Le commencement de preuve par écrit : définition, conditions, effets

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

commencement de preuve par écrit

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Avant d’expliquer plus en détails en quoi consiste le commencement de preuve par écrit, il importe de situer cette notion dans son contexte.

On sait qu’en principe, les actes juridiques se prouvent par écrit (article 1359 du Code civil). Qu’est-ce que cela signifie ? Imaginons par exemple que vous ayez conclu un contrat de vente en tant que vendeur, mais que l’acheteur refuse de vous payer. Vous allez alors entrer en litige avec l’acheteur pour obtenir le paiement de la vente, et il vous faudra prouver que le contrat de vente existe. Pour ce faire, vous devrez montrer un écrit du contrat de vente, car les actes juridiques (et donc les contrats) se prouvent en principe par écrit.

Néanmoins, il existe des exceptions à cette règle de la preuve par écrit des actes juridiques. Ainsi, dans certains cas, un écrit ne sera pas nécessaire pour prouver l’acte juridique, et ce dernier pourra être prouvé par tous moyens. Ce sera le cas par exemple :

  • pour les actes portant sur une somme inférieure à 1500 euros (article 1359 du Code civil).
  • s’il est impossible moralement de se procurer un écrit (article 1360 du Code civil). Cela concerne les situations où il existe des liens affectifs entre les contractants, comme par exemple dans les relations entre parents et enfants (Cass. Civ. 1ère, 17 novembre 1971, n° 70-10.280 ; Cass. Civ. 1ère, 20 mai 2009, n° 08-14.761).
  • s’il est impossible matériellement de se procurer un écrit (article 1360 du Code civil). Cela renvoie par exemple aux situations où la personne signataire de l’acte est illettrée, et donc ne peut pas écrire et signer (Cass. Civ. 1ère, 13 mai 1964).
  • s’il existe un commencement de preuve par écrit.

Dans la suite de cet article :

  • nous donnerons une définition du commencement de preuve par écrit
  • nous exposerons les conditions de mise en oeuvre du commencement de preuve par écrit
  • nous préciserons les effets du commencement de preuve par écrit, car le commencement de preuve par écrit seul ne suffit pas à prouver l’acte juridique

 

Le commencement de preuve par écrit : définition

La définition du commencement de preuve par écrit est donnée par l’article 1362 alinéa 1 du Code civil : « Constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué ».

L’idée est la suivante : admettons qu’aucun véritable écrit ne matérialise l’acte juridique. Par exemple, il n’existe pas de contrat valide qui matérialise la vente. A ce moment-là, en application du principe de preuve par écrit des actes juridiques, la vente ne peut pas être prouvée. En revanche, s’il existe des documents qui laissent penser que la vente a bien eu lieu (comme par exemple des courriers, un chèque, etc…), alors il serait illogique de ne pas tenir compte de ces documents. Autrement dit : si ces documents rendent vraisemblable la conclusion de l’acte juridique, il faut que la preuve de cet acte soit plus facile à rapporter. C’est précisément ce qu’implique la notion de commencement de preuve par écrit : un tel document constitue un premier élément de preuve qui à lui seul ne permet pas de prouver l’acte, mais qui, s’il est complété par d’autres éléments, peut permettre d’apporter cette preuve. C’est ce que nous verrons dans la suite de cet article.

 

Les conditions du commencement de preuve par écrit

A la lecture de l’article 1362 alinéa 1 du Code civil, on comprend qu’il existe trois conditions pour que le commencement de preuve par écrit soit constitué. Il doit s’agir :

1/ d’un écrit

2/ cet écrit doit émaner de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente

3/ cet écrit doit rendre vraisemblable ce qui est allégué

Un écrit

La première condition (celle de l’écrit) doit être précisée.

D’abord, l’écrit pouvant être qualifié de commencement de preuve par écrit n’est pas un écrit au sens du droit probatoire. A ce titre, il ne s’agit pas d’un acte sous signature privée ou d’un acte authentique.

Ainsi, un commencement de preuve par écrit peut être constitué par un acte non valable car il ne respecte pas les conditions légales de validité. Exemples :

  • une reconnaissance de dette qui ne comporte pas la mention du montant de la somme, comme l’exige l’article 1376 du Code civil
  • une reconnaissance de dette sur laquelle la signature du débiteur a été raturée par le créancier (Cass. Civ. 1ère, 16 juin 1993, n° 91-20.105 ; Cass. Civ. 2ème, 1er juillet 2010, n° 09-14.685)
  • un contrat de cautionnement conclu par une caution personne physique qui ne contient pas la mention exigée par l’article 2297 du Code civil

En dehors de cette hypothèse, les commencements de preuve par écrit sont divers et variés. Ce peut être :

  • une carte de visite jointe à une feuille de papier (Cass. Civ. 1ère, 27 janvier 1971, n° 69-13.273).
  • les feuilles de route d’un camionneur (Cass. Civ. 1ère, 10 novembre 1971, n° 70-12.784).
  • des ordres de virement. Par exemple, trois virements (portant les libellés « Garde de chien » ou « Garde Rocco ») constituent un commencement de preuve par écrit d’un contrat de garde d’un chien (Cass. Civ. 1ère, 25 juin 2008, n° 07-12.545).

En outre, la notion d’écrit imposée par l’article 1362 alinéa 1 du Code civil a fait l’objet d’une interprétation extensive de la part de la jurisprudence, qui a assimilé le commencement de preuve par écrit à un demi-aveu. Cette jurisprudence est aujourd’hui consacrée par l’article 1362 du Code civil, qui dispose en son deuxième alinéa que « peuvent être considérés par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution ».

Un écrit émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente

De manière logique, le demandeur ne peut pas invoquer un écrit qu’il aurait lui-même établi ; il faut un écrit émanant de la personne contre laquelle on plaide, de la personne à qui on l’oppose.

Par exemple, un chèque peut constituer un commencement de preuve par écrit contre celui qui l’a signé, mais pas contre le bénéficiaire du chèque.

Un écrit qui rend vraisemblable ce qui est allégué

Comme expliqué précédemment, l’écrit doit laisser penser que l’acte juridique a bien été conclu.

Il s’agit d’une question de fait qui est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond. Cela signifie que les juges décident librement si ce qui est allégué est effectivement vraisemblable ou non ; leur décision échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Ainsi, est souveraine et échappe au contrôle de la Cour de cassation l’appréciation par laquelle un tribunal refuse de voir dans une déclaration les éléments constitutifs d’un commencement de preuve par écrit, rendant vraisemblable le fait allégué (Cass. Civ. 1ère, 4 juin 2007, n° 06-15.945).

 

Les effets du commencement de preuve par écrit

Il faut bien comprendre que le commencement de preuve par écrit ne peut servir que d’aide, de secours, d’appui. Seul, le commencement de preuve par écrit n’est effectivement pas utile ; il ne suffit pas à apporter la preuve de l’acte juridique. Mais il peut permettre à une preuve imparfaite, normalement inacceptable par le juge de manière isolée, d’être étayée et ainsi de prouver l’acte juridique.

Revenons sur ce qu’est une preuve imparfaite. On sait qu’il existe deux modes de preuve : les modes de preuve parfaits et les modes de preuve imparfaits. Les modes de preuve parfaits sont considérés comme fiables. Dès lors, ils lient le juge, qui est tenu de les accepter. Il s’agit de la preuve écrite (dont on a parlé dans cet article), de l’aveu judiciaire et du serment décisoire. Les modes de preuve imparfaits, en revanche, présentent moins de garanties. C’est pourquoi ils sont soumis à l’appréciation souveraine du juge, qui peut choisir de les retenir ou de les écarter. Il s’agit de l’aveu extrajudiciaire, du serment supplétoire, des présomptions judiciaires et du témoignage.

Ainsi, un commencement de preuve par écrit est sans utilité en présence d’une preuve parfaite (écrit, aveu judiciaire, serment décisoire), mais prend tout son sens pour appuyer une preuve imparfaite (témoignage, présomption judiciaire, aveu extrajudiciaire, serment supplétoire). Il permet de rendre recevable une telle preuve imparfaite. Concrètement : le cumul d’un commencement de preuve par écrit et d’une preuve imparfaite va constituer une preuve de l’acte et non plus juste sa vraisemblance.

 

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