La summa divisio droit privé / droit public
Le droit français s'organise autour de la distinction entre le droit privé et le droit public.
On parle de summa divisio droit privé / droit public (l'expression latine summa divisio signifie "division la plus élevée"). Ainsi, la distinction entre le droit privé et le droit public est la distinction la plus haute, la plus fondamentale du système juridique français. En principe, toutes les règles juridiques peuvent être rattachées soit au droit privé, soit au droit public (nous verrons toutefois dans la suite de cet article que cela doit être relativisé).
Cette distinction trouve son fondement dans une différence d'objet et de finalité :
- une différence d'objet : Le droit public regroupe les règles qui s’appliquent aux personnes publiques (c'est-à-dire l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics). Ces règles régissent d’une part leur organisation, et d'autre part leurs relations entre elles et avec les personnes privées. A l'inverse, le droit privé réunit les règles qui s’appliquent aux personnes privées et à leurs relations entre elles.
- une différence de finalité : Le but du droit public est la satisfaction de l’intérêt général, tandis que le droit privé se préoccupe davantage de garantir les intérêts individuels. C'est pourquoi l’Etat et les autres personnes publiques ont des droits et des obligations qui leur sont propres et qui diffèrent de ceux des personnes privées. La nature des intérêts en présence justifie l’application de règles juridiques différentes.
Par ailleurs, la distinction droit privé / droit public a pour conséquence un dualisme juridictionnel : le droit privé relève de la compétence des juridictions judiciaires tandis que le droit public relève de la compétence des juridictions administratives. Autrement dit :
- les litiges entre personnes privées sont de la compétence des juridictions judiciaires.
- les litiges entre personnes publiques, ainsi que les litiges entre une personne privée et une personne publique, sont de la compétence des juridictions administratives.
A noter : Vous pouvez cliquer ici pour lire un article complet sur l'organisation juridictionnelle en France.
Les caractéristiques du droit privé
Le droit privé régit les relations entre les personnes privées, qu'il s'agisse de personnes physiques (individus) ou de personnes morales de droit privé (sociétés, associations, etc.).
Le droit privé est un droit égalitaire. En effet, dans un contrat conclu entre deux personnes privées, les deux parties sont considérées comme étant sur un pied d'égalité. Par exemple, le contrat ne pourra être rompu qu'avec l'accord des deux parties.
En outre, le droit privé est un droit libéral : il est majoritairement composé de règles supplétives, c'est-à-dire de règles auxquelles les personnes peuvent déroger. L'idée est la suivante : puisque le droit privé ne concerne que les intérêts privés, on considère que les personnes peuvent faire ce qu'elles veulent, sauf ce qui nuit à l'intérêt général. Ainsi, dans un contrat conclu entre deux personnes privées, les parties pourront fixer librement la plupart de leurs obligations respectives.
Les caractéristiques du droit public
Le droit public régit les relations entre les personnes publiques, ainsi que les relations entre les personnes privées et les personnes publiques.
Alors que le droit privé met en présence des acteurs placés sur un pied d’égalité, le droit public se caractérise par la supériorité de l’État et des autres personnes publiques, qui bénéficient de prérogatives de puissance publique afin de faire prévaloir l’intérêt général sur les intérêts privés. A ce titre, les personnes publiques peuvent imposer leur volonté aux personnes privées.
C'est pourquoi le droit public est un droit inégalitaire : il place les personnes privées dans une relation inégalitaire avec les personnes publiques. Ainsi, la personne privée qui conclut un contrat avec une personne publique se verra généralement imposer les clauses principales, et le contrat pourra être rompu unilatéralement par la personne publique, sans indemnités.
En outre, en raison de sa finalité qui est la satisfaction de l'intérêt général, le droit public est un droit impératif : les personnes ne peuvent pas déroger aux règles de droit public.
Les branches du droit privé
Comme expliqué précédemment, le droit privé régit les relations entre les personnes privées. Cependant, les relations entre personnes privées sont diverses et variées. Ce peut être par exemple les rapports entre :
- un locataire et son propriétaire
- un client et son commerçant
- un salarié et son employeur
Chacun de ces rapports doit se voir appliquer des règles particulières. C'est pourquoi on trouve au sein du droit privé différentes branches, et en particulier :
- le droit civil
- le droit commercial
- le droit du travail
Le droit civil, tronc commun du droit privé
Le droit civil est le tronc commun du droit privé. Il s’applique lorsqu'aucune règle spéciale n’a vocation à s’appliquer.
Ainsi, si une situation ne relève ni du droit commercial, ni du droit du travail, ni de toute autre branche du droit privé, alors il faudra se référer aux règles du droit civil.
Au sein du droit civil, on trouve :
- le droit des personnes, qui s'intéresse aux règles relatives aux personnes physiques et aux personnes morales.
- le droit de la famille, qui régit les relations juridiques entre les membres d'une même famille (règles relatives au mariage, au PACS, au divorce, à la filiation, à l’adoption et à l'autorité parentale).
- le droit des obligations, qui régit les liens de droit qui se créent entre différentes personnes, soit à la suite d’un acte juridique (exemple : un contrat), soit à la suite d’un fait juridique (exemple : un accident).
- le droit des biens, qui régit les rapports entre les personnes et les biens, qu'ils soient meubles (exemples : une table, un ordinateur, une voiture...) ou immeubles (exemple : un appartement).
A noter : L’essentiel du droit civil se trouve dans le Code civil. Toutefois, certaines dispositions qui relèvent du droit civil ne se trouvent pas dans le Code civil. Exemple : la loi Badinter du 5 juillet 1985 relative à l’indemnisation des victimes en cas d'accident de la circulation.
Le droit commercial
Le droit commercial est l'ensemble des règles juridiques applicables aux commerçants (personnes physiques ou sociétés commerciales) et aux actes de commerce.
Comme expliqué précédemment, le droit commercial est un droit d'exception par rapport au droit civil, qui reste d'application en l'absence de textes commerciaux spécifiques.
Le droit du travail
Le droit du travail régit les rapports entre les employeurs et leurs salariés. Cette branche se divise elle-même en deux sous-branches :
- Les relations individuelles de travail : Ce sont les relations qui lient l’employeur au salarié de manière individuelle. Exemple : Les questions relatives au contrat de travail.
- Les relations collectives de travail : Il s’agit des relations entre l’employeur et ses salariés de manière collective. Elles englobent notamment les questions relatives aux conventions collectives ou encore la désignation des délégués syndicaux.
De même que le droit commercial, le droit du travail est un droit d'exception par rapport au droit civil, qui reste d'application à défaut de règles spécifiquement prévues par le Code du travail.
Les branches du droit public
De même que le droit privé, le droit public se divise en différentes branches :
- le droit constitutionnel
- le droit administratif
- le droit des finances publiques
Le droit constitutionnel
Le droit constitutionnel englobe l’ensemble des règles relatives à l’organisation politique de l’Etat et au fonctionnement des autorités détentrices du pouvoir.
Les règles relatives au droit constitutionnel sont principalement contenues dans la Constitution du 4 octobre 1958.
Le droit administratif
Le droit administratif est l'ensemble des règles qui régissent l’organisation et le fonctionnement de l'Administration, ainsi que les relations entre l'Administration et les particuliers.
Le droit des finances publiques
Le droit des finances publiques comprend l'ensemble des règles relatives au budget de l'Etat et des collectivités territoriales.
La relativité de la distinction entre droit privé et droit public
Si la distinction droit privé / droit public reste marquée en droit français, elle doit toutefois être relativisée.
D'abord, les rapports entre personnes privées sont aujourd'hui encadrés par un ensemble de normes juridiques impératives, édictées par l'Etat, qu'on appelle "ordre public". Les normes d'ordre public sont des normes auxquelles il n'est pas possible de déroger. Ainsi, les personnes privées sont contraintes de s’y plier. On parle de publicisation du droit privé.
Ensuite, les relations entre l'Administration et les particuliers sont de plus en plus régies par le droit privé. On observe ainsi une privatisation du droit public.
Enfin, la distinction droit public / droit privé n'est pas absolue en ce que certaines disciplines possèdent à la fois des caractéristiques du droit privé et du droit public. On parle de droits mixtes.
Par exemple, le droit pénal est un droit mixte. Le droit pénal est l’ensemble des règles qui déterminent les infractions pénales, désignent les personnes pouvant être déclarées responsables et fixent les peines qui leur sont applicables. En ce qu'il permet la défense de l’intérêt général de la société et implique une importante participation de l’Etat (ce sont les services de l'Etat qui exercent les poursuites à l'encontre de l'auteur d'une infraction, infligent la peine et permettent son exécution), le droit pénal peut être rattaché au droit public. Toutefois, le droit pénal permet de garantir la sauvegarde de droits individuels et la protection des individus, ce qui le rattache au droit privé. Il est d'ailleurs appliqué par les juridictions judiciaires (puisque les juridictions pénales appartiennent à l'ordre judiciaire), et non par les juridictions administratives.
De même, le droit fiscal est également un droit mixte. Le droit fiscal est l'ensemble des règles applicables à la détermination et à la perception de l'impôt. En ce qu'il permet de donner à l'Etat un budget nécessaire à son fonctionnement, le droit fiscal poursuit un but d'intérêt général, et peut donc être considéré comme une branche du droit public. Toutefois, il faut remarquer qu'il dépend beaucoup des règles du droit privé (en particulier des règles du droit des sociétés).
Tableau récapitulatif des différences entre droit privé et droit public
Droit privé | Droit public | |
---|---|---|
Définition | Droit qui régit les relations entre les personnes privées | Droit qui régit les relations entre les personnes publiques, ainsi que les relations entre les personnes privées et les personnes publiques |
Finalité | Satisfaction des intérêts privés | Satisfaction de l’intérêt général |
Caractéristiques | Droit égalitaire (rapports entre les personnes privées gouvernés par le principe d'égalité) Droit libéral (majoritairement composé de règles supplétives, c'est-à-dire de règles auxquelles il est possible de déroger) | Droit inégalitaire (attribue aux personnes publiques des prérogatives de puissance publique qui leur permettent d'imposer leur volonté aux personnes privées) Droit impératif (composé de règles impératives, c'est-à-dire de règles auxquelles il n'est pas possible de déroger) |
Juridictions compétentes | Juridictions judiciaires | Juridictions administratives |
Relativité de la distinction | Publicisation du droit privé (les rapports entre personnes privées sont aujourd'hui encadrés par un ordre public impératif) Mixité du droit pénal (rattaché au droit privé, il permet toutefois la défense de l’intérêt général de la société et implique une importante participation de l’Etat) | Privatisation du droit public (les relations entre l'Administration et les particuliers sont de plus en plus régies par le droit privé) Mixité du droit fiscal (rattaché au droit public, il dépend toutefois beaucoup des règles du droit privé) |
Branches | Droit civil (droit des personnes, droit de la famille, droit des obligations, droit des biens) Droit commercial Droit du travail | Droit constitutionnel Droit administratif Droit des finances publiques |
Très intéressant merci beaucoup