Le droit et la morale

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

Droit et morale

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Si vous lisez ces lignes, vous êtes probablement étudiant en première année de droit.

Peut-être même que vous avez une dissertation à faire sur le thème du droit et de la morale.

Si tel est le cas, vous êtes au bon endroit. Dans cet article, nous allons voir en détails la distinction entre le droit et la morale, ainsi que les points de rapprochement entre ces deux notions.

Sans plus attendre, c'est parti !



Définitions du droit et de la morale

Avant toute chose, il convient de définir le droit et la morale.

Définition du droit

La notion de droit est susceptible de deux définitions différentes. On parle de droit objectif (au singulier) et de droits subjectifs (au pluriel).

Le droit objectif désigne l’ensemble des règles de droit, c’est-à-dire les règles régissant la vie en société et sanctionnées par la puissance publique. Il correspond à ce que l’on désigne communément lorsque l’on cite « le » droit.

Quant aux droits subjectifs, ce sont les prérogatives individuelles reconnues aux personnes. Par exemple, le droit au respect de la vie privée et le droit de propriété sont des droits subjectifs.

A noter : Si vous voulez en savoir plus sur la distinction entre droit objectif et droits subjectifs, vous pouvez cliquer ici.

Lorsque l'on s'intéresse au thème du droit et de la morale, la notion de droit renvoie au droit objectif.

On peut donc définir le droit comme "l'ensemble des règles de conduite socialement édictées et sanctionnées, qui s'imposent aux membres de la société" (G. Cornu, Vocabulaire Juridique).

Définition de la morale

La morale, quant à elle, désigne "l'ensemble des règles de conduite considérées comme bonnes de façon absolue ou découlant d'une certaine conception de la vie", selon la définition du dictionnaire Larousse.

Ainsi, autant le droit que la morale correspondent à des règles de conduite. Mais si ces deux notions se recoupent en partie, elles doivent cependant être distinguées. C'est ce que nous allons voir dans la suite de cet article.


La distinction entre le droit et la morale


Les critères de distinction entre le droit et la morale

Premier critère : la source de la règle

Le droit et la morale ont des sources différentes.

La règle morale vient de la conscience de l'individu. Sa source est interne à l'individu.

A l'inverse, la règle de droit est édictée par les autorités publiques (la loi est créée par le Parlement, les règlements le sont par le gouvernement, etc.). La source du droit est externe à l'individu.

Deuxième critère : la finalité de la règle

Le droit et la morale se distinguent par leurs finalités respectives.

La morale vise le perfectionnement intérieur de l'homme. Elle est destinée à améliorer l'individu. Sa finalité est donc individuelle.

Le droit a pour but la paix dans la société, le maintien de l'ordre social. Sa finalité est donc sociale, et non individuelle.

Troisième critère : la sanction de la règle

La règle de droit et la règle morale font l’objet de sanctions différentes.

En cas de violation d’une règle morale, la personne éprouvera des remords, des regrets, c’est-à-dire les reproches de sa propre conscience. Il s’agit de sanctions internes à l'individu. 

En revanche, la violation d'une règle de droit entraîne une sanction étatique, c'est-à-dire une sanction déterminée et infligée par l’autorité publique. Cette sanction est également garantie, in fine, par la force publique : l’Etat peut recourir à la contrainte pour infliger la sanction à la personne qui a violé la règle de droit.


L'indifférence du droit à l'égard de la morale

La distinction qui existe entre le droit et la morale se confirme par l'indifférence du droit à l'égard de la morale dans un certain nombre de domaines.

Par exemple, le droit des contrats est en principe indifférent au déséquilibre entre les obligations du contrat. En effet, l'article 1168 du Code civil dispose que « le défaut d'équivalence des prestations n'est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n'en dispose autrement ». Cela signifie par exemple qu'une personne qui achète un tableau au prix de 10 000 €, alors que sa valeur était en réalité de 5000 €, ne peut pas demander la nullité du contrat. Pourtant, les prestations sont déséquilibrées, et une telle transaction peut à ce titre sembler immorale. Mais le droit des contrats est indifférent au déséquilibre contractuel.

Dans d'autres domaines, le droit est indifférent à la morale car les problèmes à résoudre sont uniquement techniques. C'est par exemple le cas pour :

  • les règles du Code de la route
  • les règles comptables
  • le droit constitutionnel
  • la plupart des règles fiscales, dont le seul but est de récupérer de l'argent pour alimenter le budget des collectivités publiques

Par ailleurs, l'application d'une règle de droit peut donner lieu à une situation immorale. La prescription en est une bonne illustration.

D'abord, le droit considère que lorsqu’un certain délai s’est écoulé depuis la commission d’une infraction sans que l’action publique n’ait été exercée, cette dernière s'éteint, empêchant dès lors toute poursuite. C'est ce qu'on appelle la prescription de l'action publique. Cette prescription fait donc perdre son caractère juridiquement répréhensible à un acte qui moralement reste toujours condamnable.

Ensuite, le droit considère que le simple écoulement du temps peut permettre l’acquisition ou l'extinction d’un droit. On parle de prescription acquisitive dans le premier cas et de prescription extinctive dans le second cas. Or aussi bien la prescription acquisitive que la prescription extinctive peuvent donner lieu à des situations immorales. La prescription acquisitive permet à l’occupant d’un bien immobilier, par simple possession pendant un certain délai, d'en devenir le propriétaire, alors même que ce bien ne lui appartenait pas. De même, la prescription extinctive peut, par exemple, faire disparaître le droit pour le créancier d’exiger le paiement auprès de son débiteur, simplement parce qu'un certain délai s'est écoulé.


L'influence de la morale sur le droit


L’opposition entre le droit et la morale n’empêche pas la morale d’exercer une grande influence sur le droit. 


La consécration de règles morales dans le droit

De nombreuses règles morales ont été consacrées dans le droit et s'expriment sous la forme d'obligations juridiques. La règle de droit n'est alors que la traduction de commandements moraux.

On peut citer comme exemples :

En outre, le droit accepte parfois qu’une obligation purement morale devienne une obligation juridique. Par exemple, l'obligation alimentaire entre collatéraux est une obligation purement morale ; à la différence de l'obligation alimentaire entre ascendants et descendants, elle n'est pas consacrée par le Code civil. A ce titre, le droit n’impose pas au frère de prendre en charge sa sœur si elle est dans le besoin. Mais si le frère le fait volontairement, il ne pourra réclamer ensuite le remboursement des sommes dépensées. En effet, l'exécution volontaire d'une obligation naturelle ne peut être remise en cause par la suite. L'article 1302 du Code civil dispose que "la restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées". Ainsi, le droit qui n’imposait pas au frère de nourrir sa sœur lui interdit en revanche de changer d’avis une fois qu’il s’est exécuté. L'obligation morale de nourrir ses frères et sœurs est donc reconnue par le droit, qui peut la transformer en obligation juridique lorsque le débiteur l'a volontairement exécuté.


La prise en compte de la morale dans le droit

Outre la consécration de règles morales dans le droit, il faut également évoquer la prise en compte de la morale par le droit, qui se manifeste à différents égards.

D'abord, on peut retrouver dans le droit des notions proches de la notion de morale. Ainsi, l'article 6 du Code civil dispose que : "on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs". En imposant la conformité des contrats aux « bonnes mœurs », cet article 6 empêche de porter atteinte aux règles morales les plus élémentaires. De même, l'article 1104 du Code civil affirme que "les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi". Or la bonne foi en droit des contrats impose au contractant d’adopter un comportement loyal et coopératif, et de ne pas nuire à son cocontractant. Il s'agit donc d'une notion morale, qui permet de moraliser la formation et l'exécution des contrats. Par ailleurs, la notion de bonne foi joue un rôle important dans d'autres branches du droit, comme par exemple le droit des biens et le droit des affaires.

En outre, certains principes juridiques témoignent de la pénétration du droit par la morale. Ainsi en est-il de :

  • l'abus de droit, défini comme le fait, pour une personne, d'utiliser un droit qui lui est conféré dans le seul but de nuire à autrui. L’abus de droit est sanctionné par la réparation en nature (l’auteur de l’abus doit faire cesser l’abus, en faisant disparaître sa cause ou ses effets) ou en argent (l’auteur de l’abus doit verser des dommages et intérêts à la victime).
  • l'enrichissement injustifié, qui désigne une situation dans laquelle une personne a bénéficié d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui et qui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.


Bonus : Citations sur le droit et la morale

Si vous avez une dissertation à rédiger sur le sujet du droit et de la morale, il peut être opportun d'y inclure quelques citations (vous pouvez notamment utiliser une citation en guise de phrase d'accroche).

A ce titre, vous trouverez ci-dessous plusieurs citations sur le thème du droit et de la morale.

« Le droit n’est pas une fin en soi, il ne prend son sens que par les valeurs qu’il traduit » (P. Malaurie, Notre droit est-il inspiré ?, Defrénois 2002, p. 637)

« Il n’y a en réalité entre la règle morale et la règle juridique aucune différence de domaine, de nature et de but ; il ne peut y en avoir, car le droit doit réaliser la justice et l’idée du juste est une idée morale » (G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 4e éd., LGDJ, 1949)

« Sans être ni idéaliste ni sceptique, il faut bien admettre qu’il y a une certaine intégration, variable, de la composante morale dans le processus juridique » (P. Jestaz, Pouvoir juridique et pouvoir moral, Mc Gill Law Journal, vol. 32, 1987, p. 835)

« Il n’existe pas de principe autonome du droit, du fait qu’il ne peut se détacher de la morale » (J. Freund, Droit et politique. Essai de définition du droit, Archives de philosophie du droit, 1971, repris dans Politique et impolitique, Sirey, chap. 21, p. 283)

« L’Etat de droit est l’effectuation de l’intention éthique dans la sphère du politique » (P. Ricoeur, Ethique et politique, Autres temps, 1985, p. 67)


Conclusion

J'espère que cet article vous aura été utile.

Sachez également que si vous avez une dissertation à faire sur le droit et la morale, vous pouvez vous aider du plan de cet article pour rédiger votre devoir.

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Je m’appelle Maxime Bizeau, et je suis avocat de formation, diplômé de l’école d’avocats du Barreau de Paris.

Après mon bac, je me suis lancé dans l’aventure de la licence de droit.

Mais très vite, je me suis senti submergé par la charge de travail. Des centaines et des centaines de pages à apprendre, sans savoir sur quoi se focaliser, sans savoir ce qui était réellement important et ce qui ne l'était pas.

Mes résultats étaient irréguliers, et pas à la hauteur de mes espérances.

J’ai donc décidé de changer ma méthode de travail. Plutôt que d'essayer de tout retenir, j'ai commencé à ficher mes cours régulièrement, et à relire ensuite mes fiches avant les examens.

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J’ai ainsi pu travailler dans des cabinets anglo-saxons très réputés à Paris, avec des gens brillants, sur des dossiers passionnants, et dans des conditions optimales.

A travers ce site, je souhaite aider un maximum d’étudiants en droit à atteindre leurs objectifs.

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