La lésion en droit des obligations

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

lésion

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Qu’est-ce que la lésion en droit des obligations ?

En droit des obligations, la lésion désigne le déséquilibre contractuel au moment de la formation du contrat.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Très simplement, cela signifie que les obligations contractuelles sont déséquilibrées ; un des deux contractants reçoit plus que ce qu’il ne donne.

Par exemple, admettons que vous vendiez votre smartphone flambant neuf à un camarade de promo. Vous lui vendez pour 100 euros alors qu’il est en parfait état. A ce moment-là, le contrat est déséquilibré ; votre camarade de promo reçoit un objet d’une valeur largement supérieure à 100 euros, et vous ne recevez que 100 euros en contrepartie de votre smartphone. Il y a donc lésion.

La notion de lésion doit être distinguée de la notion d’imprévision, qui désigne le déséquilibre contractuel survenant au cours de l’exécution du contrat. A l’inverse, la lésion désigne le déséquilibre survenant au stade de la formation du contrat.

 

Le champ d’application de la lésion

Il ne peut y avoir lésion que dans les contrats synallagmatiques.

Pour rappel, un contrat synallagmatique est un contrat qui crée des obligations réciproques entre les parties (article 1106 du Code civil) ; chaque partie a des obligations envers l’autre.

A l’inverse, un contrat unilatéral ne crée pas d’obligations réciproques entre les parties ; dans un contrat unilatéral, une seule partie a des obligations envers l’autre.

Mais pourquoi la lésion ne concerne-t-elle que les contrats synallagmatiques ?

Tout simplement parce qu’un contrat ne peut être déséquilibré que s’il prévoit des obligations réciproques à la charge des parties. Il faut que chaque partie ait des obligations pour pouvoir déterminer si ces obligations sont équilibrées ou au contraire déséquilibrées. A l’inverse, un contrat dans lequel seule une des parties s’engage ne peut pas être déséquilibré… puisque l’autre partie n’a pas d’obligations !

C’est pour cela que la lésion ne s’applique que dans les contrats synallagmatiques.

A ce titre, l’article 1168 du Code civil dispose que « dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement ». On remarque que cet article fait référence uniquement aux contrats synallagmatiques, à l’exclusion des contrats unilatéraux.

Cependant, il faut noter que cet article 1168 aurait pu être plus précis. En effet, il aurait été préférable de dire que dans les contrats synallagmatiques et non aléatoires, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement.

La lésion ne peut effectivement pas s’appliquer dans le cadre des contrats aléatoires, et donc dans le cadre des contrats synallagmatiques et aléatoires.

Pour rappel, un contrat “est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain“ (article 1108 alinéa 2 du Code civil).

Par exemple, le contrat d’assurance est un contrat aléatoire. Vous pouvez tout à fait payer chaque année votre assurance sans rien recevoir en contrepartie, tout simplement parce qu’il ne vous arrive rien. Mais le jour où il vous arrive quelque chose de grave, la compagnie d’assurances peut être contrainte de payer une grosse somme d’argent, alors même que les frais d’assurance que vous payez sont largement inférieurs.

Ce type de contrats est par nature déséquilibré. C’est pourquoi on considère que les parties ne peuvent pas invoquer un déséquilibre contractuel existant au moment de la formation du contrat, c’est-à-dire une lésion. Comme le dit la célèbre maxime, l’aléa chasse la lésion.

 

Les conséquences de la lésion

 

La lésion peut entraîner la nullité du contrat.

Mais attention ! Ce ne sera pas toujours le cas. Le principe est en effet l’indifférence à la lésion. Ce n’est que dans certains cas que la lésion permet d’invoquer la nullité du contrat.

 

Le principe d’indifférence à la lésion

Selon l’article 1168 du Code civil, qu’on a déjà cité précédemment, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement.

Autrement dit, la lésion n’est en principe pas une cause de nullité du contrat. Elle ne l’est que lorsque la loi en dispose autrement (nous reviendrons sur ce point dans la suite de cet article).

Ainsi, sauf exceptions, il n’est pas possible d’invoquer la nullité du contrat en cas de lésion.

Cela s’explique par l’idéologie libérale qui gouverne le droit des obligations. Le droit des obligations est en effet centré sur l’efficacité économique, et n’a pas vocation à protéger chaque contractant des mauvaises affaires qu’il pourrait faire. A ce titre, il revient à chaque contractant, au moment où il contracte, de s’assurer qu’il ne fait pas une mauvaise affaire.

Iphone 11
Si je vous le vends pour 300 euros, ce sera une mauvaise affaire… mais je ne pourrai m’en prendre qu’à moi-même !

Cela rappelle le principe selon lequel l’erreur sur la valeur de la prestation n’est pas une cause de nullité du contrat (article 1136 du Code civil). En effet, en cas d’erreur sur la valeur de la prestation, le contrat est forcément déséquilibré au moment de sa formation. Pour autant, la nullité ne peut pas être invoquée.

En outre, le principe d’indifférence à la lésion doit être rapproché de l’article 1137 alinéa 3 du Code civil, selon lequel « ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».

En effet, le contractant qui bénéficie de la bonne affaire n’est pas tenu de révéler à son cocontractant la véritable valeur de la prestation ; il n’y a pas d’obligation d’information pesant sur le contractant qui fait une bonne affaire. Ce principe a été dégagé pour la première fois dans l’arrêt Baldus du 3 mai 2000 (Cass. Civ. 1ère, 3 mai 2000, n° 98-11.381).

Et cela peut se comprendre ; puisque le principe est l’indifférence à la lésion, il est logique que le contractant n’ait pas à révéler la valeur réelle de la prestation.

 

Les exceptions au principe d’indifférence à la lésion

Dans plusieurs situations, le principe d’indifférence à la lésion ne joue pas et il est alors possible d’invoquer la nullité du contrat.

On le rappelle : l’article 1168 du Code civil dispose que « dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement« .

Ce sont précisément ces cas prévus par la loi qui permettent d’invoquer la nullité du contrat. Ces cas sont les suivants.

D’abord, la lésion entraîne la nullité du contrat si la contrepartie est illusoire ou dérisoire (article 1169 du Code civil). Ainsi, si je vous vends mon smartphone flambant neuf pour 1 euro, on peut considérer que la contrepartie que je reçois est dérisoire et donc que le contrat est nul.

Ensuite, la lésion est une cause de nullité du contrat en cas de vente d’un immeuble. Plus précisément, le vendeur doit avoir été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix de l’immeuble pour pouvoir demander la nullité de la vente. On parle alors de rescision pour lésion (article 1674 du Code civil).

Cela signifie que si le vendeur reçoit un prix inférieur aux cinq douzièmes de la valeur réelle de l’immeuble, il peut demander en justice l’annulation de la vente.

Admettons par exemple qu’un immeuble ait une valeur réelle de 100.000 euros. Je vous vends cet immeuble pour 40.000 euros. A ce moment-là, je peux demander la rescision de la vente. Il suffit de faire un simple calcul pour comprendre : cinq douzièmes de 100.000 euros équivalent à 41.667 euros. Le prix de vente étant de 40.000 euros, soit une somme inférieure aux cinq douzièmes, je suis en droit d’obtenir la nullité du contrat de vente.

Enfin, la lésion est une cause de nullité du contrat si le contrat est conclu par un mineur (article 1149 du Code civil).

Cette disposition vise à protéger les mineurs, qui peuvent conclure des contrats déséquilibrés sans forcément mesurer les conséquences de leurs actes.

 

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