Le droit dérivé de l’Union européenne : définition, typologie et régime

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

droit dérivé

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Le droit dérivé : définition

Le droit dérivé de l'Union européenne (UE) est le droit édicté par les institutions de l'UE sur le fondement des traités européens. On distingue le droit dérivé du droit primaire, qui correspond aux traités.

Cette définition mérite quelques explications.

Les traités européens sont des accords adoptés par tous les États membres de l'UE. Ils définissent notamment les objectifs poursuivis par l'UE et ses domaines de compétence. Aujourd'hui, l'UE est régie par deux traités : le traité sur l'Union européenne (TUE) et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Les traités prévoient également les règles de fonctionnement des institutions de l'UE, qui sont des organes créés pour travailler en collaboration à la réalisation des objectifs de l'UE. Afin de réaliser ces objectifs, les traités autorisent en particulier le Conseil de l'UE et le Parlement européen, sur proposition de la Commission européenne, à prendre un certain nombre d'actes législatifs. Ce sont ces actes législatifs qui constituent le droit dérivé de l'UE.

Ainsi, on peut donner une définition un peu plus précise du droit dérivé en disant que le droit dérivé est constitué des actes législatifs pris par le Conseil de l’UE et le Parlement européen, sur proposition de la Commission, dans les domaines de compétence de l’UE.

 

Les types d'actes de droit dérivé

 

Il existe différents types d'actes de droit dérivé.

Selon l'article 288 TFUE, les institutions de l’UE "adoptent des règlements, des directives, des décisions, des recommandations et des avis".

Ces différents actes de droit dérivé ne font pas l'objet d'une hiérarchie ; aucun de ces actes ne prévaut sur l’autre, et chaque acte dispose d’une complète autonomie. Par ailleurs, leurs effets juridiques diffèrent grandement ; certains actes sont contraignants, tandis que d'autres ne le sont pas.

Il faut également préciser que la pratique des institutions de l'UE a fait apparaître d'autres actes de droit dérivé non prévus par les traités.

 

Les règlements

D'abord, le règlement est un acte de portée générale. Cela signifie qu'il ne vise pas de destinataires particuliers et désignés, mais au contraire s’applique de manière générale à des catégories abstraites de personnes (non identifiées). Il est applicable dans tous les États membres de l'UE.

Ensuite, le règlement est obligatoire dans toutes ses dispositions et doit donc être intégralement respecté par ceux à qui il s'applique, dès son entrée en vigueur et tant que son invalidité n'a pas été constatée (le règlement entre en vigueur à la date qu'il fixe ou, à défaut, 20 jours après sa publication au Journal officiel de l’UE).

Enfin, le règlement est "directement applicable dans tout État membre" (article 288 TFUE) et s'intègre donc dans l'ordre juridique des Etats membres dès son entrée en vigueur. En outre, du fait de leur applicabilité directe, les règlements sont par nature dotés d'un effet direct ; ils créent directement des droits et des obligations pour les particuliers, qui peuvent dès lors les invoquer devant les juridictions nationales (CJCE, 14 décembre 1971, Politi). Il s'agit d'un effet direct aussi bien vertical qu'horizontal (CJCE, 17 sept. 2002, Muñoz et Superior Fruiticola).

Rappel : Un acte qui ne produit qu'un effet direct vertical peut être invoqué par un justiciable à l'encontre d'un Etat membre. Un acte qui produit un effet direct aussi bien vertical qu'horizontal peut être invoqué par un justiciable à l'encontre d'un Etat membre ou d'un autre justiciable.


Les directives

La directive est un acte qui s’adresse aux Etats membres, leur imposant une obligation de résultat quant au résultat à atteindre, tout en leur laissant le choix des moyens et de la forme mis en œuvre. Elle peut s'adresser à l'ensemble des Etats membres, ou à seulement un ou plusieurs Etats membres.

Concrètement, chaque Etat à qui s'adresse la directive doit prendre des mesures internes afin de modifier le droit interne en conformité avec les objectifs de la directive. C'est ce qu'on appelle la transposition de la directive.

Ainsi, de même que le règlement, la directive est un acte contraignant. Mais à la différence du règlement, elle n'est pas une norme qui se suffit à elle-même puisqu'elle nécessite d'être transposée dans le droit interne des Etats membres.

La directive prévoit une date limite de transposition dans le droit national. Les Etats membres qui ne respectent pas leur obligation de transposition dans les délais fixés par la directive peuvent faire l’objet d’un recours en manquement devant la Cour de justice de l’UE. 

Par ailleurs, les directives sont susceptibles de produire un effet direct à condition d'être claires, précises et inconditionnelles et que l'Etat membre n'ait pas transposé la directive dans les délais (CJCE, Van Duyn, 4 déc. 1974). Il s'agit d'un effet direct vertical : une directive qui respecterait les conditions précitées de clarté, de précision et d'inconditionnalité et qui n'aurait pas été transposée dans les délais par l'Etat membre peut être invoquée par un justiciable à l'encontre de cet Etat membre, mais pas à l'encontre d'un autre justiciable (CJCE, 5 avril 1979, Ratti).


Les décisions

A l’instar du règlement, la décision est un acte obligatoire dans toutes ses dispositions et directement applicable dans le droit national des Etats membres

Mais à la différence des règlements qui s’appliquent de manière générale à des catégories abstraites de personnes, les décisions peuvent désigner un ou plusieurs destinataires (États membres, personnes physiques ou morales). Dans ce cas, elles ne sont obligatoires que pour ces destinataires. Par exemple, une décision par laquelle la Commission impose une amende à une entreprise pour abus de position dominante sur le marché désigne cette entreprise comme destinataire.

Il existe également des décisions qui n’ont pas de destinataire précis, notamment dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune.

Enfin, une décision adressée à un justiciable (personne physique ou morale) a vocation à lui conférer des droits ou lui imposer des obligations. Dès lors, ce type de décisions produit un effet direct et peut donc être invoqué devant les juridictions nationales par le destinataire.

En revanche, une décision adressée à un Etat membre n'a un effet direct que si elle est claire, précise et inconditionnelle (CJCE, Franz Grad, 6 octobre 1970). Il s'agit d'un effet direct vertical : la décision peut être invoquée devant les juridictions nationales par un justiciable à l'encontre de l'Etat membre destinataire de la décision, mais pas à l'encontre d'un autre justiciable.

 

Les recommandations et les avis

Les recommandations et avis sont des actes non contraignants, qui ne produisent pas d'effets juridiques.

Les avis sont utilisés par les institutions de l'UE pour exprimer une opinion. Ils sont généralement sollicités par un tiers. Par exemple, lorsqu’un pays introduit une demande d’adhésion à l’UE en vertu de l’article 49 TUE, le Conseil de l’UE invite la Commission à présenter son avis sur cette demande. De même, l'article 127 TFUE prévoit que "la Banque centrale européenne peut, dans les domaines relevant de sa compétence, soumettre des avis aux institutions, organes ou organismes de l'Union appropriés ou aux autorités nationales"

Les recommandations constituent une incitation pour les États membres à adopter un certain comportement. Elles sont émises par la Commission européenne ou le Conseil de l’UE. Par exemple, la Commission peut recommander des mesures à un État membre qui connaît des difficultés dans sa balance des paiements (article 143 TFUE).

 

Les actes non prévus par l'article 288 TFUE

La pratique des institutions de l'UE les a conduit à développer différents types d’actes non prévus dans les traités. En effet, les institutions ont ressenti le besoin d'utiliser des modes d'expression et d'action supplémentaires par rapport à ce qui était prévu par l'article 288 TFUE.

Ainsi, le Conseil peut adopter des « déclarations », « résolutions », « conclusions » ou « programmes de travail ». En règle générale, ces actes ont essentiellement une valeur politique ; ils expriment la position du Conseil sur un problème donné. Mais la Cour de justice a affirmé qu'un tel acte, s'il révèle l'intention de produire des effets juridiques, de « se lier », doit être considéré comme étant contraignant pour le Conseil et les Etats membres (CJCE, 31 mars 1971, AETR).

La Commission européenne produit elle aussi de nombreux actes non prévus par les traités : « mesures provisoires », « lignes directrices », « communications » qui précisent sa position sur une problématique donnée, etc.


Le régime juridique du droit dérivé

Les institutions de l’UE sont libres de choisir le type d’acte qui leur semble le plus pertinent pour mettre en œuvre leur politique.

Les règlements, les directives qui sont adressées à tous les États membres, ainsi que les décisions, lorsqu'elles ne désignent pas de destinataire, sont publiés au Journal officiel de l'UE. Ils entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le vingtième jour suivant leur publication. 

Les directives qui ne s'adressent pas à tous les États membres, ainsi que les décisions qui désignent un ou plusieurs destinataires, sont notifiées à leur(s) destinataire(s) et prennent effet par cette notification.

Par ailleurs, le recours en annulation permet de demander à la Cour de justice de l’UE l’annulation totale ou partielle d’un acte de droit dérivé au motif de son illégalité, dans les deux mois à compter de la publication de l'acte ou de sa notification au requérant (article 263 TFUE). Cette illégalité peut prendre la forme d’une incompétence, de la violation des formes substantielles de l’acte, d’une violation au fond des traités, d’un détournement de pouvoir, etc.

Le recours en annulation peut être intenté par le Conseil de l'UE, la Commission européenne, le Parlement européen ou bien des personnes physiques ou morales qui démontrent un intérêt direct et individuel à agir. 

Il concerne les règlements, les directives, les décisions et plus généralement « toutes dispositions adoptées par les institutions, quelle qu'en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires » (CJCE, 31 mars 1971, AETR). Les recommandations et les avis sont exclus du recours en annulation.


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