L’arrêt Levert du 10 mai 2001

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

arrêt levert

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L’arrêt Levert (Cass. Civ. 2ème 10 mai 2001, n° 99-11.287) fait partie des arrêts majeurs en droit de la responsabilité civile. Comme l’arrêt Fullenwarth, il concerne la responsabilité des parents du fait de l’enfant mineur. La question qui se posait était encore une fois celle du fait générateur de responsabilité : faut-il que l’enfant ait commis une faute ou un simple fait causal (c’est-à-dire un simple acte de l’enfant à l’origine du dommage) suffit pour engager la responsabilité de ses parents ?

On se souvient que l’arrêt Fullenwarth avait répondu à cette question en affirmant que “pour que soit présumée, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 4 du Code civil, la responsabilité des père et mère d’un mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime”.

Cependant, cet arrêt n’avait pas été accueilli de manière unanime par la doctrine et la jurisprudence. Ainsi, certains juges du fond avaient continué d’exiger une faute de l’enfant pour que la responsabilité de ses parents soit engagée.

Il revenait donc à l’arrêt Levert de trancher définitivement cette question.

 

Les faits de l’arrêt Levert

Plusieurs enfants, élèves dans un collège, participent à une partie de rugby pendant une récréation. Au cours de cette partie de rugby, l’un des enfants, Arnaud, est blessé à l’oeil par un autre enfant, Laurent.

Les parents d’Arnaud décident d’assigner en responsabilité les parents de Laurent, afin d’obtenir réparation du préjudice subi. Arnaud reprendra l’action exercée par ses parents à sa majorité.

 

La procédure et les prétentions des parties

Le 26 octobre 1998, la Cour d’appel d’Orléans a considéré que l’examen de la responsabilité de Laurent était « un préalable à la détermination de la responsabilité de ses parents ». En d’autres termes, il fallait que Laurent ait commis une faute pour que la responsabilité de ses parents puisse être recherchée.

La Cour d’appel poursuit son raisonnement en indiquant qu’il n’est reproché à Laurent « que d’avoir par maladresse blessé son camarade, Arnaud, en lui portant involontairement un coup au visage, à l’occasion d’un plaquage au cours d’une partie de rugby organisée entre élèves ». Si ce geste et ses conséquences sont malheureux, il n’en demeure pas moins que Laurent a respecté les règles du jeu et qu’Arnaud, en acceptant de participer, a nécessairement accepté de se soumettre à ces règles et aux risques inhérents au jeu. Dès lors, nous dit la Cour d’appel, l’acte commis par Laurent ne saurait engager sa responsabilité, et il n’y aurait donc pas lieu d’examiner celle de ses parents.

On remarque donc que la Cour d’appel refuse d’appliquer la jurisprudence Fullenwarth. Laurent est bien l’auteur d’un fait à l’origine du dommage subi par Arnaud mais pour la Cour d’appel, cela n’est pas suffisant pour engager la responsabilité de ses parents. Il aurait fallu que Laurent ait commis une véritable faute, susceptible d’engager sa propre responsabilité, pour que la responsabilité de ses parents puisse être engagée.

A la suite de cet arrêt, Arnaud et ses parents décident de se pourvoir en cassation. Selon eux, il n’est pas nécessaire que Laurent ait commis une faute pour que ses parents soient déclarés responsables. En application de l’arrêt Fullenwarth, un simple fait causal de sa part est suffisant et, dès lors, la réparation du préjudice subi doit être ordonnée.

 

La solution donnée par l’arrêt Levert

La question qui était posée à la Cour de cassation était donc la suivante : l’enfant doit-il avoir commis une faute pour engager la responsabilité de ses parents ?

Dans son arrêt Levert du 10 mai 2001, la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel. Elle affirme de manière très claire que « la responsabilité de plein droit encourue par les père et mère du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute de l’enfant ».

Ainsi, l’arrêt Levert s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt Fullenwarth. Il vient confirmer la thèse selon laquelle il suffit que l’enfant ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage pour que la responsabilité de ses parents puisse être engagée. La responsabilité des parents du fait de l’enfant est donc une responsabilité de plein droit, qui n’est en aucun cas conditionnée à une faute de l’enfant.

 

La portée de l’arrêt Levert

Contrairement à l’arrêt Fullenwarth, l’arrêt Levert n’a que peu été remis en cause par la jurisprudence.

Ainsi le 13 décembre 2002, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, est venue confirmer la solution qu’elle avait rendue dans l’arrêt Levert en affirmant que « pour que la responsabilité de plein droit des père et mère exerçant l’autorité parentale sur un mineur habitant avec eux puisse être recherchée, il suffit que le dommage invoqué par la victime ait été directement causé par le fait, même non fautif, du mineur ; que seule la cause étrangère ou la faute de la victime peut exonérer les père et mère de cette responsabilité » (Cass. Ass. Plén., 13 décembre 2002, n° 01-14.007). Puis, dans un nouvel arrêt important, la deuxième chambre civile a également repris cette solution (Cass. Civ. 2ème, 3 juillet 2003, n° 02-15.696).

En outre, la grande majorité des juridictions du fond appliquent aujourd’hui l’arrêt Levert. Cet arrêt constitue donc le droit positif actuel en matière de responsabilité des parents du fait de l’enfant mineur.

Pourtant, il n’est pas exempt de tous reproches. Ainsi, on peut remarquer que si Laurent avait été majeur au moment où il a commis l’acte à l’origine du dommage subi par Arnaud, alors ce dernier n’aurait pas pu être indemnisé de son préjudice. Le régime de responsabilité aurait en effet été celui de la responsabilité du fait personnel, qui suppose l’existence d’une faute.

Dès lors, le régime de responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur apparaît extrêmement sévère. Les parents peuvent effectivement être condamnés à verser des dommages et intérêts alors même qu’ils n’ont rien à voir avec le dommage et que leur enfant n’a pas commis d’acte fautif !

Au contraire, la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés (qui est un autre cas de responsabilité du fait d’autrui) suppose une faute du préposé, et non un simple fait causal (Cass. Civ. 2ème, 8 avril 2004).

En réalité, on peut considérer que la responsabilité des parents du fait de l’enfant mineur se rapproche de la responsabilité du fait des choses, qui n’exige elle aussi qu’un simple fait actif de la chose. Les parents sont responsables de tout fait dommageable de leur enfant, comme le gardien est responsable de tout fait actif dommageable de la chose dont il a la garde.

 

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