Le principe de coopération loyale en droit de l’Union européenne

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

Principe de coopération loyale

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Le principe de coopération loyale : définition

Le principe de coopération loyale figure dans les traités puisqu’il est énoncé à l’article 4 § 3 du traité sur l’Union européenne (TUE) :

« En vertu du principe de coopération loyale, l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités.

Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union.

Les États membres facilitent l’accomplissement par l’Union de sa mission et s’abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union. »

Si la formule « en vertu du principe de coopération loyale » ne figure que dans le premier alinéa de l’article 4 § 3 TUE, il faut raisonnablement considérer qu’elle concerne bien chaque alinéa dudit article.

Dès lors, trois volets du principe de coopération loyale ressortent de cet article 4 § 3 TUE.

D’abord, l’article 4 § 3 TUE impose en son premier alinéa une obligation générale de respect et d’assistance mutuelle entre l’Union et les Etats membres, mais également entre les Etats membres entre eux.

Ensuite, l’article 4 § 3 TUE impose aux Etats membres une obligation d’action, qui les oblige à prendre toutes les mesures nécessaires pour exécuter leurs obligations au titre du droit de l’Union et à faciliter l’accomplissement de la mission de l’Union (ce qui revient à faciliter la mise en œuvre du droit de l’Union). Cette obligation d’action se trouve au deuxième alinéa (« Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union. ») et au troisième alinéa (« Les États membres facilitent l’accomplissement par l’Union de sa mission ») de l’article 4 § 3 TUE.

Enfin, le troisième alinéa de l’article 4 § 3 TUE fait peser sur les Etats membres une obligation d’abstention, les Etats devant s’abstenir « de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union ». Cela signifie que les Etats doivent s’abstenir de prendre des mesures qui entraveraient la mise en œuvre du droit de l’Union.

 

La double obligation de coopération loyale des Etats membres

 

En application de l’article 4 § 3 TUE, les Etats membres sont soumis à une double obligation de coopération loyale :

  • une obligation d’action / positive
  • une obligation d’abstention / négative

 

L’obligation d’action

L’obligation d’action (ou obligation positive de coopération loyale) qui pèse sur les Etats membres leur impose de prendre toutes les mesures nécessaires pour exécuter leurs obligations et de faciliter l’accomplissement de la mission de l’Union. Dit autrement, l’obligation positive de coopération loyale oblige les Etats membres à « prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit communautaire » (CJCE, 26 nov. 2002, First et Franex).

En conséquence, les États membres ont l’obligation de tout faire pour assurer l’effet utile d’un acte pris par les institutions de l’Union, comme par exemple un règlement (CJCE, 17 déc. 1970, Scheer). Ils ont également une obligation de transposition des directives. Cette transposition doit être intégrale et loyale.

Par ailleurs, l’obligation positive de coopération loyale emporte une obligation de collaborer avec la Commission européenne dans le cadre des procédures qui visent à contrôler et assurer le respect du droit de l’Union par les Etats membres. A ce titre, les Etats sont tenus d’un certain nombre d’obligations secondaires :

  • une obligation d’information de la Commission (CJCE, 19 févr. 1991, Commission c/ Belgique ; CJCE, 6 mars 2003, Commission c/ Luxembourg ; CJCE, 30 mai 2006, Commission c/ Irlande)
  • une obligation de répondre aux questions posées par la Commission (CJCE, 13 déc. 1991, Commission c/ Italie)
  • une obligation de communiquer à la Commission toute mesure nationale permettant d’assurer l’exécution du droit de l’Union (par exemple les dispositions nationales adoptées pour la transposition des directives)
  • une obligation de communiquer à la Commission toute mesure nationale qui dérogerait aux mesures d’harmonisation des législations nationales adoptées par les institutions de l’Union

 

L’obligation d’abstention

L’obligation négative de coopération loyale (ou obligation d’abstention) impose aux Etats membres de s’abstenir de prendre des mesures qui pourraient mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union. Par exemple, les Etats doivent, avant le terme du délai de transposition, s’abstenir de prendre « des dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par [une] directive » (CJCE, 18 déc. 1997, Inter Wallonie environnement).

En outre, puisque les Etats membres doivent s’abstenir de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union, ils doivent également sanctionner sur leur territoire toute violation du droit de l’Union.

Enfin, l’obligation de ne pas mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union constitue le fondement du principe de primauté du droit de l’Union. En effet, l’arrêt Costa contre Enel, qui a reconnu le principe de primauté, souligne que « la force exécutive du droit communautaire ne saurait […] varier d’un État à l’autre à la faveur des législations internes ultérieures, sans mettre en péril la réalisation des buts du traité ». Dès lors, l’obligation négative de coopération loyale impose aux Etats membres de faire primer le droit de l’Union sur leur droit national. Les administrations et les juridictions nationales doivent ainsi :

  • écarter l’application d’une disposition nationale incompatible avec le droit de l’Union européenne
  • tirer toutes les conséquences de l’incompatibilité d’une loi nationale avec les objectifs d’une directive en s’interdisant d’en prendre des décrets d’application ou d’en faire application lorsqu’il n’est pas possible de donner à la loi une interprétation conforme à la directive

 

L’extension du principe de coopération loyale aux rapports entre institutions de l’Union

Comme on l’a vu précédemment, l’article 4 § 3 TUE, fondement juridique du principe de coopération loyale, se limite aux seuls rapports entre les États membres et entre les États membres et l’Union européenne. Pourtant, le principe de coopération loyale s’applique également aux relations entre les institutions de l’Union.

C’est la Cour de justice de l’Union européenne qui est à l’origine de cette extension du champ d’application du principe de coopération loyale aux rapports entre institutions. Dans différents arrêts, la Cour de justice a considéré que les institutions de l’Union (Conseil de l’Union européenne, Parlement européen et Commission européenne) sont tenues entre elles d’une obligation de coopération loyale (CJCE, 10 févr. 1983, Luxembourg c/ PE ; CJCE, 28 févr. 1991, Demilitis ; CJCE, 14 juill. 1993, Comm. c/ Royaume-Uni).

A ce titre, l’exemple des avis consultatifs du Parlement européen dans le cadre de la procédure législative est particulièrement parlant. On sait en effet que la procédure de consultation permet au Conseil d’adopter des actes sur simple consultation du Parlement qui peut approuver, rejeter ou proposer des amendements. Même si l’avis qu’il rend n’est pas contraignant, la consultation du Parlement est obligatoire. S’est donc posée la question de savoir ce que pouvait faire le Conseil en cas de silence gardé par le Parlement : le Conseil était-il en droit d’adopter l’acte sans attendre l’avis du Parlement ? La Cour de justice a répondu par l’affirmative à cette question. Considérant que le Parlement était tenu d’une obligation de coopération loyale vis-à-vis du Conseil, elle a autorisé ce dernier à adopter l’acte lorsque le Parlement retarde sans raison particulière le processus décisionnel (CJCE, 30 mars 1995, Parlement européen c/ Cons.).

Aujourd’hui, l’obligation de coopération loyale entre institutions de l’Union est consacrée par le traité de Lisbonne, mais dissociée de la coopération loyale classique puisqu’elle figure à l’article 13 § 2 TUE, selon lequel « les institutions pratiquent entre elles une coopération loyale ».

En vertu de cette obligation de coopération loyale, les institutions de l’Union doivent faire preuve de loyauté dans leurs relations réciproques. Ainsi, s’il appartient bien à la Commission de représenter l’Union devant certaines instances internationales, il reste qu’en vertu du principe de coopération loyale elle se doit non seulement de faire connaître au Conseil les positions qu’elle se propose de défendre mais aussi de le consulter (CJUE, 6 oct. 2015, Cons. c/ Comm.). De même, la Commission, qui possède l’initiative législative, est en droit de retirer ses propositions sans remettre en cause la coopération loyale qu’elle doit au Parlement européen et au Conseil, dès lors qu’elle a clairement indiqué qu’au-delà d’un certain seuil de modification de son texte, elle n’accepterait plus d’en assurer la paternité (CJUE, 14 avr. 2015, Cons. c/ Comm.).

 

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