Le syllogisme juridique : définition et exemple

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

Syllogisme juridique

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Si vous êtes étudiant en droit, vous devez impérativement comprendre et maîtriser le syllogisme juridique.

D'abord parce que le syllogisme juridique est le raisonnement par excellence du juriste : un juriste n'est pas quelqu'un qui apprend par cœur son Code civil, mais quelqu'un qui raisonne à l'aide du syllogisme juridique.

Et ensuite parce que le syllogisme juridique vous servira à résoudre l'ensemble des cas pratiques qui vous seront demandés pendant vos études de droit... Autant vous dire que si vous ne maîtrisez pas le syllogisme juridique, vous aurez beaucoup de mal à réussir vos études !

Dans cet article, nous allons justement voir en détails en quoi consiste le syllogisme juridique. Nous illustrerons nos propos par différents exemples afin que les explications soient le plus clair possible.

Sans plus attendre, c'est parti !

 

Explication du syllogisme juridique

 

Avant d'aborder le syllogisme juridique, commençons par nous intéresser au syllogisme de manière générale.

Le syllogisme est un raisonnement déductif composé de trois étapes :

  • une proposition générale, qu'on appelle la majeure
  • une proposition particulière, qu'on appelle la mineure
  • une conclusion qui est déduite de la confrontation de la mineure à la majeure

Un exemple célèbre de syllogisme non juridique est le suivant :

  • Majeure : Tous les hommes sont mortels
  • Mineure : Socrate est un homme
  • Conclusion : Socrate est mortel

 

En droit, la mineure est constituée par les faits, la majeure est la règle de droit applicable, et la conclusion naît de l’application de la règle de droit aux faits. Le syllogisme juridique consiste donc à appliquer à un fait la règle de droit adéquate pour en déduire la solution au problème de droit.

Voici un exemple de syllogisme juridique :

  • Majeure : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » (article 1240 du Code civil)
  • Mineure : X a blessé Y
  • Conclusion : X doit réparer le dommage causé à Y

Voyons maintenant en détails chacune de ces trois étapes.

 

1ère étape : La majeure

Comme expliqué précédemment, la majeure du syllogisme juridique est constituée de la règle de droit. Il peut s'agir de toute norme juridique : un article de loi (exemple : un article du Code civil), mais aussi un article de la Constitution, un article d’un traité international, un règlement européen, un décret, un arrêté…

La règle de droit peut également être constituée par de la jurisprudence. En effet, les juges ont un pouvoir d'interprétation des textes juridiques qui leur permettent d'en préciser le sens.

Pour identifier la règle de droit applicable, il faut d'abord savoir quel est le problème de droit qui est posé.

Prenons un exemple pour bien comprendre l'idée :

Faits : Mme X a eu une relation extra-conjugale avec M. Y.

M. X est très triste. Il souhaite demander le divorce.

Dans cet exemple, la question est de savoir si le fait pour Mme X d'avoir trompé son mari peut permettre à ce dernier d'obtenir le divorce. Autrement dit, l'adultère est-il une cause de divorce ?

Une fois le problème de droit identifié, on peut identifier la règle de droit applicable.

En l'espèce, l’article 212 du Code civil énonce que les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance. Ainsi, les époux ont un devoir de fidélité l'un envers l'autre.

En outre, l'article 242 du Code civil dispose que "le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune". Autrement dit, trois conditions sont exigées :

  • une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage (en l'espèce, du devoir de fidélité)
  • imputable à l'époux défendeur
  • rendant intolérable le maintien de la vie commune

L'ensemble de ces règles constituent la majeure.

 

2ème étape : La mineure

Dans le syllogisme juridique, la mineure énonce les faits en les qualifiant juridiquement.

Cette opération de qualification juridique des faits est essentielle. Elle consiste à faire rentrer les faits dans une catégorie juridique, afin de leur appliquer un régime juridique.

Reprenons l'exemple de Mme X qui a trompé son mari.

Dans cet exemple, la mineure ne pourrait se contenter de dire que Mme X a trompé son mari. Les faits ne seraient alors pas qualifiés juridiquement, car le fait de tromper son mari n'est pas une catégorie juridique de laquelle découle un régime juridique.

Par définition, le fait de tromper son conjoint est une violation du devoir de fidélité entre époux. Mme X a donc commis une violation du devoir de fidélité. Plus généralement, il s'agit d'une violation des devoirs et obligations du mariage.

Or la violation des devoirs et obligations du mariage est une catégorie juridique, dont le régime juridique est prévu par l'article 242 du Code civil. Comme on l'a vu précédemment, cet article prévoit qu'une telle violation peut, si certaines conditions sont réunies, permettre à l'un des époux de demander le divorce.

En l'espèce, pour qualifier juridiquement les faits, la mineure devrait donc dire que Mme X a commis une violation du devoir de fidélité, c'est-à-dire une violation des devoirs et obligations du mariage.

 

3ème étape : La conclusion

C'est la dernière étape du syllogisme juridique. Il s’agit de la solution résultant de l’application de la règle de droit aux faits.

Si l'on reprend l'exemple de Mme X, on sait :

  • que Mme X a commis une violation du devoir de fidélité, c'est-à-dire une violation des devoirs et obligations du mariage (faits qualifiés juridiquement = mineure)
  • qu'en application de l'article 242 du Code civil, une telle violation est susceptible, à certaines conditions, d'entraîner le divorce (règle de droit = majeure)

Il va donc falloir confronter la mineure à la majeure, ce qui nous conduira à vérifier si les conditions posées par la majeure sont remplies par la mineure. En l'espèce, il faudra donc vérifier :

  • si la violation est grave ou renouvelée
  • si elle est imputable à Mme X
  • si elle rend intolérable le maintien de la vie commune

Si ces trois conditions sont réunies, on pourra conclure le syllogisme juridique en disant que M. X est en mesure d'obtenir le divorce. Dans le cas contraire, la conclusion devra dire que M. X ne peut pas obtenir le divorce.

Remarque : En l'espèce, on ne dispose pas de suffisamment d'éléments de fait pour conclure en faveur de l'une ou de l'autre solution. La conclusion devra donc rester hypothétique.

 

C'est ce raisonnement qu'il faut appliquer pour résoudre un cas pratique. Dans la suite de cet article, nous allons justement résoudre un cas pratique en utilisant le syllogisme juridique. A ce propos, vous pouvez cliquer ici pour consulter un article détaillé sur la méthodologie du cas pratique.

 

Exemple de syllogisme juridique dans un cas pratique

Énoncé du cas pratique : Kevin a vendu son scooter à Matthieu. Le jour de la vente, ils ont rédigé un contrat qui prévoyait la livraison du scooter le jour-même, et le paiement par Matthieu à Kevin d'une somme de 2 200 euros dans un délai d'une semaine. La vente s'est faite en présence de Rémi, un de leurs amis communs. Confiant, Kevin a bien livré le scooter à Matthieu. Mais trois semaines plus tard, il n'a aucune nouvelle de Matthieu, qui ne l'a toujours pas payé. Entre-temps, l'immeuble dans lequel il vit a brûlé, et le contrat de vente qu'il conservait précieusement a disparu dans l'incendie. En l'absence du contrat, Kevin se demande s'il peut faire reconnaître l'existence de la vente.

Faits : Un contrat de vente d'un montant de 2 200 euros a été conclu entre deux personnes et en présence d'un tiers. L'acheteur refuse de payer le vendeur. En outre, la preuve écrite du contrat a disparu dans un incendie.

Problème de droit : Est-il possible de prouver l'existence d'un contrat de 2 200 euros lorsque le contrat écrit a disparu dans un incendie ?

Majeure : En application de l'article 1359 du Code civil, les actes juridiques d’une valeur supérieure à 1 500 euros doivent être prouvés par écrit.

Toutefois, il résulte de l'article 1360 du Code civil que cette exigence d'une preuve écrite ne s'applique pas "lorsque l'écrit a été perdu par force majeure". Un cas de force majeure s'entend d'un évènement imprévisible, irrésistible et extérieur. A ce titre, la Cour de cassation a affirmé qu'un incendie était bien un cas de force majeure (Cass. Civ. 3ème, 10 déc. 2008, n° 07-13.435).

En l'absence d'exigence d'une preuve écrite, un acte juridique se prouve par tout moyen (comme par exemple des témoignages).

Mineure : L’objet du litige est un contrat de vente d’un montant de 2 200 euros. Or le contrat est un acte juridique. S'agissant d'un acte juridique d’une valeur supérieure à 1 500 euros, le contrat de vente devrait, en vertu de l'article 1359 du Code civil, être prouvé par écrit.

Cependant, la preuve écrite du contrat a disparu dans un incendie, ce qui est constitutif d'un cas de force majeure au sens de l'article 1360 du Code civil. Dès lors, l'exigence de preuve écrite est écartée, et le contrat de vente peut être prouvé par tout moyen (comme par exemple des témoignages).

En l'espèce, le vendeur pourra demander au tiers qui était présent au moment de la vente de témoigner en sa faveur.

Conclusion : Le vendeur est en mesure de prouver l'existence du contrat de vente.


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  • Chanelle basseyla dit :

    Merci beaucoup monsieur le Bizeau votre article m’a facilité la compréhension et donné la force de ne pas abandonner le droit,merci encore.

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    • Allou Mohamed dit :

      Génial. Je n’aurai plus de mal à le faire 🌚😉

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