La responsabilité pénale des personnes morales

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

responsabilité pénale des personnes morales

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La possibilité d’engager la responsabilité pénale des personnes morales figure à l’article 121-2 du Code pénal.

Selon cet article, les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants (article 121-2 alinéa 1 du Code pénal).

Nous verrons ci-dessous :

  • quelles sont les personnes morales susceptibles d’être pénalement responsables et quelles sont les infractions susceptibles de leur être reprochées ;
  • quelles sont les deux conditions de la responsabilité pénale des personnes morales ; et
  • quelles sont les conséquences de la responsabilité pénale des personnes morales.

 

Le domaine de la responsabilité pénale des personnes morales

 

Il faut d’abord préciser que la responsabilité pénale d’une personne morale ne peut être engagée que si la personne poursuivie est bien dotée de la personnalité morale.

A ce titre, l’article 121-2 du Code pénal vise les « personnes morales », et non les groupements.

Ainsi, ne peuvent pas voir leur responsabilité pénale engagée :

  • les sociétés en participation
  • les sociétés créées de fait
  • les groupes de sociétés (bien entendu, il est possible d’engager la responsabilité pénale d’une société au sein de ce groupe de sociétés)

Ceci étant dit, il faut comprendre que la catégorie des personnes morales pénalement responsables est très large.

 

Les personnes morales susceptibles d’être pénalement responsables

A l’exception de l’Etat, toutes les personnes morales, de droit privé (exemples : sociétés, associations, fondations, syndicats, groupements d’intérêt économique…) comme de droit public (exemples : collectivités locales, établissements publics), peuvent être pénalement responsables.

Toutefois, comme on l’a dit, l’Etat ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée. L’article 121-2 du Code pénal le dit très clairement : « les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement ».

Cela s’explique par le principe de souveraineté de l’Etat et le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.

Les autres personnes morales de droit public, comme les collectivités locales et les établissements publics, peuvent engager leur responsabilité pénale.

Mais les collectivités locales et leurs groupements ne peuvent engager leur responsabilité pénale que pour les infractions commises dans l’exercice des activités susceptibles de faire l’objet d’une délégation de service public. Ces activités sont les activités pouvant être concédées, comme par exemple les transports en commun, la distribution d’eau, les cantines scolaires, ou encore le ramassage des ordures ménagères. A l’inverse, les activités ne pouvant pas être concédées, généralement caractérisées par des prérogatives de puissance publique, comme l’enseignement public par exemple, ne permettent pas d’engager la responsabilité pénale des collectivités locales et de leurs groupements.

Quoi qu’il en soit, le juge pénal n’est pas compétent pour réparer les conséquences dommageables d’une faute engageant la responsabilité d’une personne morale de droit public à l’occasion de la gestion d’un service public administratif (Cass. crim., 24 octobre 2017, n° 16-85.975).

 

Les infractions susceptibles d’être reprochées aux personnes morales

Auparavant, les personnes morales ne pouvaient engager leur responsabilité pénale que pour certaines infractions prévues par la loi ou le règlement. C’est ce qu’on appelait le principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales.

Mais depuis la loi Perben II du 9 mars 2004, la responsabilité pénale des personnes morales est générale ; les personnes morales peuvent être pénalement responsables de toute infraction.

Aujourd’hui, il n’est donc plus nécessaire de rechercher un texte spécifique pour engager la responsabilité pénale d’une personne morale.

Inversement, il existe des cas prévus par la loi où la responsabilité pénale des personnes morales est exclue. Exemple : les infractions de presse (Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 16-84.859).

 

Les conditions de la responsabilité pénale des personnes morales

 

La responsabilité pénale d’une personne morale peut être engagée à une double condition :

  • l’infraction doit avoir été commise par un organe ou un représentant de la personne morale
  • l’infraction doit avoir été commise pour le compte de la personne morale

Il n’est en effet pas exigé que la personne morale commette elle-même l’infraction. Cela se comprend facilement ; une personne morale n’est pas faite de chair et d’os, et ne peut donc pas directement commettre l’infraction.

C’est pourquoi la Cour de cassation a cassé à de nombreuses reprises des décisions des juges du fond qui avaient retenu que la personne morale avait elle-même commis les éléments constitutifs de l’infraction (Cass. crim., 18 janvier 2000, n° 99-80.318 ; Cass. crim., 1er avril 2008, n° 07-84.839).

 

Une infraction commise par un organe ou un représentant de la personne morale

Un organe est une personne à qui la loi ou les statuts confèrent les pouvoirs d’administration ou de direction de la personne morale (exemples : le membre du conseil d’administration d’une société anonyme, le maire d’une commune…).

Un représentant est une personne à qui la loi confère le pouvoir de représentation de la personne morale (exemples : un administrateur judiciaire, un liquidateur…) ou qui bénéficie d’une délégation de pouvoirs de la part de la personne morale (Cass. crim., 25 mars 2014, n° 13-80.376).

Ainsi, pour engager la responsabilité pénale de la personne morale, l’infraction doit avoir été commise par une personne physique chargée d’administrer, de diriger ou de représenter la personne morale.

Il n’est pas nécessaire d’établir une faute propre à la personne morale et distincte de celle commise par l’organe ou le représentant (Cass. crim., 26 juin 2001, n° 00-83.466 ; Cass. crim., 23 février 2010, n° 09-81.819) ; la commission de l’infraction par l’organe ou le représentant engage la responsabilité de la personne morale. Quelque part, la personne morale est personnellement responsable du fait d’autrui.

En outre, en vertu du principe de responsabilité personnelle, la responsabilité pénale de la personne morale ne nécessite pas qu’ait été préalablement engagée la responsabilité pénale de l’organe ou du représentant. La personne morale commet elle-même l’infraction, par l’intermédiaire de son organe ou représentant.

Toutefois, une question subsiste : faut-il que l’organe ou le représentant ayant commis la faute soit identifié ? La jurisprudence n’a pas réellement tranché cette question. Certains arrêts ont considéré que la responsabilité pénale de la personne morale peut être engagée sans qu’il soit besoin d’identifier l’organe ou le représentant ayant commis la faute dès lors que « l’infraction ne peut avoir été commise que par un organe ou un représentant » (Cass. crim., 20 juin 2006, n° 05-85.255 ; Cass. crim., 25 juin 2008, n° 07-80.261). Mais d’autres arrêts affirment que la responsabilité pénale d’une personne morale ne peut être engagée que si l’organe ou le représentant est identifié (Cass. crim., 11 avril 2012, n° 10-86.974 ; Cass. crim., 16 avril 2019, n° 18-84.073).

 

Une infraction commise pour le compte de la personne morale

L’organe ou le représentant doit avoir agi pour le compte de la personne morale.

Ainsi, la personne morale ne verra pas sa responsabilité pénale engagée si l’organe ou le représentant a agi dans son intérêt personnel.

Mais la notion d’infraction commise pour le compte de la personne morale est entendue de manière large. Ainsi, la Cour de cassation a affirmé que les infractions qui ont favorisé la marque commerciale d’une société ont nécessairement été commises pour son compte (Cass. crim., 5 avril 2018, n° 15-86.574).

On peut considérer qu’une infraction est commise pour le compte de la personne morale si elle est commise dans le cadre d’une opération qui est dans son intérêt ou qui lui est profitable.

 

Les conséquences de la responsabilité pénale des personnes morales

 

Les peines encourues par les personnes morales

L’amende

Comme les personnes physiques, les personnes morales peuvent être condamnées à payer une amende.

Le montant de l’amende applicable aux personnes morales est cinq fois supérieur à celui prévu par la loi pour les personnes physiques.

En présence d’un crime pour lequel aucune peine d’amende n’est prévue à l’encontre des personnes physiques, l’amende encourue par les personnes morales est de 1 000 000 euros (article 131-38 du Code pénal). Exemples : les crimes contre l’humanité, le meurtre et le meurtre aggravé, le viol, etc…

Les peines spécifiques

Les autres peines que peuvent encourir les personnes morales ne sont encourues que si la loi le prévoit expressément. Exemples : la dissolution, le placement sous surveillance judiciaire, la fermeture définitive ou temporaire de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise… (article 131-39 du Code pénal).

 

Le possible cumul de responsabilités

Selon l’article 121-2 alinéa 3 du Code pénal, « la responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits ».

Autrement dit, les deux responsabilités ne sont pas exclusives l’une de l’autre ; elles peuvent se cumuler (la personne morale et son organe ou représentant sont tous deux condamnés) ou au contraire ne pas se cumuler (la personne morale ou son organe ou représentant est condamné(e)).

Ainsi, une même infraction peut permettre d’engager la responsabilité pénale à la fois de l’organe ou du représentant et de la personne morale pour le compte de laquelle l’infraction a été commise.

Le fait que l’organe ou le représentant ait commis l’infraction en cette qualité et pour le compte de la personne morale ne lui permet pas d’échapper à sa responsabilité pénale ; celui qui a commis la faute est en effet personnellement responsable, même lorsqu’il agit comme organe ou représentant d’une personne morale (Cass. crim., 6 décembre 2016, n° 15-85.152).

 

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