L’arrêt Bertrand du 19 février 1997

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

arrêt bertrand

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L’arrêt Bertrand (Cass. Civ. 2ème, 19 février 1997, n° 94-21.111) est l’un des arrêts majeurs rendus en matière de responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur.

On sait que depuis l’arrêt Fullenwarth du 9 mai 1984, la responsabilité des parents du fait de leur enfant ne suppose plus l’existence d’une faute de ce dernier. Il suffit en effet d’un fait de l’enfant à l’origine du dommage pour que les parents puissent voir leur responsabilité engagée.

Les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité des parents du fait de l’enfant ont donc été assouplies, rendant ce régime de responsabilité plus sévère à l’égard des parents.

Mais traditionnellement, les parents bénéficiaient d’un certain nombre de causes d’exonération pour s’exonérer de leur responsabilité. Il était en effet possible de s’exonérer en rapportant la preuve :

  • d’un cas de force majeure
  • de la faute de la victime
  • de leur absence de faute dans la surveillance ou l’éducation de l’enfant

L’arrêt Bertrand a mis un terme à cette dernière cause d’exonération en affirmant que seule la force majeure ou la faute de la victime peuvent exonérer les parents de leur responsabilité du fait dommageable de leur enfant.

 

Les faits de l’arrêt Bertrand

Le 24 mai 1989, une collision survient entre la bicyclette conduite par un jeune garçon âgé de 12 ans, Sébastien, et la mobylette conduite par M. Domingues. Ce dernier sort blessé de l’accident.

M. Domingues décide alors d’assigner en réparation de son préjudice le père de Sébastien, Jean-Claude, en sa qualité de civilement responsable de son fils.

 

La procédure et les prétentions des parties

Après une décision de première instance, la Cour d’appel de Bordeaux est saisie de l’affaire. Le 4 octobre 1994, elle rend un arrêt dans lequel elle retient la responsabilité de Jean-Claude.

Elle énonce que seule la force majeure ou la faute de la victime pouvaient exonérer Jean-Claude de la responsabilité de plein droit encourue du fait des dommages causés par son fils mineur habitant avec lui. Dès lors, en l’absence de force majeure ou de faute de la victime, Jean-Claude doit être déclaré responsable des dommages causés par Sébastien.

On remarque ainsi que la Cour d’appel ne prend pas la peine de vérifier si Jean-Claude avait commis ou non une faute dans la surveillance ou l’éducation de Sébastien. Ce faisant, la Cour d’appel ne retient pas l’absence de faute de surveillance ou d’éducation comme une possible cause d’exonération de la responsabilité des parents du fait de leur enfant.

Mécontent de cette décision, Jean-Claude décide de se pourvoir en cassation. Il soutient que « la présomption de responsabilité des parents d’un enfant mineur prévue à l’article 1384, alinéa 4, du Code civil, peut être écartée non seulement en cas de force majeure ou de faute de la victime mais encore lorsque les parents rapportent la preuve de n’avoir pas commis de faute dans la surveillance ou l’éducation de l’enfant ». Dès lors, puisqu’il n’a commis aucune faute dans la surveillance ou l’éducation de Sébastien, Jean-Claude considère qu’il ne peut pas être déclaré responsable.

La Cour de cassation devait donc répondre à la question suivante : les parents peuvent-ils s’exonérer du fait dommageable de leur enfant en rapportant la preuve d’une absence de faute de surveillance ou d’éducation ? Autrement dit, l’absence de faute de surveillance ou d’éducation est-elle une cause d’exonération de la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur ?

 

La solution retenue dans l’arrêt Bertrand

Dans son arrêt Bertrand, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par Jean-Claude. Elle affirme que les parents ne peuvent être exonérés du fait dommageable de leur enfant qu’en cas de force majeure ou de faute de la victime.

Ainsi, Jean-Claude ne peut pas s’exonérer par la preuve d’une absence de faute dans la surveillance ou l’éducation de Sébastien. En l’absence de force majeure ou de faute de la victime, il doit être considéré comme responsable du dommage subi par M. Domingues.

L’arrêt Bertrand vient donc modifier les causes d’exonération possibles en matière de responsabilité des parents du fait de leur enfant. Alors qu’il était auparavant possible de s’exonérer en rapportant la preuve d’une absence de faute d’éducation ou de surveillance, ce n’est plus le cas aujourd’hui. La responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur devient donc une responsabilité de plein droit qui impose à tous parents titulaires de l’autorité parentale de réparer les dommages causés par leur enfant.

L’arrêt Bertrand constitue aujourd’hui le droit positif. Il a d’ailleurs été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 17 mai 2011 (Cass. Civ. 2ème, 17 février 2011, n° 10-30.439).

Il doit être analysé en parallèle de l’arrêt Fullenwarth du 9 mai 1984 et de l’arrêt Levert du 10 mai 2001, qui ont tous deux affirmé que la responsabilité des parents du fait de l’enfant n’est pas subordonnée à une faute de l’enfant, mais à un simple fait causal de ce dernier. En supprimant la cause d’exonération fondée sur l’absence de faute des parents, l’arrêt Bertrand est venu durcir un peu plus le régime de responsabilité des parents du fait de leur enfant, qui devient complètement détaché de la notion de faute.

 

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