La théorie du patrimoine d’Aubry et Rau

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

théorie du patrimoine


La notion de patrimoine : définition

Avant d'étudier plus en détails la théorie du patrimoine, il importe de bien définir la notion de patrimoine.

Dans le langage courant, le patrimoine désigne l'ensemble des biens qui appartiennent à une personne. On parle par exemple de patrimoine immobilier.

Mais en droit, la notion de patrimoine revêt un sens différent. En droit, le patrimoine est l’ensemble des rapports de droit susceptibles d’être évalués en argent et dans lesquels une personne est engagée soit positivement (exemple : une créance) soit négativement (exemple : une dette).

Ainsi, en droit, le patrimoine ne désigne pas uniquement des biens ou des droits ; il comprend également des dettes. On parle d'actif et de passif. Le passif peut d'ailleurs être plus important que l'actif ; le patrimoine ne cessera pas d'exister pour autant.

Cette notion de patrimoine permet de distinguer les droits subjectifs. En effet, au sein des droits subjectifs, on distingue les droits patrimoniaux et les droits extrapatrimoniaux. C’est donc la notion de patrimoine qui est au cœur de cette distinction.

A noter : Vous pouvez cliquer ici pour lire un article complet sur les droits patrimoniaux et les droits extrapatrimoniaux.

La notion de patrimoine a été particulièrement analysée par deux auteurs, Aubry et Rau, qui sont à l'origine de la théorie du patrimoine.

 

La théorie du patrimoine

Selon la théorie du patrimoine de Aubry et Rau, le patrimoine est :

  • une universalité de droit
  • une émanation de la personnalité

Le patrimoine comme universalité de droit

Le patrimoine est un ensemble de droits et d’obligations rattachés à une personne. Le patrimoine comprend un actif (les biens ou droits, autrement dit l’ensemble des rapports de droit qui ont une valeur économique positive pour la personne) et un passif (les dettes, autrement dit l’ensemble des rapports de droit qui ont une valeur économique négative pour la personne).

Le patrimoine est donc un « tout ». Il rassemble tous les rapports juridiques susceptibles d'être évalués en argent dans lesquels une personne peut être engagée.

En ce qu'il constitue un ensemble de droits et de dettes, le patrimoine est donc une universalité de droit, et non une universalité de fait. En effet, une universalité de droit est précisément un ensemble de droits et d'obligations, tandis qu'une universalité de fait ne comprend pas de dettes. Une universalité de fait ne comprend que des droits ou des choses ; il n'y a pas de passif correspondant. Exemple : le fonds de commerce.

Le fait que le patrimoine soit une universalité de droit emporte des conséquences. Ainsi, l’actif répond du passif, c’est-à-dire que les biens ou droits viennent compenser les dettes.

Cette idée est consacrée par l'article 2284 du Code civil qui dispose que « quiconque s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers présents et à venir ».

Le patrimoine comme émanation de la personnalité

Selon la théorie du patrimoine, en plus d'être une universalité de droit, le patrimoine est également et surtout une émanation de la personnalité. Ainsi :

  • Toute personne a un patrimoine. Même si le patrimoine de la personne est vide, ou que le passif est supérieur à l'actif, le patrimoine existe tout de même.
  • Toute personne n’a qu’un patrimoine. C'est ce que l'on appelle le principe d'unicité du patrimoine. L'unicité du patrimoine signifie qu'il n'est en principe pas possible de diviser, ou de segmenter son patrimoine. Ainsi, une personne ne peut en principe avoir deux patrimoines. On verra toutefois dans la suite de cet article que ce principe est aujourd'hui remis en cause.
  • Tout patrimoine implique qu’une personne en est titulaire. Un patrimoine est en effet forcément lié à une personne. Une chose ne peut pas avoir un patrimoine.
  • Tant que la personnalité juridique demeure, le patrimoine ne peut être transmis. Le patrimoine est effectivement étroitement attaché à la personnalité juridique. C'est pourquoi une personne ne peut, de son vivant, céder ou transmettre son patrimoine.

Si la théorie du patrimoine a permis de mieux déterminer la notion de patrimoine, elle a petit à petit fait l'objet de critiques. Aujourd'hui, d'importantes limites ont été apportées à la théorie du patrimoine.

 

Les limites de la théorie du patrimoine

La théorie classique du patrimoine envisagée par Aubry et Rau est progressivement apparue obsolète, en particulier en ce qui concerne la vie des affaires. Le principe d'unicité du patrimoine obligerait en effet la personne qui se lance dans les affaires à répondre de ses éventuelles dettes professionnelles sur son patrimoine personnel, ce qui constitue un frein.

C'est pourquoi il est apparu essentiel d'apporter des limites à ce principe d'unicité du patrimoine.

D'abord, il est possible de créer une personne morale, qui aura donc un patrimoine distinct. Seul l’actif de la personne morale répondra de son passif. Dès lors, en cas de faillite, la personne physique qui a créé la personne morale ne sera pas tenue de payer les dettes de la personne morale sur ses biens personnels. Exemples : une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU).

La création d'une personne morale n'est toutefois pas réellement en contradiction avec la théorie du patrimoine. En effet, il y a création d'une nouvelle personne, avec son propre patrimoine. Au final, il y a donc deux personnes (la personne physique et la personne morale), qui ont chacune un patrimoine. Ici, le principe de l'unicité du patrimoine est donc respecté.

La théorie du patrimoine avait davantage été entamée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ». Cette loi avait en effet, entre autres, consacré l'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale de l'entrepreneur individuel à l'égard de ses créanciers professionnels. Ainsi, la résidence principale de l'entrepreneur échappait au paiement des éventuelles dettes professionnelles. L'entrepreneur n'avait toujours qu'un patrimoine, mais ce dernier faisait l'objet d'une division. Il s'agissait donc d'un assouplissement du principe d'unicité du patrimoine.

Mais la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante est allée encore plus loin en créant le statut unique d’entrepreneur individuel qui s’applique à toute personne physique qui exerce en son nom propre une activité professionnelle indépendante. En application de ce statut, tout entrepreneur individuel est automatiquement doté de deux patrimoines : un patrimoine professionnel, composé de tous les éléments utiles à son activité professionnelle, et un patrimoine personnel, composé des autres éléments. Ses créanciers professionnels ont en principe pour seul gage son patrimoine professionnel et ses créanciers personnels son patrimoine personnel. Ainsi, la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 rend le patrimoine personnel par défaut insaisissable par les créanciers professionnels, alors qu'auparavant seule la résidence principale était protégée.

La théorie du patrimoine est ici bien entamée car une même personne se trouve à la tête de deux patrimoines. Il s'agit de la plus importante limite à la théorie du patrimoine et d'une rupture franche avec le principe d'unicité du patrimoine.


La théorie du patrimoine en vidéo

Partager :

Articles similaires :

Je m’appelle Maxime Bizeau, et je suis avocat de formation, diplômé de l’école d’avocats du Barreau de Paris.

Après mon bac, je me suis lancé dans l’aventure de la licence de droit.

Mais très vite, je me suis senti submergé par la charge de travail. Des centaines et des centaines de pages à apprendre, sans savoir sur quoi se focaliser, sans savoir ce qui était réellement important et ce qui ne l'était pas.

Mes résultats étaient irréguliers, et pas à la hauteur de mes espérances.

J’ai donc décidé de changer ma méthode de travail. Plutôt que d'essayer de tout retenir, j'ai commencé à ficher mes cours régulièrement, et à relire ensuite mes fiches avant les examens.

Rapidement, mes résultats se sont considérablement améliorés.

J’ai finalement validé ma licence avec mention (13,32 de moyenne) et mon master 1 en droit des affaires avec 15 de moyenne.

Ces bons résultats m’ont ouvert les portes du prestigieux Master 2 Droit financier de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et des plus grands cabinets d’avocats d’affaires internationaux.

J’ai ainsi pu travailler dans des cabinets anglo-saxons très réputés à Paris, avec des gens brillants, sur des dossiers passionnants, et dans des conditions optimales.

A travers ce site, je souhaite aider un maximum d’étudiants en droit à atteindre leurs objectifs.

{"email":"Email address invalid","url":"Website address invalid","required":"Required field missing"}
>