Depuis l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, la liberté contractuelle figure dans le Code civil, aux côtés de la force obligatoire du contrat et de la bonne foi, dans un chapitre premier consacré aux « dispositions liminaires » d’un sous-titre premier qui traite du contrat.
Plus précisément, la liberté contractuelle figure à l’article 1102 du Code civil qui dispose que « Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public. »
S’il a été un temps envisagé de consacrer la liberté contractuelle, la bonne foi et la force obligatoire du contrat comme des principes directeurs du droit des contrats, cette proposition n’a finalement pas été retenue. La consécration de principes directeurs en droit des contrats aurait en effet pu laisser penser que les autres règles du droit des contrats avaient une valeur inférieure, contribuant à un manque de lisibilité du nouveau droit. C’est pourquoi la notion de « principes directeurs » ne figure pas dans le Code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016.
Mais la liberté contractuelle, la bonne foi et la force obligatoire du contrat étant placées aux dispositions liminaires du droit des contrats, il faut cependant admettre qu’elles en constituent le socle, même si elles n’ont pas le rang de principes directeurs.
Dans cet article, nous nous intéresserons dans un premier temps au principe de liberté contractuelle, avant d’en envisager les limites.
Le principe de liberté contractuelle
L’article 1102 alinéa 1 du Code civil consacre les différentes déclinaisons de la liberté contractuelle. Ces déclinaisons concernent aussi bien le fond du contrat que la forme.
Sur le fond
Sur le fond, la liberté contractuelle peut se décliner en trois libertés distinctes :
- la liberté de contracter ou de ne pas contracter ;
- la liberté de choisir son cocontractant ; et
- la liberté de déterminer le contenu du contrat.
La liberté de contracter ou de ne pas contracter
En premier lieu, la liberté contractuelle implique la liberté de conclure un contrat ou non. La conclusion d’un contrat suppose en effet un accord de volontés. Ainsi, nul ne peut être obligé de conclure un contrat, d’accepter ou d’émettre une offre.
La phase de négociations est également un aspect de la liberté contractuelle : liberté d’engager des négociations, et liberté de les rompre. Celui qui négocie n’est jamais contraint d’aller jusqu’à la conclusion d’un contrat.
La liberté de choisir son cocontractant
La liberté de choisir son cocontractant est la deuxième déclinaison du principe de liberté contractuelle.
On est libre de contracter, et on est également libre de choisir la personne avec laquelle on va contracter.
Or la liberté de choisir son cocontractant implique souvent de refuser de contracter avec une ou plusieurs autres personnes. Sur ce point, la liberté de choisir son cocontractant se confond avec la liberté de ne pas contracter.
A ce titre, la liberté de choisir son cocontractant implique :
- la faculté de ne pas motiver le choix de tel contractant plutôt que de tel autre ; et
- la faculté de ne pas communiquer les critères selon lesquels ce choix est exercé.
De même, celui qui refuse de contracter n’est pas tenu de justifier des motifs de sa décision (Cass. Civ. 1ère, 6 mai 2010, n° 09-66.969).
La liberté de déterminer le contenu du contrat
Enfin, la liberté contractuelle implique que les parties peuvent déterminer le contenu du contrat comme elles l’entendent.
La liberté de déterminer le contenu du contrat a elle-même plusieurs corollaires.
D’abord, elle implique la liberté de créer des figures contractuelles nouvelles. C’est pourquoi il existe une distinction entre les contrats nommés (c’est-à-dire ceux qui sont réglementés par la loi et se trouvent donc soumis à des règles propres) et les contrats innommés (c’est-à-dire ceux qui ne sont soumis à aucune réglementation, autre que la théorie générale des contrats).
Ensuite, elle implique également, dans le cas d’un contrat nommé, la possibilité de compléter les règles légales en y ajoutant des règles supplémentaires.
Enfin, elle implique la possibilité de déroger aux règles légales, puisque les règles générales s’appliquent sous réserve des règles particulières (article 1105 du Code civil). Par conséquent, les dispositions générales gouvernant les contrats ont une vocation résiduelle, subsidiaire. Elles ne s’appliqueront qu’à défaut de règles spéciales.
Cette liberté de déterminer le contenu du contrat comporte toutefois une limite : le contrat ne peut pas déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties (article 1162 du Code civil).
Cette restriction se retrouve également à l’article 1102 alinéa 2 du Code civil qui dispose que « la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public ».
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec cette notion d’ordre public, sachez que l’ordre public correspond aux règles fondamentales de l’organisation sociale et du système juridique. C’est par l’intermédiaire de cette notion que l’on introduit un certain dirigisme contractuel (interdiction de certaines clauses, contrôle de l’abus). Par exemple, en droit du travail, il est interdit de conclure un contrat de travail moyennant un salaire inférieur au SMIC.
Sur la forme
L’article 1102 alinéa 1 du Code civil énonce également que chacun est libre de déterminer la forme du contrat.
En principe, les contrats sont consensuels (article 1172 du Code civil). Le consensualisme désigne la formation du contrat par la seule constatation d’un accord de volontés. Il n’est donc pas nécessaire de satisfaire à la moindre forme : le consentement suffit.
Toutefois, les parties sont libres de soumettre la conclusion du contrat à un formalisme particulier si elles le désirent. Il est par exemple possible de conclure un contrat écrit alors que la loi ne l’impose pas. C’est ce que dit l’article 1102 alinéa 1 du Code civil en affirmant que les parties sont libres de déterminer la forme du contrat.
Il faut également préciser que les exceptions au consensualisme sont nombreuses, et certains contrats ne sont valables que si une formalité particulière est respectée. Il s’agit des contrats solennels et des contrats réels.
La validité des contrats solennels est subordonnée à l’observation de formes déterminées par la loi à défaut desquelles le contrat est nul, sauf possible régularisation.
Généralement, un contrat solennel suppose la rédaction d’un écrit, qui sera :
- soit authentique. Exemples : contrat de mariage, donation, hypothèque, subrogation conventionnelle par volonté du débiteur.
- soit, plus souvent, sous seing privé. Exemples : contrat d’assurance, bail d’habitation, convention d’indivision.
En ce qui concerne les contrats réels, ce sont ceux dont la formation est subordonnée à la remise d’une chose. Exemple : le contrat de dépôt.
Cette catégorie des contrats réels tend à se réduire. Ainsi :
- le contrat de prêt était classiquement analysé comme un contrat réel. Mais la jurisprudence considère aujourd’hui que le prêt consenti par un professionnel du crédit est un contrat consensuel (Cass. Civ. 1ère, 28 mars 2000).
- le gage, auparavant considéré comme un contrat réel, est devenu un contrat solennel depuis l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 (article 2336 du Code civil).
Les limites de la liberté contractuelle
Si la liberté contractuelle a valeur constitutionnelle (Cons. const., 13 juin 2013, n° 2013-672 DC), cela n’empêche pas le législateur de prévoir des limites à cette liberté, à condition qu’elles soient justifiées par un but d’intérêt général et que les atteintes portées à la liberté contractuelle soient proportionnées au but recherché.
Bien entendu, les parties sont libres, avant la conclusion du contrat, de s’imposer des contraintes. On pense notamment au pacte de préférence ou à la promesse unilatérale de vente. Cependant, ces contraintes sont librement créées par les parties et font donc partie intégrante de la liberté contractuelle. Elles ne peuvent, à ce titre, être considérées comme des limites au principe de liberté contractuelle.
En réalité, les limites au principe de liberté contractuelle sont les suivantes :
- l’ordre public ;
- les bonnes moeurs ; et
- les droits et libertés fondamentaux.
L’ordre public
Comme expliqué ci-dessus, l’ordre public correspond aux règles fondamentales de l’organisation sociale et du système juridique auxquelles les individus ne peuvent en principe déroger.
L’ordre public constitue donc une limite à la liberté contractuelle.
Cette notion d’ordre public s’entend non seulement des dispositions légales impératives que les sujets de droit doivent nécessairement respecter, mais également des règles d’ordre public qui ne figurent pas dans la loi.
Ainsi, l’article 1102 alinéa 1 du Code civil énonce que la liberté contractuelle est encadrée par les limites fixées par la loi.
Mais l’article 1102 alinéa 2 du Code civil dispose que « la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public » et l’article 1162 du Code civil dispose quant à lui que « le contrat ne peut pas déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ».
Il faut donc comprendre que l’ordre public, en tant que limite à la liberté contractuelle, dépasse le contenu de la loi.
Les bonnes moeurs
On entend par « bonnes moeurs » les comportements conformes à la morale.
Cette notion de « bonnes moeurs » apparaît aujourd’hui de plus en plus obsolète et semble en réalité englobée dans la notion plus vaste d’ordre public.
Toutefois, l’article 6 du Code civil, non modifiée par l’ordonnance du 10 février 2016, continue de disposer qu’« on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes moeurs ».
La notion de « bonnes moeurs » est donc toujours susceptible de constituer une limite à la liberté contractuelle.
Les droits et libertés fondamentaux
Le Code civil ne pose pas les droits et libertés fondamentaux comme limite au principe de liberté contractuelle.
Toutefois, cela n’empêche pas la jurisprudence de contrôler que les contrats ne portent pas aux droits et libertés fondamentaux une atteinte injustifiée ou disproportionnée au regard du but poursuivi.
Les différents droits et libertés fondamentaux (en particulier ceux reconnus par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) peuvent ainsi être considérés comme des limites au principe de liberté contractuelle.
MERCI BEAUCOUP
bonjour ! pouvez-vous m’éclairer sur ce sujet de dissertation ?
»il faut , dans un contrat, que l’un et l’autre parlent »