députés (la chambre basse), mais également devant le Sénat (la chambre haute). Ainsi, de nombreux gouvernements ont été renversés par le Sénat, ou ont été contraints à la démission après avoir constaté l’impossibilité d’obtenir l’approbation de la chambre haute.
En outre, les lois constitutionnelles de 1875 avaient défini la loi comme tout acte voté par le Parlement. Dès lors, le domaine de la loi était déterminé par le Parlement lui-même qui fixait la limite entre la loi, qui relevait de sa compétence, et le règlement, qui relevait de la compétence de l'exécutif. En conséquence, le domaine de la loi était illimité. Mais pour autant, alors même qu'il empêche souvent le gouvernement de gouverner, le Parlement est incapable de gouverner à sa place, refusant d'endosser des mesures impopulaires.
En réaction aux défauts de la IIIème République, la Constitution du 27 octobre 1946 (Constitution de la IVème République) vise à instituer un régime parlementaire rationalisé. Mais cette tentative de rationalisation du parlementarisme se révèle être un échec. Les dérives du système aboutiront en définitive à la pratique d’un parlementarisme absolu, avec les mêmes écueils que sous la IIIème République.
Ce n'est qu'avec la Constitution du 4 octobre 1958 (Constitution de la Vème République) que la France parvient finalement à mettre en place un régime parlementaire rationalisé, capable d'encadrer le Parlement et d'assurer la stabilité gouvernementale.
Les mécanismes de rationalisation du parlementarisme sous la Vème République
Les mécanismes de rationalisation du parlementarisme sont nombreux sous la Vème République. Certains visent à assurer la stabilité gouvernementale, quand d'autres permettent au gouvernement d'intervenir dans la procédure législative. D'autres, enfin, sont destinés à assurer l'efficacité de l'action normative du gouvernement.
La rationalisation au service de la stabilité gouvernementale
La Constitution du 4 octobre 1958 limite la possibilité pour le Parlement de renverser le gouvernement. En effet, l'adoption par le Parlement d'une motion de censure (mécanisme qui entraîne la démission du gouvernement) est strictement encadrée : la motion de censure n’est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des députés (en sachant qu'un député ne peut pas signer plus de trois motions de censure par session ordinaire et plus d'une par session extraordinaire), et elle n’est adoptée que si elle est votée par la majorité absolue des députés (soit 289 députés sur 577) (article 49 alinéa 2 de la Constitution).
A ce titre, une seule motion de censure a jusqu'à ce jour été adoptée sur le fondement de l'article 49 alinéa 2 de la Constitution (le 5 octobre 1962, pour protester contre la décision du général de Gaulle de soumettre à référendum la révision constitutionnelle prévoyant l’élection au suffrage universel direct du président de la République, selon la procédure de l’article 11 de la Constitution et non celle de l’article 89).
La rationalisation au service de l'intervention du gouvernement dans la procédure législative
Le gouvernement a d'importantes prérogatives dans la gestion de la procédure législative :
- il fixe l'ordre du jour des chambres deux semaines sur quatre (article 48 de la Constitution)
- il peut avoir recours au vote bloqué (article 44 alinéa 3 de la Constitution)
- en cas de désaccord entre les deux chambres sur le vote d’un texte, il peut convoquer une commission mixte paritaire pour trouver un texte de compromis (article 45 alinéa 2 de la Constitution)
- en cas d’échec de la commission mixte paritaire, il peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur un texte (article 45 alinéa 3 de la Constitution)
L’article 49 alinéa 3 de la Constitution autorise même le Premier ministre à engager la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un projet de loi en débat à l’Assemblée nationale. Le projet de loi est alors réputé adopté, sans être soumis au vote, sauf si une motion de censure est déposée dans les 24 heures et adoptée par les députés. Dans un tel cas, le texte est rejeté et le gouvernement est renversé.
Toutefois, une telle motion de censure est encadrée par les mêmes conditions strictes d'adoption que celles exposées ci-dessus. Ainsi, elle n’est adoptée que si elle est votée par la majorité absolue des députés (soit 289 députés sur 577). C'est pourquoi malgré les nombreuses utilisations de l'article 49 alinéa 3 sous la Vème République, une seule motion de censure déposée après l’utilisation de cet article a, à ce jour, été adoptée : celle qui a conduit, le 4 décembre 2024, au renversement du gouvernement de Michel Barnier.
Permettant au gouvernement de faire adopter un texte sans vote des parlementaires, l’article 49 alinéa 3 de la Constitution est l’arme ultime du parlementarisme rationalisé.
La rationalisation au service de l'action normative du gouvernement
La Constitution de la Vème République définit le domaine de la loi dans son article 34, et énonce dans son article 37 que tout ce qui ne relève pas de la loi relève du domaine du règlement. Autrement dit, le Parlement ne peut prendre des mesures que dans un certain nombre de domaines délimités par l'article 34 de la Constitution. Pour tous les autres domaines, il revient au pouvoir exécutif d'édicter des mesures, par le biais de règlements. Ainsi, l’exécutif a une compétence de principe pour édicter des mesures, alors que le Parlement n’a qu’une compétence d’attribution.
Par ailleurs, l'article 38 de la Constitution permet même au gouvernement, sur autorisation du Parlement, de prendre par ordonnances des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi (et donc du Parlement).
A noter : Vous pouvez cliquer ici pour lire un article complet sur les ordonnances de l'article 38 de la Constitution.
C’est un article succin mais largement suffisant. Démarche pédagogique excellente.