La police administrative : définition, titulaires et exercice

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

police administrative

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La définition de police administrative

 

La police administrative est une activité de réglementation qui a pour finalité le maintien de l’ordre public, c’est-à-dire de la sécurité, de la salubrité et de la tranquillité publiques.

A noter qu’en matière de police, c’est l’acte administratif unilatéral et non le contrat qui est utilisé ; en principe, la police ne peut pas faire l’objet d’un contrat (CE, Sect., 23 mai 1958, Consorts Amoudruz).

 

La distinction entre police administrative et police judiciaire

Les critère de distinction

La police judiciaire est répressive : elle vise à constater une infraction et à engager des poursuites. Exemple : L’appréhension dans un bar restaurant d’une personne suspectée d’avoir commis des vols à la roulotte sur le parking attenant à l’établissement est une opération de police judiciaire (T. confl., 26 juin 2006, Littmann c/ Commune de Villeneuve-Loubet). A noter que le contentieux de la police judiciaire relève du juge judiciaire.

A l’inverse, la police administrative est préventive : elle vise à prévenir un désordre, en prenant à l’avance des mesures. Exemple : Le placement en cellule de dégrisement d’un individu, trouvé en état d’ivresse sur la voie publique, vise à protéger l’individu et à préserver l’ordre public ; il s’agit donc d’une opération de police administrative (T. confl., 18 juin 2007, Mme Ousset). A noter que le contentieux de la police administrative relève du juge administratif.

La mise en œuvre de la distinction

La distinction est a priori simple. Mais elle peut se compliquer dans sa mise en œuvre, en particulier lorsque plusieurs opérations se succèdent (une opération de police administrative puis une opération de police judiciaire). Dans un tel cas, il peut être difficile de déterminer à quel moment précis on passe de l’une à l’autre. Il faut donc parfois identifier l’opération de police déterminante dans la réalisation d’un préjudice.

Par exemple, dans une affaire, des policiers étaient chargés d’escorter un convoyeur de fonds (opération de police administrative). Le convoyeur est attaqué et dévalisé. Les policiers se lancent alors à la poursuite des agresseurs afin de les appréhender (opération de police judiciaire). Le juge retient la compétence du juge administratif, au motif que le préjudice trouve essentiellement son origine dans les conditions dans lesquelles a été organisée et conçue la mission de protection (police administrative) (T. confl., 12 juin 1978, Société Le Profil).

 

Les finalités de la police administrative

Certaines composantes de la police administrative sont classiques, tandis que d’autres peuvent être qualifiées de nouvelles.

Les composantes classiques

Comme expliqué précédemment, la police administrative a pour but l’ordre public, c’est-à-dire la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques (article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales).

Les composantes nouvelles

D’abord, le respect de la moralité peut être considérée comme une finalité de la police administrative. En effet, le respect de la moralité peut justifier une mesure de police, en présence de circonstances locales particulières.

Par exemple, la projection d’un film au contenu immoral peut être interdite en présence de circonstances locales particulières laissant présager des risques de troubles à l’ordre public (CE, 18 décembre 1959, Société Les Films Lutetia). En l’espèce, la projection du film avait été interdite à Nice. Dans cette ville, l’irrespect de la moralité publique entraîné par le film était en effet plus important du fait de circonstances locales particulières.

Ensuite, le respect de la dignité de la personne humaine peut également être considérée comme une finalité de la police administrative.

Ainsi, même en l’absence de circonstances locales particulières, le titulaire du pouvoir de police administrative peut interdire une activité qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine (en l’espèce, un lancer de nain) (CE, Ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge).

 

Les titulaires du pouvoir de police administrative

 

D’abord, il faut distinguer entre la police administrative générale et la police administrative spéciale :

  • la police administrative générale a un large champ d’application ; son but est de préserver l’ordre public, pour un large panel d’activités.
  • la police administrative spéciale a un champ d’application plus restreint ; elle ne s’applique que pour une activité spécifique ou pour certains administrés. On peut citer comme exemples la police de la chasse, la police des prix, la police de la concurrence, la police des étrangers, etc… A noter que les polices administratives spéciales sont instituées par des textes spécifiques. L’idée est de modifier les conditions de l’intervention des autorités publiques dans les domaines où la police générale ne semble pas pouvoir assurer par elle-même le maintien de l’ordre public.

Selon le type de police administrative, les titulaires du pouvoir de police ne seront pas les mêmes.

 

Les titulaires du pouvoir de police administrative générale

Au niveau national

C’est le Premier ministre qui est titulaire du pouvoir de police administrative générale sur l’ensemble du territoire (CE, 2 mai 1973, Association culturelle des Israélites nord-africains de Paris ; CE, 14 octobre 2015, Association Automobile-club des avocats).

Au niveau local

Il faut distinguer au niveau du département et au niveau de la commune.

Au niveau du département, c’est le préfet qui est titulaire du pouvoir de police administrative générale.

Au niveau de la commune, c’est le maire qui est titulaire du pouvoir de police administrative générale. Il faut toutefois noter que le préfet dispose d’un pouvoir de substitution si le maire n’a pas agi ou a pris des mesures insuffisantes.

 

Les titulaires du pouvoir de police administrative spéciale

Les autorités titulaires du pouvoir de police administrative spéciale peuvent être :

  • des autorités déjà titulaires du pouvoir de police administrative générale. Exemples : le Premier ministre, le préfet (chasse, pêche, etc…), le maire (délivrance des permis de construire).
  • ou d’autres autorités. Exemples : le ministre de la Culture est en charge de la police du cinéma, le ministre de l’Intérieur est en charge de la police des étrangers…

 

La concurrence entre les titulaires du pouvoir de police administrative

Il peut y avoir concurrence entre :

  • les titulaires du pouvoir de police administrative générale
  • les titulaires du pouvoir de police administrative générale et les titulaires du pouvoir de police administrative spéciale

La concurrence entre les titulaires du pouvoir de police administrative générale

Plusieurs autorités administratives peuvent prendre des mesures sur le même territoire et dans le même domaine.

Dans ce cas, le principe est qu’une autorité inférieure ne peut pas prendre une mesure moins contraignante que celle prise par l’autorité supérieure ; elle peut en revanche prendre une mesure plus contraignante (CE, 18 avril 1902, Maire de Néris-les-Bains).

Par exemple, admettons qu’en agglomération, le Premier ministre limite la vitesse des véhicules à 50 km/h. Dans ce cas, un maire peut tout à fait, sur le territoire de sa commune, abaisser cette vitesse maximale à 30 km/h (par exemple).

La concurrence entre les titulaires du pouvoir de police administrative générale et les titulaires du pouvoir de police administrative spéciale

En principe, police générale et police spéciale ne s’excluent pas ; elles ont chacune des objectifs différents.

Mais si les deux autorités de police ont la même finalité, on applique le principe d’exclusivité : la police spéciale exclut l’exercice du pouvoir de police générale.

 

L’exercice du pouvoir de police administrative

 

La proportionnalité des mesures de police

Pour être légale, la mesure de police doit être nécessaire, adaptée et proportionnée à la situation. Ainsi :

  • Il faut que la situation justifie une mesure de police.
  • Il faut que la situation justifie la mesure qui a finalement été prise, et pas une autre qui aurait été moins contraignante pour les libertés tout en préservant l’ordre public. Par exemple, dans l’affaire Benjamin, un maire avait interdit la tenue d’une conférence qui présentait des risques de troubles à l’ordre public. Cependant, la gravité des risques de troubles à l’ordre public n’était pas telle qu’il n’existait aucune autre mesure pour préserver l’ordre public que d’interdire la conférence. C’est pourquoi la décision d’interdiction fut annulée par le Conseil d’Etat (CE, 19 mai 1933, Benjamin).

 

L’obligation d’agir

L’autorité de police est obligée d’agir si la mesure de police apparaît indispensable pour prévenir ou faire cesser une atteinte à l’ordre public. L’abstention de l’autorité peut constituer une faute susceptible d’engager la responsabilité de l’administration.

 

L’impossibilité de déléguer

Le pouvoir de police ne peut pas être délégué ; l’autorité de police doit l’exercer elle-même (CE, 17 juin 1932, Ville de Castelnaudary).

Le Conseil constitutionnel a même érigé en principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France l’impossibilité de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative (Cons. const., 15 octobre 2021, n° 2021-940 QPC).

 

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