La summa divisio entre personnes et choses

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris


La summa divisio du droit privé : la distinction entre personnes et choses

Le droit privé opère un partage du monde entre deux grandes catégories : les personnes et les choses.

On parle de summa divisio personnes / choses (l'expression latine summa divisio signifie "division la plus élevée"). Ainsi, la distinction entre personnes et choses est la distinction la plus haute, la plus fondamentale du droit privé.

Les personnes sont dotées de la personnalité juridique, c'est-à-dire de l'aptitude à être titulaire de droits et assujetti à des obligations. En droit, les personnes sont donc les sujets de droit, ceux pour qui le droit est construit et qui seuls peuvent se prévaloir de prérogatives attribuées et sanctionnées par l'autorité publique.

Au sein des personnes, on distingue entre :

  • les personnes physiques, c'est-à-dire les êtres humains faits de chair et d'os. Exemple : Vous, qui êtes en train de lire cet article, êtes une personne physique.
  • les personnes morales, qui sont des groupements d’individus réunis pour un intérêt commun. Exemples : les sociétés, les associations, les syndicats...

A l'inverse, les choses sont des objets de droit. Elles n'ont pas la personnalité juridique ; elles ne peuvent pas être titulaires de droits et assujetties à des obligations. Au contraire, les personnes peuvent avoir des droits sur elles. En effet, les choses peuvent être appropriées ou utilisées par les personnes.

Tout ce qui n'est pas une personne est une chose. Ainsi, les choses sont multiples et variées. Exemples : une table, une voiture, une maison, etc.

A noter : Cette summa divisio entre personnes et choses se retrouve dans le Code civil qui consacre son Livre I aux personnes et son Livre II aux choses. Les personnes (Livre I) disposent de droits sur les choses (Livre II) qu'ils s'échangent grâce à des conventions (Livre III).


La remise en cause de la distinction entre personnes et choses

Si la distinction entre personnes et choses reste la distinction fondamentale du droit privé, elle est aujourd'hui remise en cause car certaines entités juridiques sont difficiles à classer dans l'une ou l'autre des deux catégories (personne et chose). Cela concerne particulièrement l'animal, l’enfant à naître et le cadavre. Toutes ces entités sont juridiquement des choses, mais font l'objet d'une protection spécifique en raison de leur particularité.

L'animal

Du point de vue du droit, les animaux sont considérés comme des « choses ». Mais ce ne sont pas des choses comme les autres. En effet, depuis une loi du 16 février 2015, l'article 515-14 du Code civil affirme que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité ».

A noter : Ce même article précise que « sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ». Ainsi, cette évolution est essentiellement symbolique. Elle ne conduit pas l’animal à franchir la barrière de la summa divisio : dire de l’animal qu’il est un être vivant doué de sensibilité ne fait pas de lui une personne juridique.

En outre, le Code pénal contient plusieurs dispositions visant à protéger les animaux. Par exemple, l’article 521-1 du Code pénal punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende les sévices et les actes de cruauté envers les animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité.

L’enfant à naître

Puisque la personnalité juridique s'acquiert à la naissance, l'enfant qui n'est pas encore né (c'est-à-dire l’embryon / le fœtus) n'a pas la personnalité juridique. En droit, ce n'est pas une personne, mais bien une chose. 

Toutefois, plusieurs règles protègent l'enfant à naître.

D'abord, en vertu de la théorie de l’infans conceptus, on considère que l’enfant à naître est né chaque fois que cela est dans son intérêt. Cela lui permet de bénéficier de certains droits, comme s’il avait la personnalité juridique. L'enfant simplement conçu peut donc acquérir des droits alors même qu'il n'est pas encore né. La personnalité juridique qu'il acquiert à sa naissance rétroagit au moment de sa conception, si cela est dans son intérêt. 

Par exemple, la règle de l’infans conceptus permet à l’enfant qui n’est pas né :

  • de recueillir une succession (article 725 du Code civil) ou une libéralité testamentaire (article 906 du Code civil).
  • d’obtenir réparation de son préjudice moral résultant du décès accidentel de son père (Cass. Civ. 2ème, 14 décembre 2017, n° 16-26.687) ou du meurtre de son grand-père (Cass. Civ. 2ème, 11 février 2021, n° 19-23.525) si ces évènements ont eu lieu lorsqu'il était conçu.

A noter : Pour lire un article complet sur la théorie de l’infans conceptus, vous pouvez cliquer ici.

Ensuite, il existe un principe général de protection de la vie humaine prénatale. On retrouve plusieurs applications de ce principe dans la loi. Ainsi, la loi interdit la création d’embryons à des fins industrielles ou commerciales (article L2151-3 du Code de la santé publique). De plus, la recherche sur ceux-ci est fortement règlementée (article L2151-5 du Code de la santé publique).

En revanche, la qualification juridique de l'enfant à naître en tant que « chose » pose problème en matière pénale. Il n’existe en effet pas de protection pénale de l’enfant à naître. Ainsi, si une personne cause la mort d’un embryon ou d'un fœtus, elle ne sera pas pénalement sanctionnée, puisque l'embryon / le fœtus ne peut être considéré comme une « personne » (Cass. Ass. Plén. 29 juin 2001).

Le cadavre

Un cadavre n’est plus une personne ; il appartient à la catégorie des choses. Pour autant, le cadavre fait l'objet d'une protection spécifique. L'article 16-1-1 du Code civil dispose qu'il doit être traité avec respect, dignité et décence. A ce titre, la Cour de cassation a jugé qu'une exposition de cadavres à des fins commerciales méconnait les exigences de respect, dignité et décence (Cass. Civ. 1ère, 16 sept. 2010, Our Body).

Le cadavre est également protégé pénalement : l’atteinte à l’intégrité du cadavre est sanctionnée d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (article 225-17 du Code pénal).


La summa divisio personnes / choses en vidéo

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